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« Le Panama ne possède aucune preuve contre moi et c'est pour cette même raison que le Brésil a classé l'affaire me concernant, explique-t-il fin avril au média colombien Semana. C'est également ce que devrait faire la Colombie. Cela me paraît étrange de constater que ,quand je souhaite reprendre une vie normale et retrouver du travail dans le football, cet avis de recherche d'Interpol apparaisse. » Aujourd'hui âgé de 48 ans, Freddy Rincón grandit dans la province colombienne dont Bonaventura est la capitale. Durant cette jeunesse sans un sou, il côtoie les frères Rayo Montaño. Pablo, le plus jeune de la fratrie, quitte rapidement le monde de la pêche pour celui, plus prolifique, du narco-trafic. De sous-fifre, son statut passe rapidement à celui de capo. Cette relation juvénile entre l'international des Cafeteros et celui qui se fait nommer El Tio ne se désagrège jamais. Pas même lors des passages de Rincón en Europe. Recruté par le Real Madrid à l'été 1995 sur les ordres de Jorge Valdano, il connaît le même destin que son entraîneur argentin et est pressé de quitter le club un an plus tard.
Entreprises de pêches, blanchiment d'argent et amitié de toujours
Revenu en Amérique du Sud, et plus précisément au Brésil où il fait le bonheur des Corinthians et de Palmeiras - entre autres -, il continue à y résider malgré sa fin de carrière annoncée en 2001. Les premiers ennuis judiciaires interviennent en 2006. À l'arrestation de Pablo Rayo Montaño, également résident au Brésil, les autorités panaméennes commencent à lui poser des questions embarrassantes quant à des investissements dans des entreprises de pêche du pays. Des sociétés qui permettraient le blanchiment de l'argent de la drogue. Lui promet n'avoir aucun lien avec le cartel du Tio. Dommage, la justice brésilienne n'en pipe pas un mot et l'arrête dans sa demeure l'année suivante. « Rincón a été arrêté à son domicile et restera dans la prison de São Paulo jusqu'à ce que la justice décide s'il doit être extradé au Panama » , explique alors la police fédérale. Quatre mois sous les barreaux plus tard, il retrouve sa liberté. Aujourd'hui, le scénario ne semble pas différer d'un pouce. La justice du Panama lui reproche toujours de faire affaire avec El Tio et de blanchir de l'argent via des sociétés écrans basées au pays des Canaleros.
Cette histoire serait à ranger dans la rubrique « aléas du football » si elle restait anecdotique. Ce qui n'est pas le cas. Les liens entre le football colombien et les cartels de drogue du pays sont nombreux et ne datent pas d'hier. Pionnier dans ce mélange des genres, Pablo Escobar était ainsi devenu le propriétaire de l'Atlético Nacional, tandis que Gonzalo Rodríguez Gacha, l'un de ses sbires les plus influents, s'était, lui, offert les légendaires Millonarios. L'objectif de telles acquisitions reste le blanchiment d'argent, mais pas que. « Les intentions étaient claires : avoir le peuple de leur côté. Qui allait leur reprocher un manque de moralité s'ils donnaient de la joie au peuple à travers le foot ? » , s'interroge Nicolas Samper, journaliste colombien, dans les colonnes du Pais. De même, joueurs et trafiquants entretiennent des liens parfois amicaux. Comme Anthony de Avila qui, lors d'un match qualificatif pour le Mondial français, avait dédié l'un de ses buts aux narcos Miguel et Gilberto Rodríguez Orejuela. Ou encore René Higuita, qui n'a jamais renié son amitié pour Pablo Escobar… Un problème qui semble inextinguible, donc.
Par Robin Delorme, à Madrid Petit conseil : N'hésitez pas à regarder le superbe documentaire intitulé The Two Escobars, relatant l'assassinat d'Andrés Escobar, capitaine des Cafeteros au Mondial 1994, et les liens de Pablo Escobar avec le monde du football colombien. Un bijou.
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