Notre statut de triple champion du monde ne nous a pas empêchés de connaître pas mal de petits problèmes au démarrage. En fait, lors des poules, on a joué contre une équipe chinoise à laquelle on avait vendu des robots, ceux de l’année dernière, et on a perdu (1-0). Du coup, on s’est retrouvés contre l’Iran en quarts de finale, qui était considéré comme le plus gros adversaire, sachant qu’on avait gagné contre eux en finale l’année dernière (1-0). Et c’était sûrement le match le plus tendu de la compétition pour nous, ça a fait 3-3, puis on a gagné aux tirs au but, c’était très serré. Ensuite, on a joué à un meilleur niveau et on a battu le Japon (5-3) en demies, avant de battre assez largement la Chine en finale (5-1). Mais en général, le niveau était beaucoup plus haut que l’année dernière, il y avait beaucoup d’équipes compétitives. On a pris des buts dans chacun de nos matchs éliminatoires, alors qu’on n'en avait pris aucun l’année dernière, c’est dire.
— Rhoban (@RhobanRobots) 7 juillet 2019
Quelles sont les règles d’un match de foot de robots à la Robocup ?
C’est simple, on se base sur les règles officielles de la FIFA, et la Ligue s’occupe de les adapter en fonction des contraintes. Par exemple, dans notre catégorie, la taille du terrain est de 6x9 mètres pour un match à 4 contre 4 sur deux périodes de dix minutes, avec éventuellement une prolongation de deux fois cinq minutes avant les tirs au but. Mais sinon, on retrouve les règles classiques du foot que tout le monde connaît.
En regardant les images, on pourrait croire que vos robots sont télécommandés, sauf que ce n’est pas le cas. Comment ça marche ?
En effet, les robots sont autonomes, ce sont eux qui jouent.
Il paraît que votre « robot star » a un nom féminin.
On a juste donné des noms de différents genres à nos robots, il n’y a pas de raison pour que ce soit plus masculin que féminin. Donc, on retrouve en effet Arya et Nova, ainsi qu’Olive, Tom et Rush.

Et donc ils arrivent à jouer en équipe pour gagner des matchs ?
Le jeu semble très lent, frustrant et fastidieux. Quelles sont les problématiques les plus importantes dans votre domaine ?
La robustesse, c’est très important. Dans notre ligue, les robots ne font que tomber, donc il faut qu’ils puissent se relever vite, car ils se rentrent beaucoup dedans. Les duels sont hyper importants et ça oblige le robot à dégainer le plus vite possible son tir, sinon l’autre va récupérer la balle s’il est plus rapide. Je vais prendre un exemple pour illustrer l’importance de la robustesse : on a joué contre les Japonais qui ont un style différent du nôtre. Eux font de la conduite de balle, ils avancent sur le terrain avec le ballon. Et pendant qu'ils continuaient à marcher, nous on s'arrêtait pour tirer, donc ils avaient tendance à souvent tomber. Je pense qu’on était plus efficaces pour des raisons de robustesse. Forcément, il faut aussi que le robot ne casse pas. Vu qu’on a cinq robots, on peut utiliser un remplaçant, donc ça va, mais il suffit qu’on en casse deux et on se retrouve avec moins de joueurs sur le terrain.
Une autre victoire : vous avez réussi à faire votre première touche en match lors de la finale.
Et c’était la première touche à la main de l’histoire de la compétition ! Ils ont réintroduit les touches cette année, l’idée était de pénaliser les robots ayant tendance à sortir la balle du terrain. On a suivi le truc à fond et on a fait un mouvement pour que le robot puisse prendre la balle avec les mains, puis la lancer.
Première touche jamais réussie en match !! Bravo @RhobanRobots pour cette première mi-temps de finale 4-0 face aux chinois @ZJUDancer !!@RoboCup2019 pic.twitter.com/0P1BxCJ00b
— Lau R'n (@LauRn964) 7 juillet 2019
Comment travaille votre équipe tout au long de l’année ?
On se concentre intensivement sur la préparation les mois précédant la compétition, mais le reste de l’année, on travaille plutôt sur des sujets de fond, comme des grosses améliorations mécaniques. L’équipe a des profils variés : des permanents qui sont des enseignants chercheurs à l’université de Bordeaux, des étudiants en thèse, du campus, etc. C’est très universitaire.
Vous êtes quadruples champions du monde dans la kid size, c’est-à-dire les petits robots. Pouvez-vous voir plus grand ?
On a beaucoup plus de marge de manœuvre avec nos robots, même si on a la volonté d’aller vers plus grand.
La Robocup existe depuis 1997. À quel point cela a évolué en vingt ans ?
Au début, il n’y avait même pas d’humanoïdes, c’était des robots à pattes, des espèces de petits chiens. Ma première participation date de 2013 et les terrains étaient deux fois plus petits, ça évolue par vagues. Avant, on jouait avec une balle de tennis sur de la moquette, donc on pouvait tirer de loin et marquer. Depuis 2015, c’est du gazon artificiel et on joue avec des vrais ballons de foot. Dans notre catégorie, on joue avec les plus petits modèles proposés par la FIFA, mais chez les adultes c’est la taille normale. Les équipes historiques ont eu du mal à marcher sur le gazon au départ, mais on recommence à avoir des équipes compétitives aujourd’hui.
À la fin de chaque tournoi, les codes des équipes sont publiés pour pouvoir s’inspirer de celles qui ont adopté les meilleures stratégies. Ce n’est pas un peu frustrant de partager ses petites recettes ?
Il faut se dire que ce n’est pas qu’une histoire de compétition, il y a une super ambiance et c’est une communauté, on se connaît tous. Au contraire, je pense qu’on est contents que les équipes réutilisent des briques logicielles à nous, car le but est aussi de tirer le niveau vers le haut. On a une équipe russe et chinoise qui nous a acheté des robots, d’autres utilisent notre logiciel de monitoring, les capteurs de pression sous les pieds, etc. Si on peut résoudre des problèmes, c’est intéressant.
La reprise de volée épique de Rush aux technical challenges ! pic.twitter.com/fnYzCcxMAK
— Rhoban (@RhobanRobots) 6 juillet 2019
Quand on se rend sur le site officiel de la Robocup, il y a la mention de cette ambition folle : voir une équipe de robots battre une équipe d’humains championne du monde d’ici 2050. Est-ce vraiment envisageable ?
Quelle est la place de la France dans la robotique à l’heure actuelle ? On a tendance à penser à l’Asie comme première puissance.
C’est vrai qu’il y a beaucoup de pays asiatiques, mais l’Allemagne est aussi ultra forte, tout comme le Japon et l’Iran. D’un point de vue de la Robocup, on commence à être pas mal. Quand j’ai commencé, on était la seule équipe française, cette année on avait six équipes en ligue major et huit en ligue junior. La partie junior a explosé en France, on compte 300 équipes de Robocup cette année contre aucune il y a quatre ans. C’est une évolution monstrueuse et j’espère que ça va perdurer, car c’est une énorme opportunité pédagogique.
La prochaine édition de la Robocup se tiendra à Bordeaux en 2020. Dans quelle mesure est-ce une chance pour la France ?
C’est une super opportunité et ça va déjà permettre aux équipes de participer sans le problème de coût du déplacement. On a beaucoup lutté au début avec ça et on est heureux d’avoir eu de nombreux supports, notamment l’université de Bordeaux. De plus, Paris va accueillir l’ICRA (une conférence robotique internationale majeure) quelques semaines avant la Robocup, c’est génial pour la visibilité de la France. À Bordeaux, on espère avoir des visiteurs pour séduire le grand public. On veut d’ailleurs améliorer la partie communication, en mettant des gens qui expliquent le fonctionnement de chaque ligue. On a envie d’améliorer tout ça avec des commentateurs en français expliquant les règles, les difficultés de la ligue pour que ce soit accessible à tout le monde.
Ça y est, le drapeau de la RoboCup est entre les mains de la france pour 2020! pic.twitter.com/XhBBxvd74U
— Rhoban (@RhobanRobots) 7 juillet 2019
Pour finir, est-ce que vous êtes des mordus de foot dans l’équipe Rhoban ou pas du tout ?

Propos recueillis par Clément Gavard