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Gareth Bale, légende en deux temps

Par Adel Bentaha
5 minutes
Gareth Bale, légende en deux temps

La retraite de Gareth Bale sonne la fin de l’une des plus grandes figures de la décennie, du pays de Galles à Madrid. La plus incomprise aussi.

Dix-sept ans avant de dire stop. Voici la durée de l’immense carrière de Gareth Bale, qui a donc choisi de prendre sa retraite ce lundi 9 janvier. L’un des meilleurs artistes de sa génération, le plus complet également. « Remercier toutes les personnes côtoyées durant ma carrière est impossible. Ces mêmes personnes qui ont changé ma vie et ont transformé les rêves d’un garçon de 9 ans en réalité », posait humblement l’intéressé dans son message d’adieu. Le résumé de ce parcours majuscule sur la pelouse et discret en dehors. La dualité Gareth Bale.

Il n’a pas suffisamment conquis les supporters du club pour être considéré comme une légende.

Few hits wonder

La carrière du Gallois se sera ainsi dessinée à l’image de son style : rapide et intense. Une trajectoire ascendante, venue prendre son tournant définitif au soir du 1er septembre 2013 et un massive transfer de 100 millions d’euros au Real Madrid. Joueur le plus cher de l’époque, Bale intégrait alors la caste des plus grands. Mais pour avoir le droit à sa place au sein de la Maison-Blanche et à sa chaise autour d’une table occupée par Ángel Di María, Karim Benzema et son modèle Cristiano Ronaldo, il fallait prouver. Là où, dans une mesure relative, ses proches voisins David Beckham et Michael Owen avaient échoué. Mais à l’inverse de ses aînés, Bale n’aura jamais nourri cette image de Golden boy. Trop introverti pour cela, le désormais retraité a réservé les projecteurs au terrain. Ces fulgurances lui auront permis de mystifier Marc Bartra sur 50 mètres lors d’un Clásico mémorable en Coupe du Roi, d’inscrire le plus beau but d’une finale de Ligue des champions face à Liverpool et d’empiler coups francs ou missiles en tout genre. Le tableau pratique d’un bilan s’élevant à 106 réalisations et 67 passes décisives en 258 rencontres sous la tunique meringue.

Car oui, en dépit des critiques, Gareth Bale s’est évertué à continuer. Lui, son évolution tactique et ses seize titres glanés en neuf ans dans la capitale du Royaume espagnol – dont cinq C1. Un joueur d’exploits et de moments clés. La constance ? Pas vraiment pour lui. Ce qu’a préféré Bale, c’est marquer l’assistance de chefs-d’œuvre sporadiques, mais suffisamment grandioses pour rendre leur auteur unique. L’ingratitude du football n’aidant cependant jamais, la « normalité » du bonhomme a fini par prendre le dessus. « Gareth Bale a évidemment été un immense joueur, et un acteur majeur des victoires du Real Madrid. Mais lui accorder le statut de « légende du club », comme l’a fait Carlo Ancelotti, est légèrement exagéré. Il n’a pas suffisamment conquis les supporters du club pour être considéré comme tel », analyse Tomás Roncero, spécialiste du Real Madrid pour As.

Ce qu’a fait Bale pour notre pays dépasse toutes les attentes que l’on aurait pu avoir dans notre histoire culturelle.

Ses Galles sûres

Ainsi, il y eut d’abord la fatigue physique. Celle d’un corps athlétique, meurtri par des courses équestres et devenu usine à blessures. « Les Gallois savaient pertinemment que Gareth Bale arrêterait peu après la Coupe du monde. C’était son objectif intime, il l’a atteint, mais son corps ne lui permettait plus de tenir la distance », raconte Phil Stead, historien du football gallois. Ensuite vint l’impertinence so british. Chahuté par les Madridistas, Gareth Bale trouvera en effet refuge chez lui, près de ceux qui ne l’auront jamais laissé tomber. Il suffit d’ailleurs de lire les réactions de ses anciens coéquipiers en sélection, pour prendre la pleine mesure de cet amour transcendant. À l’image de David Cotterill, l’un de ses premiers mentors. « En jouant avec Ryan Giggs, je pensais avoir rencontré l’excellence footballistique personnifiée. Et puis Gareth Bale est arrivé, pour placer la barre encore plus haut. Il est tout simplement le meilleur de l’histoire du pays de Galles. »

Le condensé de la réussite de Gas – son surnom – là où Giggsy a échoué : à savoir replacer les Dragons sur l’échiquier international. Il faut dire qu’avec 111 sélections, 41 buts (joueur le plus capé et meilleur buteur de l’histoire de son pays), deux championnats d’Europe et une Coupe du monde disputés, difficile de trouver mieux. « Pour moi, on ne peut même pas comparer l’apport de Gareth Bale à celui de Ryan Giggs pour le pays de Galles », ajoute Stead. Giggs est un immense joueur de club. Mais ce qu’a fait Bale pour notre pays dépasse toutes les attentes. »

Bale aux camps

Sans se muer en héros national, comme souvent narré au moment de saluer une figure sportive, Gareth Bale a activement participé à la renaissance populaire du pays de Galles. « L’histoire fait que Bale a transformé sa cote de popularité en bénéfice pour son pays. C’est un garçon reconnaissant. Donc il a vite pris conscience qu’il venait d’un « petit » pays sportivement parlant, et que son émergence pouvait apporter une immense visibilité aux Gallois. Il a toujours fait passer son pays avant tout autre chose. » Suffisant, donc, pour expliquer cette fameuse banderole « Wales. Golf. Madrid. In that order », brandie – bien malgré lui – au soir du 19 novembre 2019 et une qualification pour l’Euro 2020, acquise face à la Hongrie (2-0).

C’est un homme humble, qui n’a jamais fait de vagues et qui a été le porte-drapeau de la plus grande génération du pays.

Un évènement venu tout écorner. « Cette banderole restera impardonnable, pour n’importe quel supporter du Real Madrid. Et au-delà de cet évènement, on peut aussi parler du fait qu’en dix ans en Espagne, il n’ait jamais daigné s’exprimer en espagnol. Ce sont des détails, mais dans une institution comme le Real Madrid, vous perdez en affection », enchérit Tomás Roncero. Discours non partagé par Phil Stead. « De l’étranger, les gens ne peuvent pas comprendre ce que Gareth Bale représente pour nous. C’est un homme humble, qui n’a jamais fait de vagues et qui a été le porte-drapeau de la plus grande génération du pays. Aujourd’hui, si les jeunes d’origine galloise privilégient notre sélection, au détriment de l’Angleterre ou de l’Irlande, c’est grâce à lui. » La plus belle description de Gareth Bale finalement, qui aura toujours laissé parler les autres à sa place. Certainement la marque des plus grands.

Dans cet article :
Ancelotti, un chef de chantier en perdition au Real Madrid
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Par Adel Bentaha

Propos de Phil Stead et Tomás Roncero recueillis par AB.

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