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« Je suis parti seul à Londres, sans agent »

Propos recueillis par Florian Cadu
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Aujourd'hui à Notts County, Thierry Audel ne connaît pas trop le foot français. Lui, c'est plutôt sur l'Angleterre et l'Italie qu'il sait des choses. Le Français de 29 ans, qui se passe désormais des services d'un agent, a souvent dû faire face aux difficultés tout seul.

Hello Thierry. Comment ça va à Nottingham ?

Je suis content, ça fait maintenant trois mois que je suis arrivé et je joue, ce qui n’a pas toujours été le cas ces dernières années. J’ai joué quatorze matchs sur vingt, je suis régulier… Et puis, les supporters ici sont impressionnants. Normalement, les fans sont un peu durs si t’enchaînes les défaites, à juste titre. Ici, après trois branlées d’affilée, ils continuent d’être derrière toi. L’ambiance est magnifique, le staff est sérieux, il y une bonne structure. Sportivement, l’objectif est la montée en League One (troisième division d’Angleterre, ndlr).

Ça va le faire ?

Je ne peux pas te dire, mais en tout cas, on a l’effectif pour. Avec 34 joueurs, je crois qu’on a l’effectif le plus riche du championnat. On a presque trois équipes à disposition ! Le club n’a pas peur d’investir pour qu’à terme, Notts County rejoigne les premières divisions.

Bien avant ça, tu as été formé en France.

Oui. J’ai fait Nice, Istres et Auxerre, où j’ai véritablement commencé ma formation.

Tu avais donc déjà fait trois clubs alors que tu n’avais pas encore de contrat pro.

Oui. En fait, je pense qu’en France, quand tu es jeune, il faut tomber sur le bon entraîneur. Aujourd’hui, je ne sais pas si c’est encore le cas, mais à l’époque, c’était comme ça. Quand je suis arrivé à Nice à 14 ans, j’ai eu la chance de rencontrer Gérard Buscher et Bernard Castellani qui ont été pros avant et qui m’ont donné de bons conseils. Après, j’ai eu une bonne opportunité à Istres où j’ai percé, et Auxerre est venu me chercher. J’ai pu travailler avec Guy Roux, dont c’était la dernière année au club. Il m’a fait confiance, j’ai pu m’entraîner avec les pro. J’ai beaucoup appris de lui, même s’il m’a mis de bons coups de pression parfois !

Pourquoi tu es parti de l’AJA ?

Malheureusement, il y a eu des changements d’entraîneur et on m’a seulement proposé un contrat amateur d’un an. Alors qu’en Italie, on m’offrait trois ans de contrat pro en deuxième division. C’est ça que je trouve dommage : je suis un produit de l’école française et je n’ai pas pu jouer en France parce qu’il n’y avait pas vraiment d’opportunités. Pourtant, j’avais fait trois ans avec les jeunes à un bon niveau.

Comment tu expliques cette frilosité française ?

Je ne sais pas. Peut-être qu’à l’époque, les clubs italiens étaient davantage prêts à investir. Peut-être qu’en France, on a trop de jeunes talentueux. Auxerre était considéré comme l’usine à former des bons joueurs, et ça l’était.
Je suis allé à Izola en Slovénie une seule fois pour signer un contrat que je n’ai pas lu, mais je n’ai jamais joué au football là-bas.

Du coup, direction la Botte. Mais sur ton CV, il y a un club slovène qui est noté, du nom d’Izola, pour lequel tu n’as pourtant jamais joué. C’est quoi cette histoire ? Une affaire de fric ?

Alors ça, ça reste un mystère. Faut demander aux agents.

Tu n’en sais rien ? Sérieusement ?

Sérieusement. À l’époque, je ne parlais même pas italien, donc je ne pigeais pas ce que bricolaient les agents. Et je n’ai jamais cherché à comprendre. Je suis allé à Izola une seule fois pour signer un contrat que je n’ai pas lu, mais je n’ai jamais joué au football là-bas.

Comment se sont passés tes débuts en Italie, à Triestina ?

C’était super difficile. Personne ne m’a aidé et je ne parlais qu’un anglais scolaire. Donc j’ai très vite appris l’italien, tout seul avec mon bouquin. C’est comme ça que je me suis intégré. Au bout de trois mois, je comprenais déjà les autres. Mais c’était vraiment l’aventure : la ville était à trois heures de chez moi, personne ne m’avait accompagné… Quand tu as tout juste 20 ans, c’est un peu compliqué. Et puis sportivement parlant, j’ai eu pas mal de blessures cette première année.

Tu t’es fait rapidement à la vie italienne ?

Pour être honnête, je suis tombé sur une région pas vraiment accueillante. La vie était très belle, pas de souci de ce côté. Mais la mentalité… laisse tomber. Les gens étaient très fermés. J’ai eu beaucoup de problèmes avec ça, les locaux ne me considéraient pas comme une personne. En tant qu’étranger, noir qui plus est, ça a été l’horreur.

Tu parles de gestes racistes ?

Oui. Il y en a eu beaucoup. Des cris de singe en Sicile, par exemple. C’est loin d’être une légende. Même certains joueurs de ma propre équipe avaient des comportements racistes à mon égard. Je n’avais jamais vécu ça en France. Donc j’ai dû m’y habituer parce que tu ne peux pas lutter. Je suis rentré dans le système et j’ai su rester avec les « bons » Italiens et éviter les « mauvais » .

Ça n’a pas été comme ça partout ?

Non, bien sûr que non. À Pise, où j’ai passé deux ans, et à Saint-Marin, où j’ai été prêté, ce n’était pas le cas. Mais même si tout n’a pas été parfait, je referais les mêmes choix si c’était à refaire.
Quand je vois des gosses anglais de 12 ans qui font déjà de la musculation, je comprends pourquoi on est un peu en retard en France !

Tu as pris du plaisir sur le terrain ?

J’ai eu beaucoup de mal à m’habituer à la tactique italienne. Ils n’ont que ça à la bouche : tactique, tactique, tactique… La semaine, à l’entraînement, on passait des heures à travailler la tactique. En tant que défenseur, j’ai beaucoup appris, sur mon positionnement, sur la lecture de jeu… Là-dessus, ils sont très forts, ce sont les meilleurs. C’est leur culture. Ils ont ça dans le sang. À Auxerre, quand on commençait l’entraînement, c’était toro et jeu technique. En Italie, c’est discussion sur la tactique et debrief du dernier match. C’est comme des mathématiques. Je me souviens, je disais à mes potes : « C’est pas du foot, c’est de la géométrie ! » Mais même si ça me prenait la tête, j’étais obligé de m’y conformer. Autrement, je ne jouais pas.

Tu as dû kiffer quand tu as rejoint l’Angleterre…

Pas au début. Là aussi, ça a été dur. En fait, j’en avais marre de l’Italie. J’avais l’impression de ne pas pouvoir obtenir ce que je méritais en étant étranger. L’impression qu’on ne me traitait pas de la même façon que les autres. J’avais fait une bonne saison à Pise, et comme d’hab’, l’entraîneur partait et on me dégageait de l’équipe sans motif… Donc j’ai risqué ma carrière en refusant net de continuer à jouer en Italie. J’ai tout quitté et je suis parti seul à Londres, sans agent. Je suis allé à l’hôtel et j’ai commencé à chercher des contacts, à appeler des clubs… Comme un mec qui n’aurait jamais joué au haut niveau. Jusqu’au jour où j’ai croisé un entraîneur qui m’a fait passer un test et que j’ai convaincu. C’était le coach de Macclesfield. Après quatre gros mois, il y avait plusieurs clubs sur moi, dont un de League One, Crewe Alexandra, pour qui j’ai signé deux ans. Un rêve. Qui n’a pas duré longtemps, puisque l’entraîneur ne m’a jamais fait jouer.

Pourquoi ?

Je ne sais pas trop. C’est le directeur sportif qui m’avait fait signer, pas l’entraîneur. Je n’ai jamais eu ma chance. Je n’étais même pas sur le banc, je disputais quelques matchs en réserve, j’avais mon chèque en fin de mois et c’était tout. Donc je suis reparti en 5e division, à Lincoln. Je voulais jouer au foot. Et ça s’est bien passé pendant deux ans. Mais je n’étais que prêté. Je suis retourné à Macclesfield, et Notts County m’a contacté pour que je les rejoigne. Tu arrives à suivre ? (Rires)

Pas trop chiant de bouger tout le temps ?

Si, carrément. Bouger tes affaires chaque année, c’est lourd. En plus, j’ai toujours voulu rester dans un club et en faire vraiment partie. Si ça s’était bien passé en Italie, j’y serais sûrement encore.

Il a quelque chose qui t’a marqué dans le foot anglais ?

Le physique. Dans toutes les divisions. Quand je vois des gosses de 12 ans qui font déjà de la musculation, je comprends pourquoi on est un peu en retard en France ! En 5e division, tu joues contre des mecs qui font 1,95 m… Les matchs sont longs ! Il n’y a pas beaucoup d’organisation, en revanche. Le foot français est beaucoup plus technique. En dehors de ça, l’ambiance est super. L’autre jour contre Mansfield, on avait 10 000 supporters !

À t’entendre, tu aurais pu faire une meilleure carrière. Qu’est-ce qu’il t’a manqué ?

De la chance, notamment avec les entraîneurs. Des conseils de professionnels, aussi. Si j’avais commencé avec mon expérience actuelle, j’aurais fait moins d’erreurs. Mais j’ai toujours choisi le risque et je ne regrette rien.
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Propos recueillis par Florian Cadu

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