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Il était une fois la Volata, le sport qui devait remplacer le foot en Italie

Par Adrien Candau
Il était une fois la Volata, le sport qui devait remplacer le foot en Italie

Sous le joug du fascime mussolinien depuis 1922, l'Italie se voit autoritairement transformée par le régime du Duce, qui ira jusqu'à tenter de s'attaquer au football, un sport un temps jugé pas assez conforme à sa vision du « nouvel homme italien. » Pour damer le pion au sport roi, le pouvoir transalpin met ainsi dès 1928 le paquet sur une discipline qu'il a créée de toutes pièces, qui consiste en un mélange composite de foot, de handball et de basket. Son nom ? La Volata.

Le rapport qu’entretenait Benito Mussolini avec le football ressemblait à un drôle de flirt. Bien entendu, si on ne regarde que la partie émergée de l’iceberg, les victoires de la Nazionale lors des mondiaux 1934 et 1938 permirent au régime d’instrumentaliser le sport roi comme formidable arme de propagande nationaliste et idéologique. Mais, de l’autre coté du miroir, on peut déceler une autre histoire, autrement plus conflictuelle : avant que la Squadra Azzurra ne monte sur le toit du monde, le football a longtemps été un vrai sujet de préoccupation pour le pouvoir mussolinien. À tel point qu’en 1928, Augusto Turati, le secrétaire du parti national fasciste italien (PNF) – soit l’un des hommes les plus puissants du pays après Mussolini – est à l’origine de la création d’un sport dont le but est de détrôner le ballon rond dans le cœur des Italiens : la Volata.

Football sous contrôle

Mais pourquoi vouloir substituer au football un sport d’un genre nouveau ? Au début des années 1920, la popularité du football en Italie ne cesse de grandir, alors que de grands entrepreneurs comme Piero Pirelli, Edoardo Agnelli et Enrico Marone irriguent déjà en cash le Milan, la Juventus ou encore le Torino. Pour discipliner et structurer un sport qui brasse de plus en plus d’argent et de public (même s’il reste à l’époque moins populaire que le cyclisme en Italie), l’autorité fasciste met alors ses homme aux manettes : parmi eux, Lando Ferretti, le président du Comité olympique italien (CONI), qui nomme lui-même Leandro Arpinati, le maire fasciste de la ville de Bologne, président de la Fédération italienne de football en 1926. Rapidement, le football italien est réformé. Les Ligues nord et sud sont unifiées en un championnat, et les joueurs sont divisés en « amateurs » et « non amateurs » afin de réglementer leur statut. Enfin, les clubs se voient interdits d’intégrer à leur effectif des joueurs non italiens.

Pourtant, le football reste encore un problème pour le PNF. « Certains grandes pontes du régime notaient certains « faits désagréables » concernant l’évolution rapide du football… explique Marco Impiglia, auteur de La Volata : quand le fascisme interdisait aux Italiens de jouer au football. Ils trouvaient les fans et les joueurs trop violents et s’inquiétaient de la corruption et des truquages autour des matchs. Pour eux, c’était aussi un sport incomplet, qui ne développait que les jambes, alors que le régime mussolinien voulait créer un nouvel homme, fort, guerrier, et donc bien proportionné… Le comportement des joueurs, qui étaient parfois traités comme des stars, ne plaisait aussi pas au régime. »

« Sans compter que le fascisme italien est fondamentalement un régime qui fait alliance avec les élites du pays, la grande bourgeoisie industrielle et l’aristocratie foncière, à savoir des gens qui font du tennis, du ski, pointe l’historien Fabien Archambault, auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire du football transalpin. Mussolini, quand il se met en scène comme sportif, ce n’est jamais le foot, jamais le cyclisme. Il est attiré par les sports « respectables », bourgeois, comme l’escrime par exemple. »

« Sport fascistissimo »

Pour faire tomber le football de son piédestal, Augusto Turati, le numéro 2 du PNF, imagine donc en 1928 la Volata, un sport qu’il espère révolutionnaire. Le principe ? Deux équipes, composées de 8 joueurs chacune, (1 gardien de but, 2 arrières latéraux, 3 demi-arrières, 2 avants), s’affrontent sur un terrain de football, restreint et modifié. Le match dure 1 heure, divisé en 3 périodes de 20 minutes. Le ballon peut être manipulé avec les pieds et les mains. Dans le second cas de figure, un joueur ne peut pas garder la balle en main plus de trois secondes, sauf s’il avance en faisant rebondir la sphère, comme on dribble au basket. Tous les tirs doivent être effectués en dehors de la surface de réparation, et les joueurs défensifs (gardien de but et arrières latéraux) ne sont pas autorisés à aller au-delà de leur propre moitié de terrain. « Tout cela a obligé les joueurs à faire des combinaisons très rapides, menées en collaboration avec des coéquipiers… » explique Impiglia.

Schématiquement, la Volata ressemble ainsi à un sorte de handball survitaminé sur le plan athlétique (car pratiqué sur un terrain beaucoup plus grand, de 90 mètres sur 60), dont le fonctionnement et le règlement épousent les « valeurs » fascistes, dont se réclame le pouvoir mussolinien. D’un, parce que, contrairement au football, elle fait travailler intensément bras comme jambes, et est ainsi plus en phase avec l’idéal du surhomme fasciste, cher à Mussolini. Ensuite, car « la Volata a été conçue pour être un jeu d’équipe, avec une répartition très précise des rôles, équilibrée sur le plan sportif et dotée d’un niveau rythmique très élevé, poursuit Impiglia. Il s’agissait d’un sport adapté aux ouvriers engagés dans des procédés de fabrication qui demandaient une répétition incessante de mouvements précis. D’ailleurs, on l’appelait le sport fascistissimo (littéralement, le sport très fasciste, N.D.L.R.) . Elle se voulait plus compatible avec le travail industriel, contrairement au football, qui laissait trop de place à l’individualisme, aux initiatives « artisanales. » »

Volata sur le pré et Benito en tribunes

Le six janvier 1929, la Volata est introduite en grande pompe devant 10 000 spectateurs au stade du Parti fasciste national de Rome. Problème : malgré la couverture médiatique intensive dont elle fait l’objet, cette grande première sera loin de passionner les foules. Qu’importe : Turati croit dur comme fer dans le sport du parti et persiste : « Turati a ordonné aux équipes de football des usines de suspendre leurs championnats et de se préparer à devenir des équipes de Volata, pose Impiglia. Des instructeurs sont aussi vite dépêchés dans les clubs de sport et de foot pour y enseigner le jeu. « Six mois après son lancement, il y avait 12 000 joueurs de Volata, répartis en plus ou moins 1 000 équipes » , poursuit Impiglia. En 1930, le premier championnat national est même organisé. Trente-deux équipes, réparties en quatre divisions, y prennent part. Quatre clubs – Richard Ginori Milano, S.S. Venezia, S.G. Roma et D.P. Palermo – se qualifient pour les demi-finales à Rome. Le 21 septembre, Milan et Palerme se disputaient le titre de champion d’Italie au Stade national, en présence de Benito Mussolini, un match facilement remporté 9 à 2 par les Lombards.

Dégringolade éclair

Beaucoup d’efforts pour pas grand-chose : si la Volata a bien gagné quelques pratiquants, sa popularité, gonflée par la propagande agressive du parti, n’a en réalité jamais décollé. La discipline va même spectaculairement se casser la tronche à l’aube des années 1930, pour diverses raisons. Calomnié dans la presse par ses adversaires politiques au sein du PNF, Turati est contraint à la démission début 1930. Dès lors, « on ne pouvait pas faire d’un jeu inventé par un homme tombé en défaveur auprès de Mussolini, le pivot de sa politique sportive , déroule Impiglia. Achille Starace (le nouveau président du CONI, nommé en 1933) a manœuvré pour affaiblir l’organisation de la Volata et n’a pas hésité à la remplacer, encourageant le renouveau des équipes de football et en faisant la promotion du volley-ball.   »

Trop rigide et mécanique dans son fonctionnement, trop physique, aussi, aux yeux de ses pratiquants, la Volata n’aura pas convaincu : « C’était une discipline si rapide et rythmée que les joueurs avaient besoin d’une endurance de cheval pour la pratiquer, poursuit Impiglia. Il est probable que tous ces changements n’ont pas rencontré la faveur des ouvriers. Ils voulaient un jeu comme le football, pas un sport réservé à Speedy Gonzales. » Le football justement, va bientôt passer un nouveau palier en Italie, alors que la Nazionale remporte la Coupe du monde 1934, sur ses terres. Cette fois-ci, Mussolini s’est fait une raison et ne loupera pas le coche du Mondial transalpin : la finale entre l’Italie et la Tchécoslovaquie voit des chemises noires quadriller les tribunes, tandis que des chasseurs survolent le stade. Un trophée fabriqué pour l’occasion, la Coppa del Duce, est aussi remis au vainqueur. Jules Rimet, le patron du foot mondial, ira jusqu’à déclarer que « pendant cette Coupe du monde, le président de la Fédération internationale de football était Mussolini  » . La Volata, elle, n’est déjà plus qu’un lointain souvenir.

Après la trêve internationale, place au festin !

Par Adrien Candau

Propos de Marco Impiglia et Fabien Archambault recueillis par AC

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