« Aujourd’hui, tout le monde peut se laver le cul avec ta tête ! »
Très tôt, l’adolescent Radomir développe des capacités intellectuelles au-dessus de la moyenne. « Au collège, notre professeur nous avait fait remplir un questionnaire sur ce que nous voulions faire plus tard et ce que nous ne voulions absolument pas faire, racontait Antić pour le magazine Jot Down. Lors de la classe suivante, il est arrivé énervé et s’est mis à dire : "Asseyez-vous tous sauf toi, Radomir." Je me demandais ce que j’avais bien pu faire... Il m’a alors expliqué : "Tu peux devenir ingénieur en mécanique parce que tu es un garçon intelligent et un bon élève, mais quand tu expliques que tu ne voudrais jamais nettoyer les rues, c’est une honte. Chaque travail honnête doit être valorisé, et la seule chose que tu devrais détester serait de devenir un criminel." » Entendu.
Un temps affilié à différentes disciplines sportives comme le basket, la boxe ou les échecs, l’ado va mettre les études supérieures de côté pour s’investir à fond dans son activité favorite. « Tu sais ce que m’a dit ma mère quand j’ai commencé à percer dans le foot ? Je lui ai acheté le journal où mon interview sortait en première page. Elle s’est penchée dessus plusieurs fois, puis elle m’a regardé : "Mon fils, tu es arrivé si loin... Aujourd’hui, tout le monde peut se laver le cul avec ta tête !" La philosophie de mon village a toujours été basée sur le collectif, jamais sur l’individuel. Ici, il faut toujours se sacrifier pour le groupe. » Formé à bonne école, Antić réalise une carrière de footballeur complète. Il passera huit saisons sous le maillot du Partizan Belgrade, avant des expériences à Fenerbahçe, au Real Saragosse et Luton Town, où il boucle sa carrière professionnelle en 1984.
Le Matelassier d’or
Un temps revenu à Belgrade pour intégrer le staff local, Radomir Antić accède au poste d’entraîneur adjoint et incorpore en équipe première un certain Milinko Pantić. Sept années plus tard, l’entraîneur Antić est nommé à la tête de l’effectif de l’Atlético de Madrid et recrute dans ses rangs son ancien poulain du Partizan à l’été 1995. Déjà passé par le Real Madrid, qui l’avait limogé alors que l’équipe était en tête de Liga, Antić se lance un défi fou dans un club qui vient de connaître dix entraîneurs différents en seulement deux saisons. « J’avais un pré-contrat plus onéreux avec Valence à l’époque, mais j’ai choisi l’Atlético parce que c’était le club le plus difficile à entraîner au monde, avouait l’intéressé. Je voulais me prouver que j’étais capable de fonctionner dans ces circonstances-là. » Bingo. Grâce à un collectif huilé où José Francisco Molina, Diego Simeone, José Luis Caminero, Pantić, Liouboslav Penev et Kiko servent de cadres fondamentaux, les Colchoneros réalisent le début de saison le plus prolifique de leur histoire avec neuf victoires et trois matchs nuls en douze journées.
En pleine bourre, l’Atlético n’arrête pas sa course effrénée vers la gloire et réalise un historique doublé Liga-Coupe du Roi en fin d’exercice. « Dans le football, 99% de l’opinion se fait à travers le résultat, affirmait l’entraîneur exilé en Chine pour l’émission Más de Cerca. Cependant, une partie d’entraîneurs dont je fais partie sont attirés par le contenu. La manière dont nous développons notre jeu, la façon de contrôler le ballon, notre nombre de passes réussies vers l’avant... C’est un moyen de constamment rechercher l’amélioration. » Une philosophie que le technicien n’aura pas le temps de mettre en œuvre lors d’un passage express au Barça en 2003, puisque le club catalan souffre encore du désastreux second passage de Louis van Gaal sur le banc blaugrana. En 2014, le coach exilé en Chine apparaissait heureux de constater le dernier titre de champion d’Espagne acquis par l’Atlético de Simeone, sans oublier de donner son avis au crépuscule de la saison : « Je crois que le football espagnol vient de connaître un tournant dans son évolution. Je me mouille en disant cela, mais j’ai la sensation que la sélection nationale va beaucoup souffrir de ce changement de style. J’espère me tromper. » Il faut croire que l’expérience peut servir au moment de faire parler son intuition. ¡ Adiós, Rado !
Par Antoine Donnarieix
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ? Proposez une correction à nos secrétaires de rédaction.