- Interview Tactique
Francis Gillot : «Pas un fanatique du Barça»
Sochaux, cette saison, c'est pour l'instant une place dans la première partie de tableau, à un point de l'Europe. C'est surtout un schéma de jeu attrayant, où Maïga, Ideye, Boudebouz, Martin et Maurice-Belay arrivent à cohabiter. Francis Gillot assure pourtant qu'il s'est contenté de faire avec les moyens du bord.
Cette saison, Sochaux est plus spectaculaire. Vous faîtes jouer votre équipe avec deux attaquants et trois milieux offensifs. Ce n’est pas courant en Ligue 1…
C’est venu en fin de saison dernière. Je me suis rendu compte que l’on ne marquait pas énormément de buts. Alors j’ai pensé à un autre schéma, que l’on a commencé à travailler au stage d’été. Et puis ça fait quelques années qu’on évolue avec le même groupe, il fallait quelque chose de nouveau. Quelque chose pour les éveiller, pour les prendre un peu par surprise, les intriguer. D’une manière qu’ils aient envie de s’impliquer encore plus et qu’ils soient heureux de jouer.
Si ça marche, c’est aussi parce que Kévin Anin, le seul milieu défensif, fait une grosse saison.
Ce n’est pas forcément voulu. Dans mon idée, je le voyais jouer plus haut, sûrement sur le côté droit. Mais très vite, je me suis aperçu qu’il aimait défendre, que pour lui ce n’était pas une contrainte, et que c’était un très bon relanceur. Quand les gens ne sont pas faits pour jouer devant, il ne faut pas les forcer. Au départ, il était surpris, mais il s’est bien adapté.
Côté adaptation, Maïga – Brown devant, c’est pas mal aussi, non ?
Ils jouent à deux, ils arrivent à bien combiner avec les joueurs qui sont situés autour. Après, Maïga joue plus un rôle de pivot et Brown prend la profondeur. J’avais comme priorité de trouver un attaquant qui soit bon de la tête. C’est le cas de Maïga. C’est très important dans le football moderne. L’an dernier, avec Sverkos ou Davies, on n’avait pas ça et on en a beaucoup souffert.
C’est pratique aussi quand on veut dégager le plus loin possible ?
Oui, et c’est très bien. Je ne suis pas un fanatique du jeu du Barça, avec des relances courtes à tout prix. Parfois, il faut aussi savoir jouer long. Il n’y a pas de schéma figé. Parfois, on est en difficulté, on ne rentre pas bien dans un match, il faut être capable de ne pas se laisser étouffer. Je dis à mon équipe d’éviter cette phase de relances courtes, qui demande beaucoup de concentration et d’énergie. Il vaut mieux porter son attention sur le deuxième ballon. Se préparer à lancer son attaque au plus près du but adverse. Les joueurs doivent de toute façon être capables de faire les deux.
On a l’impression que vous les responsabilisez vachement, au final.
Je leur demande de s’adapter aux problèmes posés par l’adversaire, de beaucoup réfléchir. On ne peut pas faire un pressing acharné pendant 90 minutes. Il faut savoir quand est-ce que, ensemble, on passe sur une phase offensive. Et pour cela, il faut des matchs, beaucoup de matchs, du vécu commun.
Contre Rennes par exemple, vous avez prouvé que vous étiez très fort pour profiter d’une supériorité numérique.
Ce qui est dommage quand on n’est pas le Barça, c’est que l’on joue moins souvent contre des formations qui jouent à 10. Mais après oui, le fait d’avoir beaucoup de joueurs offensifs sur la pelouse amène chacun à faire moins d’efforts dans cette zone. Encore faut-il qu’ils y réfléchissent ensemble.
Si vos joueurs de devant sont aussi libérés, c’est peut-être parce qu’ils savent que les quatre de derrière restent bien en place ?
Je demande quand même à mes latéraux de participer. Enfin, si l’un monte, l’autre reste derrière. Par contre, les deux centraux et le milieu défensif ne montent pas, c’est sûr. Avec le latéral resté à sa place, 4 joueurs sont constamment derrière. Ce qui permet aux 6 autres d’attaquer. Ca peut paraitre déséquilibré, mais c’est un risque à prendre. Je préfère prendre trois points de temps en temps plutôt que d’enchaîner les matchs nuls. On le voit cette saison, on a peut-être treize défaites, mais on a aussi treize victoires.
Si on veut chercher la petite bête, dans ce schéma là, Boudebouz est presque sacrifié sur un côté.
J’en suis conscient. On a beaucoup de joueurs d’axe et peu de joueurs capables de jouer sur les côtés. Ca doit faire deux ans qu’on cherche un milieu droit et qu’on ne trouve pas. Alors j’ai mis Ryad là, sachant qu’il préfère bien sûr jouer dans l’axe mais il rentre beaucoup parce qu’il se doit de laisser une place au latéral derrière lui. Au final, il joue plus dans l’axe que si on mettait deux meneurs sur les côtés. Et puis ça lui donne de l’expérience, ça va lui servir pour la suite. C’est comme Marvin Martin, à qui il arrive de jouer plus bas, à la récupération, quand le scénario du match l’oblige. C’est un joueur qui donne, qui vient. Ca va leur servir pour plus tard.
Dans ce schéma-là, Messi, il jouerait où ?
Il pourrait jouer derrière les deux attaquants, comme en sélection argentine. Mais je trouve qu’il est quand même pas mal attiré par le but alors autant le faire jouer deuxième attaquant. Pas à la limite du hors-jeu hein, où il veut. De toute façon, c’est lorsqu’il est reculé qu’il est le plus dangereux.
A Barcelone, il joue avec un de vos anciens protégés…
Ben oui, Seydou Keita. A Lens, on avait déjà joué en losange et j’avais mis Seydou juste devant la défense. A Barcelone, il joue partout, même sur un côté. Je ne pensais pas qu’il en était capable. Par contre, je lui reprochais souvent de ne pas marquer assez de buts, de ne pas assez suivre les actions. Comme quoi …
Pour finir, l’objectif, c’est de faire de ce 4-1-3-2 une marque de fabrique du FC Sochaux ?
Ca dépend de l’effectif. Le 4-3-3, chez nous, ça marche pas. On n’a pas d’ailiers qui vont vite, pas le mec qui vient en soutien … Je ne suis pas partisan d’un système bien défini, l’année prochaine, si ça se trouve, on fera autre chose. Mais les principes de jeu par contre, ceux de jouer à deux touches de balle, de jouer le premier ballon vers l’avant, ils resteront les mêmes. Cette saison, avec mon staff, on sent qu’il y a quelque chose en place. Mais je ne pensais pas que ça mettrait autant de temps à venir. On a trouvé un équilibre d’équipe. C’est bien, mais ça peut vite voler en éclat.
Propos recueillis par Romain Canuti
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