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Je suis le FC Ankaraspor, unique club turc d’Amsterdam

Par Matthieu Rostac, à Amsterdam
Je suis le FC Ankaraspor, unique club turc d’Amsterdam

Troisième communauté des Pays-Bas, les Turks-Nederlander font désormais partie intégrante du pays. Au point d'avoir des clubs de football à part entière. Rencontre avec le seul club turc d'Amsterdam, où il est avant tout question d'ouverture, de multiculturalisme et de derby face au club surinamais du coin.

Dimanche 6 septembre, début d’après-midi frais au Parc des sports de Middenmeer, dans l’Est d’Amsterdam, à quelques centaines de mètres de l’ancien stade De Meer de l’Ajax Amsterdam. Sur le terrain en synthétique, l’équipe du Real Sranang, l’un des nombreux clubs de la communauté surinamaise de la capitale néerlandaise, affronte une formation dont le maillot ressemble à s’y méprendre à celui de l’Atlético Madrid. Mais la comparaison s’arrête là avec l’équipe de Diego Simeone : supérieure physiquement et techniquement, le Real Sranang régale les quelques supporters, amassés en petits groupes ci et là. Un essaim de spectateurs jure avec le reste des mecs derrière les coursives, avec leurs accolades en guise de bonjour et leurs petits mots échangés en turc. Leur dress code, survêtements bleu et blanc, trahit la raison de leur présence. Il s’agit des joueurs du FC Ankaraspor, le seul club « turc » de la ville d’Amsterdam, venu affronter l’autre équipe dominicale du Real Sranang pour la reprise en Vierde Klasse, le sixième échelon du football néerlandais. Hayati Kulaksiz, président du FC Ankaraspor, est également là, venu observer la première prestation de la saison 2015-2016 de ses joueurs. Cet homme, né il y a quarante-six ans en Turquie, mais immigré aux Pays-Bas depuis trente ans maintenant, employé à la centrale d’achat d’Albert Heijn (le Monoprix local) de Zandaam, a « fondé le club en 2003 avec quelques amis » avec un but simple : « On voulait avant tout réunir la communauté turque autour du foot. Au départ, le club était composé de 70% de joueurs venant de Turquie, et l’équipe première exclusivement turque, mais maintenant, on en est à 50% de Turcs sur l’ensemble du club. On voulait créer un club multiculturel, c’était important pour nous. Le FC Ankarspor, c’est pour tout le monde. »

« Turc à la maison, mais néerlandais une fois la porte passée »

Quinze ans plus tard, le FC Ankaraspor possède onze équipes affiliées à la KNVB, la Fédération néerlandaise. Son joueur le plus jeune a huit ans, le plus vieux, Mustafa, a 39 ans et porte le brassard de l’équipe première ce dimanche – « pas le plus rapide, pas le plus physique, mais toujours le mieux placé » dixit Sarkan Yapici, l’entraîneur de l’équipe. Surtout, le club offre un spectre de communautés assez large, poursuit ce professeur de mathématiques dans un lycée, qui passe tous ses dimanches depuis douze ans du côté du FC Ankaraspor : « Le dimanche, on a cinq équipes qui jouent et quatre le samedi. Dans le lot, grosso modo, je dirais qu’on a cinq équipes turques et quatre néerlandaises. Dans l’équipe première, on a Aaron, un Néerlandais d’origine, et dans l’équipe B, il y a un Marocain et un Surinamais. » Le club s’apprête même à accueillir deux Brésiliens, Tiago et Allen, alors qu’un troisième est resté à quai pour des problèmes de visa. Né sur le territoire néerlandais de parents turcs, Sarkan se décrit comme « turc à la maison, mais néerlandais une fois la porte passée » .

Il développe : « Un club de football, ça doit être le reflet de ce que tu vois dans la rue. Et si tu prends Amsterdam, c’est 50% néerlandais et 50% d’étrangers. Des Marocains, des Turcs, des Surinamais… Peu importe. On accueille tout le monde. La séparation, le communautarisme, ça doit s’arrêter. Et le football, c’est peut-être le meilleur moyen que ça arrive. » D’ailleurs, on ne peut pas vraiment dire qu’il y a une fierté toute particulière chez les joueurs à évoluer sous les couleurs de l’unique club turc d’Amsterdam. La majorité des joueurs présents ce jour-là, bien que d’origine turque, sont avant tout là parce que le FC Ankaraspor est leur club de quartier. Numan, son numéro 9 dans le dos, préfère encore lancer des « Giroud ! Giroud ! » plutôt que de parler de Hakan Şükür quand il s’agit d’évoquer sa place sur le terrain. « Je suis presque sûr que tous les joueurs sur le terrain aujourd’hui se sentent néerlandais. À part un ou deux, ils sont tous nés ici, ont grandi ici, donc c’est impossible de penser autre chose » , précise Sarkan.

Le dernier club turc d’Amsterdam

Si le FC Ankaraspor recherche à faire l’unanimité toutes communautés confondues, c’est aussi parce que les Turks-Nederlander, comme on les appelle aux Pays-Bas, font désormais partie du paysage. Après deux campagnes d’immigration choisie menées par le gouvernement batave en 1964 puis en 1974, renforcée par une vague constante d’immigration spontanée depuis le milieu des années 50, les Turcs des Pays-Bas représentent aujourd’hui la troisième communauté du pays derrière les Néerlandais et les Indonésiens avec plus de 400 000 ressortissants (sur 17 millions d’habitants), au point que les Pays-Bas constituent la troisième destination privilégiée dans le monde après l’Allemagne et la France. De facto, des personnalités issues de l’immigration turque s’illustrent aux Pays-Bas depuis quelques années, comme Deniz Akkoyun, Miss Pays-Bas en 2008, la chanteuse Joan Franka ou encore les politiciennes Nebahat Albayrak et Emine Bozkurt, respectivement ancienne secrétaire d’État à la Justice et députée européenne.

Plus localement, la communauté footballistique turque a beaucoup souffert ces dernières années, avec notamment l’assassinat le 17 février 2007 du sulfureux Nedim Imaç, président du FC Türkiyemspor (anciennement premier club turc d’Amsterdam jusqu’à sa disparition en 2009) et accessoirement baron de l’héroïne dans la capitale néerlandaise. Incidence ou non, le FC Ankaraspor s’est détaché l’année suivant ce meurtre du FC Türkgücü (la « Force turque » ), autre club amstellodamo-turc, parce que son nom paraissait trop ostentatoire aux yeux de Kulaksiz. Sarkan ne dit pas autre chose en parlant de « l’autre club » : « Être compétitif, d’accord, mais il faut être amical avant tout. Notre règle n°1 était de n’avoir aucun problème avec les autres clubs ou la Fédération. Pour l’autre club, je crois qu’il y a eu des soucis avec la Fédération, ils ont été un peu forcés d’arrêter. »

Le FC Ankaraspor, lui, est en règle avec toutes les institutions du football néerlandais et a même contribué aux programmes d’intégration chez les jeunes développés par la KNVB. Mais les problèmes demeurent quotidiens pour ce petit club qui doit vivre avec seulement 289 membres actifs. Le dernier en date concerne le club house. Plus aux normes, ce dernier a du être détruit, laissant le club sans foyer pour les après-matchs, les réunions et les assemblées générales. « Pour le moment, on partage des lieux avec un autre club, mais la paperasse prend beaucoup de temps à aboutir. Je trouve ça triste parce qu’un club turc comme le nôtre, qui cherche à valoriser toutes les communautés ensemble, se retrouve sans lieu de vie depuis deux ans maintenant. On est en santé financièrement parlant. On essaie, on essaie, on essaie… Mais bon, à Amsterdam, l’argent ne suffit pas » , se désole Sarkan, qui perd pour la première fois son grand sourire.

Turquie-Pays-Bas : un match dans le match

Une tête des mauvais jours que l’on retrouve 90 minutes plus tard. Le FC Ankaraspor a été défait 5-1 par le Real Sranang dans ce « plus ou moins derby » , dixit Hayati (les terrains des deux clubs sont situés à quelques dizaines de mètres l’un de l’autre), après avoir concédé deux penaltys et s’être effondré en fin de match malgré la bonne prestation d’un gardien héroïque et les bons ballons distillés par un n°10 ersatz de Fernando Cavenaghi. Mustafa, lui, a mis à mal les commentaires élogieux d’avant-match de son coach. Au bout de quelques minutes de match, le latéral gauche presque quadra a pris un jaune pour un vilain tacle au genou aux abords de la surface. Numan, lui, a montré qu’il était plus Francis Jeffers qu’Olivier Giroud dans le rôle d’avant-centre, incapable de rivaliser avec la puissance physique des centraux de Sranang, obligeant ce vieux supporter turc, cheveux blancs et bouc finement taillé, à jongler entre les bouffées de cigarette, les goulées de canettes de Heineken et les « Ah… Numan ! » dépités. Mais à peine ce match terminé qu’un autre lui emboîte le pas, tout aussi important pour les pensionnaires du FC Ankaraspor : Turquie-Pays-Bas pour les qualifications à l’Euro 2016. Forcément, les cœurs sont tiraillés.

« C’est difficile, pas vrai ? » lâche Hayati. « Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais qualifié la Turquie et les Pays-Bas, mais bon, ça risque pas d’arriver. Donc je ne peux pas vraiment me prononcer. » Sarkan, lui, livre quelques pistes concernant sa préférence, même s’il donne un « fifty-fifty » sur le pronostic. « Du côté turc, le football pratiqué n’est pas très beau à voir. Moi, je n’aime pas, en tout cas. Ils bloquent le jeu et profitent de deux opportunités pour marquer. Les Néerlandais, en revanche, essaient d’avoir la possession pour se créer des occasions. » Une seule chose est sûre : l’équipe ne regardera pas le match ensemble. Un comble, quand on y pense. Encore un problème de club house ? Que nenni, selon Hayati, qui offre une réponse aussi simple que pragmatique : « On n’a pas d’abonnement à la chaîne qui retransmet le match. » Ce qui arrange bien Mohamed, sa casquette Zelda vissée à l’envers sur la tête et sa besace glissée sous la veste de survêt’ du club. Convalescent, il est néanmoins venu supporter son club sur le banc pour ce match de reprise. Mais pas de match Turquie-Pays-Bas pour lui : « Je dois aller bosser, hé ! De toute façon, t’aurais dû venir la semaine prochaine : là, j’aurais été sur le terrain et j’aurais marqué deux buts ! » Et les Pays-Bas auraient gagné, aussi ?

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