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Giorgio Cantarini, passion footballeur

Par Ronan Boscher, à Montefiascone // Tous propos recueillis par RB
8 minutes
Giorgio Cantarini, passion footballeur

En 1998, le festival de Cannes tombait sous le charme de La Vie est belle, avec Roberto Benigni, Nicoletta Braschi et Giorgio Cantarini, un gamin de 5 ans. Aujourd'hui âgé de 25 ans, il raconte sa jeunesse, qu'il aurait rêvée faite de football, d'AS Roma et aussi de « veronica ».

Après un passage sous la guérite jaune et vert, Giorgio s’approche de la piste d’athlé encerclant la pelouse, les yeux examinateurs : « Je ne sais pas ce qui lui est arrivée, mais elle a sacrément vieilli. » Lui aussi a pris de l’âge, mais présente bien mieux que le vieux tartan du stade de Montefiascone. Le 31 décembre 1997, l’Italie découvrait Giorgio sur les grands écrans, à camper le rôle du petit « Giosuè » , aux côtés de Roberto Benigni, dans La Vie est Belle, primé magistralement en 1998 au festival de Cannes, puis aux Oscars. Giorgio Cantarini a aujourd’hui 25 ans et repose les bases : « Petit, mon rêve n’a jamais été d’être acteur, mais footballeur professionnel. J’ai joué jusqu’à la fin de mon lycée ici, à l’AS Montefiascone Calcio, au niveau provincial et régional. » Dans son ancien stade, à deux petites heures au nord de Rome, dans le Latium, il fait le tour du propriétaire. La pelouse, plutôt verte, est tondue court, mais présente ses bosses, ses trous. La tribune a sérieusement besoin d’un rafraîchissement, comme le tartan.

Le sentiment d’abandon laissé par l’enceinte contraste avec le reste de cette ville de 13 000 âmes. Perchée à plus de 600 mètres d’altitude, Montefiascone sait utiliser son histoire pour charmer. Traversée par une seule départementale, la ville s’articule autour de pentes étroites pavées et de lacets montant à la cathédrale Sainte-Marguerite (troisième plus large coupole d’Italie, ndlr) ou vers le Rocca dei Papei. « Il y a longtemps, les papes utilisaient cette forteresse comme résidence d’été » , explique Giorgio. L’édifice aujourd’hui en ruines domine les vignes de la vallée – délivrant le réputé vin blanc Est! Est! Est! Di Montefiascone – et regarde le lac de Bolsena, plus grand lac volcanique d’Italie (114 km de surface soit environ le nombre de kilomètres avalés par Blaise Matuidi en 10 matchs). « Il y a des plages, comme sur un bord de mer, précise l’enfant du pays. J’en ai passé des étés sur ce lac avec les potes et ma famille. »

Essais à la Roma et Parme, un « Ballon d’or régional »

Né à Orvieto, une colline voisine de vingt bornes, Giorgio a migré très jeune avec son grand frère Lorenzo vers Montefiascone, dans la maison familiale maternelle. Le papa, psychiatre, et la maman, sage-femme, ont divorcé. « J’allais loger aussi chez mon père, resté dans un appartement du centre historique d’Orvieto, ajuste Giorgio. Il habitait juste à côté de l’ancien président de l’AC Milan, celui qui avait vendu le club à Berlusconi. » Le foot rythme bien la jeunesse du petit Cantarini, qui, encore aujourd’hui, rêve « de jouer au Stadio Olimpico » . Dans la salle à manger de la maison de Montefiascone, sa mère Giovanna raconte un Giorgio imbibé par le ballon rond : « Il jouait dehors, dedans, tout le temps. » Maman saura composer. Le foot ne lui est pas étranger. « Petite, j’aimais beaucoup Gianni Rivera, sourit-elle. J’avais même un poster de lui dans ma chambre. » Giorgio a d’autres références, même si l’ancien Milanais Marco van Basten trouve grâce à ses yeux. D’abord, tout petit, supporter de la Juve, « parce qu’elle gagnait toujours » , il fait de la roulette de Zidane – « la Veronica en italien » – son geste préféré. Ensuite, il jette définitivement son dévolu sur la Roma, « grâce à un ami qui les aimait bien » , malgré des grands-parents tifosi de la Lazio. Pour son 18e anniversaire, sa mère lui organisera même une visite spéciale à Trigoria, le centre d’entraînement des Giallorossi. Au menu : rencontre avec les joueurs et le staff. « J’ai parlé avec Claudio Ranieri, De Rossi et Totti, énumère Giorgio. Quand on a dit à Totti :« C’est le gamin de la Vie est Belle », je voyais bien qu’il ne comprenait pas qui j’étais. Totti, il connaît beaucoup de choses, mais seulement quand il s’agit de foot. Pour le reste, je le trouverais presque ignorant. Mais il est très sympa avec les gens. En tout cas, comme pour Gerrard, Drogba ou Schweinsteiger, Totti était un modèle pour moi. »

Au sein de l’équipe de Montefiascone dès ses 6 ans, Giorgio Cantarini, droitier, apprend son foot et se développe comme capitaine et sentinelle, entre sa défense et ses milieux. « On dit regista en italien, affine Giorgio. C’est le poste de Pirlo ou de De Rossi. » L’équipe carbure pas trop mal dans la province de Viterbo. « On a dû gagner 7 ou 8 championnats, quelques tournois comme celui inter-régional d’Orvieto » , compte Giorgio, qui fait plus dans la passe que la finition ( « 4-5 buts par saison à peu près » ). Il glane aussi quelques essais chez de plus grosses écuries : la Roma, Parme, Ascoli, Terni. Sans succès : « J’étais petit, à un âge où il y avait des joueurs bien plus développés que moi. Et plus talentueux aussi. » Il gagnera tout de même à 15 ans une sorte de « Ballon d’or régional » , comptera 3 capes avec la sélection régionale et n’aura jamais « manqué un penalty. » Il terminera par une dernière année à Viterbo, au Barco Murialdina : « J’y ai signé parce que tous mes amis du lycée y jouaient. Je me souviens que les dirigeants du club de Montefiascone n’étaient pas enchantés par ce changement d’équipe. »

Les crampons rangés, la passion foot retombera assez brutalement. « J’étais pourtant un fondu de foot, à jouer, à regarder les matchs de la Roma tous les week-ends, concède-t-il. Le Ballon d’or me passionnait aussi. J’ai en DVD la collection de ceux qui l’ont gagné, jusqu’à Ronaldinho. Puis j’ai lâché, à ne regarder que les highlights de la Roma, parce que j’étais concentré sur mon école de théâtre et de cinéma, à Rome. » Le cinéma, Giorgio l’avait plus petit pourtant vite quitté, malgré les nombreuses propositions consécutives au succès planétaire de La Vie est Belle. Giovanna a tout refusé, ou presque. « Elle a accepté, après un gros travail de persuasion de l’agent, que je joue le petit gamin de Maximus dans Gladiator, confirme-t-il. Elle me protégeait beaucoup et c’était bien. Je pouvais aller à l’école comme tout le monde, je pensais au foot ou à cueillir des champignons. J’ai pu avoir une enfance normale. Enfin presque normale. » Oui, à 15 ans, rares sont les ados à pouvoir afficher sur leur CV une participation à la version italienne de Danse avec les Stars, featuring Diego Maradona (Il n’ira pas au terme du show, devant quitter la Botte, pour des ennuis avec le fisc italien, ndlr). Rares sont aussi les gamins de 6 ans à avoir joué dans deux films oscarisés.

Dans la Nazionale des acteurs italiens

Durant ses études romaines, Giorgio reprend donc contact avec le septième art, la comédie, et suit pour « la première fois de (s)a vie des cours de théâtre » . En colocation, et pas abonné à la chaîne diffusant les matchs de la Roma, Giorgio « oublie » le ballon rond. « Et comme je n’habitais plus chez ma mère, elle a elle aussi arrêté l’abonnement, appuie Giorgio. Donc quand je rentrais à Montefiascone, pareil, pas de matchs de la Roma à la télé. » Cette nouvelle vie romaine le ramènera pourtant bien vers le ballon rond. Mieux, dans ses crampons. « Maintenant, je joue dans l’équipe nationale de foot des acteurs italiens » , sourit-il. Contre la police, les pompiers ou des équipes amateurs, Giorgio a retrouvé sur « 7-8 matchs » son poste de regista. « Le jeu va plutôt lentement, analyse la sentinelle. En même temps, beaucoup des acteurs ont plus de 40 ans voire 50. Tout le monde réclame un peu trop la balle aussi, mais ça reste sympa. J’ai juste un regret. Je devais bosser la fois où l’équipe a joué à Florence, au Artemio Franchi. En face, il y avait Batistuta, Aldair, Di Natale, Tommasi, Manfredini. » Niveau boulot justement, depuis son diplôme, Giorgio essaie de creuser son chemin dans la comédie, entre du théâtre ou une web-série. Faire le serveur pour un traiteur romain peut aussi lui arrondir les fins de mois. « En fait, je ne vois pas vraiment la « lumière », ici, en Italie. C’est le moment pour moi d’aller voir ailleurs. »

En 2015 déjà, il s’était provisoirement expatrié en France, à Paris, derrière la rue des Rosiers. « J’avais rejoint Marial, ma petite amie, comédienne aussi et qui étudiait cette année-là au Conservatoire de Paris » , éclaire-t-il. Là-bas, il démarche les agents français et est désormais représenté dans l’Hexagone « par une petite agence » . Il va voir des pièces de théâtre, des films « pas doublés » avec Marial, et joue aussi à la Playstation 3, souvent à PES. Pas du temps de perdu : « C’était avec les commentaires en français. Ça m’a appris pleins de mots tout bêtes de foot que je n’aurais jamais appris sinon : la frappe, le gardien, le milieu de terrain… » À la rentrée 2017, Giorgio devrait être aux États-Unis, à New York, « si j’arrive à obtenir mon visa » . Dans le viseur : apprendre l’anglais et trouver des rôles, au théâtre comme au cinéma. Son dernier rôle en date l’a déjà approché des États-Unis : « C’était pour un court-métrage plutôt poétique, d’une réalisatrice qui sort de la même école que moi. Je tiens le rôle principal, une sorte de docteur italien pour poissons, invité à un freak show américain nommé« le métier le plus bizarre du monde ». C’est encore au montage, un peu trop long, mais on aimerait bien pouvoir le présenter à Cannes l’année prochaine. »

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Retrouvez un reportage embarqué avec Giorgio Cantarini dans le SO FILM #50 de ce mois de mai, consacré intégralement au Festival de Cannes.

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