- Ligue Europa
- 16es de finale
- Guingamp/Dynamo Kiev (2-1)
Guingamp bat l’En Arrière Kiev…
Les irréductibles Bretons tracent leur chemin en Europe. Hier soir, ils ont battu 2-1 à 11 contre 9 un Dynamo Kiev sans doute supérieur, mais qui ne pourra s'en prendre qu'à lui-même…
Kiev : rouges… et noirs !
La stupidité peut-elle entrer dans l’analyse tactique d’un match ? Avec le Dynamo Kiev, oui. Deux expulsions connes juste avant la mi-temps pour une équipe expérimentée qui mène 1-0 à l’extérieur, tout en dominant les débats sur le pré, ont préparé une seconde mi-temps à sens unique et ont abouti à un système bêtement original : le 4-4-0… Les pétages de plombs de Yarmolenko lattant Sankharé afin de permettre à Sydorchuk d’être remplacé (39e) et de Belhanda (qui remplaçait ce même Sydorchuk) lattant Mathis (44e) ont évidemment bouleversé la donne. Le très nerveux Gusev n’est pas passé loin lui aussi de la correctionnelle après sa vilaine faute sur Kerbrat (45e + 1). Bilan cata pour Kiev avant le match retour : un but de retard, trois bons joueurs suspendus (Yarmolenko, Sydorchuk, Belhanda) et un forfait quasi certain, Jeremain Lens, durement séché par Mathis à la première minute de jeu. Est-ce l’absence de carton pour le capitaine guingampais qui a chauffé le onze ukrainien ? Pas impossible. Car Lens, argument offensif de poids du Dynamo, avait dû sortir dès la 7e minute. Mais ce fait de jeu contraire n’excusera jamais les coups de sang de Yarmolenko et Belhanda. Dommage pour ce Dynamo séduisant qui avait justifié son statut de favori en déployant un jeu typiquement russo-ukrainien, entrevu en septembre dernier avec Krasnodar à Lille en C3 (1-1). En possession-redoublements vers l’avant, toujours en mouvement, les Blancs avaient logiquement ouvert la marque dès la 19e minute. Sur un décalage de Sydorchuk vers Kravets, échappé côté droit, ce dernier centrait en retrait pour Miguel Veloso qui reprenait à bout portant (1-0).
Cela allait beaucoup trop vite pour des Bretons, mis très tôt la tête sous l’eau avec ce but concédé à dom. Au moment où ils rééquilibraient les débats vers la fin de la première mi-temps, le Dynamo perdit Yarmolenko et Belhanda. Dès lors, il ne restait plus à Gourvennec qu’à sortir à la pause son attaquant « énervé » Mandanne – déjà averti – pour le milieu Sylvain Marveaux, et de décréter « l’En Avant toute ! » À 11 contre 9, les premiers assauts répétés, notamment sur le côté gauche animé par l’intenable Jérémy Pied, ont fait reculer des Ukrainiens bien regroupés autour de leur gardien vétéran Chovkovski. Et puis le coaching de « Jocelyn » a fait le reste. Giresse, entré à la 68e pour Yatabaré, bazardait côté gauche un centre tranchant repris de la tête – ou de l’épaule ? – par Beauvue (1-1, 72e). Et trois minutes plus tard, Diallo, entré à la place de Mathis, reprenait puissamment de la tête un corner tiré par Pied (2-1). Bien joué. Mais où en serait Guingamp ce matin sans cette infériorité numérique précoce des Ukrainiens qui lui a pas mal facilité le boulot ?
EAG vs FC Pleurniche
En vérité, avec ce Guingamp-là, la question ne se pose pas… Revenus du bout du bout (National, L2), ces Rouge et Noir ne se posent jamais de questions et encaissent avec une égale sérénité les défaites cinglantes (2-7 à dom face à Nice) comme les victoires surprenantes contre les « gros » (1-0 face au PSG et Monaco). À l’image de leur coach, Jocelyn Gourvennec, les joueurs ne questionnent jamais leur légitimité de petit club à figurer ou non en L1 et en Ligue Europa. L’En Avant a joué à fond sur tous les tableaux, y compris les deux coupes nationales (toujours en course en Coupe de France), chaque compétition nourrissant les trois autres en expérience, ambitions et progrès. Honnêtement, on avait tous daubé sur les chances du « petit club breton » , vilain petit canard, de bien représenter la France en C3. Jusqu’au moment où on a vite compris que l’incroyable bonne dynamique des Costarmoricains en Ligue Europa enrayerait la spirale négative en championnat (derniers à la 15e journée). C’est cet espoir de rebond en L1 que Jocelyn nous confirma lors d’un entretien pour So Foot en décembre dernier. Et la mécanique fut relancé ! Aujourd’hui l’EAG est 8e et, avec 35 points, le maintien est quasi assuré. La méthode Gourvennec s’inspire à la fois du riche héritage tactique reçu de tous ses anciens coachs sans exception (C. Gourcuff, Le Milinaire, Suaudeau, Courbis ou René Girard à la DTN) et de sa soif de revanche sur sa carrière accomplie, mais dépourvue de titres et de sélections nationales.
Jocelyn fait avec ce qu’il a, capable de sublimer ou relancer des joueurs dits « secondaires » (Mathis, Kerbrat, Sankharé, Pied, Giresse). Aujourd’hui, l’inconnu Beauvue et ses 20 buts TCC (toutes compètes confondues) est aux portes de l’équipe de France (Guy Stephan était au Roudourou jeudi soir)… Guingamp a fait le pari de faire du jeu et se repose sur une base défensive forte qui lui offre aussi un jeu de contre mortel (cf. victoire sur Monaco). Ancien très bon manieur de ballon, Gourvennec a logiquement rameuté des offensifs à la qualité technique au-dessus de la moyenne (Beauvue, Pied, Giresse, S. Marveaux). Ce sont ces gars-là qui ont fait plier le Dynamo jeudi soir. Enfin, toujours inspiré par l’esprit « couillu » de coach Jocelyn, Guingamp joue dur pour se faire respecter et rend coup pour coup. L’En Avant est un faux gentil bien décidé à s’installer en L1 et engranger tout ce qui peut l’être : le maintien le plus tôt possible, une autre Coupe de France, un 8e de C3 ou une sélection chez les Bleus (Beauvue)… On verra bien si Guingamp passera ou non l’obstacle ukrainien dans une semaine. En attendant, avec cette nouvelle victoire en C3 rémunératrice à l’indice UEFA, l’EAG de Gourvennec a ringardisé la posture de pleurniche des autres clubs français engagés cette saison ou avant en Ligue Europa : Guingamp avance et se fout de la fatigue, de son petit budget, de son effectif limité, des blessés et suspendus, de la pluie et du mauvais temps…
Par Chérif Ghemmour