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France : mon derby est un fake ?

par Antoine Aubry et Nicolas Kssis-Martov
France : mon derby est un fake ?

Ce soir les Verts affrontent les Gones. Un derby ! Le seul derby hexagonal, disent les mauvaises langues. En France, le qualificatif se trouve quelque peu galvaudé. La faute à l'histoire et à l'exception française en matière de foot. Et ce n'est pas l'emphase du CFC ou de Téléfoot qui va y changer quelque chose.

Un derby en France ? Logiquement, si l’observateur « neutre » s’attache avec un peu de rigueur à la définition originelle, l’affaire ne peut concerner qu’une rivalité entre deux équipes d’une même ville, et encore, les conditions à remplir dépassent cette simple coexistence spatiale. Tous les « résidents » de Londres n’entretiennent pas forcément de rapports d’inimité suffisamment intenses, complexes et sur la durée, pour justifier l’usage d’un terme aussi fort et lourd de sens caché. En France, toujours habitée par un certain sentiment d’infériorité en matière de ballon rond, on ne cesse donc de chercher « son derby » , un des critères d’entrée parmi les grandes nations du foot.

« De manière générale, les matchs disputés contre des équipes géographiquement proches sont des moments attendus par les supporters parce que le sens du football, ce qui fonde sa popularité, tient à sa territorialité, explique le spécialiste Ludovic Lestrelin. La proximité attise la rivalité : le proche est celui qui nous ressemble et c’est aussi celui que l’on aime à détester. Construire une identité, cela passe aussi par la négation, le rejet, être contre. En France, les derbys sont une affaire d’honneur et de suprématie au niveau régional, car il n’y a pas de véritables derbys au sens premier du terme, opposant deux équipes d’une même ville. Les ultras sont particulièrement sensibles à ces rencontres, car ils construisent une cause qui est celle de défendre les couleurs de leur ville. De plus, en raison des courtes distances, les derbys sont l’assurance de mobiliser un nombre important de supporters pour effectuer le déplacement et envahir le territoire adverse. Cela génère donc une tension fondamentalement plaisante pour les supporters radicaux. » Seulement, comme aucune municipalité « bien de chez nous » ne possède deux maillots antagonistes capables de prétendre à cet « honneur » , on fait avec ce que l’on a, en négociant des marges de manœuvre de plus en plus amples avec la rigueur lexicale et géographique. L’histoire ne s’achète pas, une rivalité ne se fabrique pas, mais à force d’y croire, PSG-OM est bien devenu un Classico ! Inventaire des cas d’école et des abus de biens sociaux.

Le presque derby qui finit par en être un

#ASSEOL qui va se dérouler ce soir possède presque toutes les qualités pour être reçus à l’examen. Bien qu’elles ne soient pas situées dans le même département (d’où une expression « derby du Rhône » qui sent l’Anschluss), la proximité géographique des deux rivales, ainsi que l’ancienne inimité, largement romancée, entre Lyon « la bourgeoise » et Saint-étienne « l’ouvrière » , muée aujourd’hui en métropole arrogante contre la cité dévastée par la crise, donnent largement crédit à l’affect de ce choc footballistique. Le tout renforcé par de véritables dimensions sportives. Ce fossé est si grand et ancien que déjà en 1943, le très pétainiste préfet de la Loire ne cessa de réclamer le report de la fusion « régionale » des deux formations – décidée par le très anti-foot régime de Vichy -, fortement inquiet devant la « forte effervescence » et le « mécontentement » suscités par la dissolution de l’équipe première de l’ASSE dans celle des « rivaux » du Lyon-Lyonnais. La Terre ne ment pas, la vérité du terrain non plus !

Aujourd’hui, les ultras, mais pas seulement, puisque les présidents s’y sont mis, ont repris le flambeau de cette bataille symbolique à coups de banderoles assassines appelant Louis Lumière à la rescousse. La récente tournure, souvent violente, des événements, notamment en virage sud et chez les Magic Fans, rend aujourd’hui impossible les déplacements des Gones. Bref, le résultat est là, et personne là-bas, surtout à « Sainté » , ne peut ignorer le jour fatidique du derby.

Le presque derby qui n’en est pas un

2 octobre 2004, stade Louis-II. Tout juste finaliste de la Ligue des champions, l’AS Monaco et sa pléiade de stars accueillent un OGC Nice qui galère en championnat. Alors que l’ASM mène de trois buts, ses supporters décident de chambrer les Nissarts présents dans la tribune visiteurs en sortant une banderole : « Ce soir, c’est votre Coupe d’Europe ! » La réaction niçoise ne se fait pas attendre et les joueurs du Gym réussissent l’exploit d’en planter quatre entre la 66e et la 82e minute. Chez les ultras de Nice, c’est l’extase. « Des chants partent de toutes les tribunes, déclenchant une véritable cacophonie et il faut bien cinq bonnes minutes pour qu’enfin un chant soit repris par tout le monde, se souvient la Brigade Sud Nice dans le livre de ses 20 ans. Mais quel chant ! LeCe soir, c’est votre Coupe d’Europe !est tout simplement fabuleux. On le fait non seulement pour les supporters monégasques, en réponse à leur banderole, mais on le fait aussi parce que c’est vrai ! »

Mais cette opposition entre les deux clubs appelée le « derby de la Côte d’Azur » en est-il véritablement un ? Pour le côté géographique, on s’en rapproche. Distante de seulement 20 kilomètres, les deux villes sont presque voisines. L’opposition entre le luxe du Rocher et le milieu « moins favorisé » de Nice pourrait également justifier cette appellation. Mais historiquement, force est de constater que les Niçois ont davantage considéré ce match comme une fête qu’un véritable derby. L’absence d’un gros mouvement de supporters dans les tribunes monégasques expliquant aussi cela. On est loin du temps des rencontres face à Cannes plutôt mouvementées des années 90…

Le derby de sociologue

La France manque de culture foot, mais désormais elle ne manque pas d’experts pour en parler sur les plateaux télés ou dans la presse. Le derby étant bien inscrit dans la grille d’analyse du football, « fait social total » comme disait l’excellent historien Alfred Wahl, il se transforme en parfait objet d’étude. Le tout est de cocher les cases à remplir pour essayer d’en dégoter un : rivalité sportive, passif historique, opposition politique, distance kilométrée minimum, etc. Ultime subtilité, tenter de faire entrer cette logique très infra-citadine dans le spectre régional hexagonal : Nancy vs Metz, Nantes vs Rennes, sans parler du derby de l’Atlantique entre le FCN et les Girondins, de quoi donner des idées aux Ultras Montréal avant leur prochain déplacement à NYC, etc. Seul petit problème, la vérité des tribunes s’imposent et Red Star/Créteil ou PFC/PSG ne deviendront sûrement pas, même si la réussite leur sourit enfin, des derbys par un petit coup de baguette magique de statistiques sociales ou de clivage Paris/banlieue. Roma/Lazio se sent dans les rues de capitale italienne plus que dans les articles universitaires. Le derby se révèle finalement bien davantage une question littéraire que scientifique, plus proche de Curzio Malaparte que de Maurice Halbwachs.

Le derby d’ultras

Lyon/Nice ou Nice/Lyon, tout le monde s’en bat les couilles chez les supporters. Tout le monde ou presque, car certains fans des deux clubs se vouent une haine sans limite qui fait de chaque match entre les deux équipes une rencontre à très haut risque. La raison ? Un simple Auxerre-Nice en Ligue 1, le 15 septembre 2007. Ce jour-là, un bus de supporters niçois de la Brigade Sud Nice (BSN) se dirige vers l’Yonne. Sur une aire d’autoroute, il rencontre plusieurs dizaines de supporters lyonnais du Virage Sud qui attaquent le véhicule. Posée dans la soute, la bâche domicile (une coutume pour les Gones apparemment, puisqu’ils subtiliseront six ans après un bout de celle des Magic Fans stéphanois) des Niçois saute devant leurs yeux impuissants. Dans le monde des ultras, se faire subtiliser sa bâche (domicile qui plus est) est le plus gros des affronts. Les Niçois tenteront de se venger à plusieurs reprises comme lors de Monaco-Lyon la même année ou même la saison dernière lors de Metz-Nice, les Messins entretenant de bonnes relations avec leurs homologues lyonnais… Les anciens membres de la BSN, pourtant à la pointe de la lutte contre la répression, iront même jusqu’à boycotter la manifestation nationale des ultras à Montpellier suite à la présence de Lyonnais dans le cortège…

Le derby médiatique

Un matin, vous vous réveillez dans une France où Nice-Bastia serait un derby. Du moins dans la bouche des journalistes de Canal Plus. Sans manquer de respect à la grande civilisation méditerranéenne, il faut vraiment tordre sacrément le bâton pour arriver à pondre cette formule. Certes, les ultras des deux clubs ne s’aiment guère (c’est un peu leur vocation), mais les Corses doivent quand même garder, si on veut se la jouer politique, leurs plus belles cartouches pour le PSG, symbole de « l’état colonial » et du foot moderne. De fait, il faut bien vendre un produit payé si cher auprès d’un public souvent novice qui ne demande qu’à y croire. Des joueurs pros de moins en moins sensibles aux enjeux extra-sportifs quand ils ne joueront pas ensemble la saison prochaine (les Parisiens avaient surtout vaincus un poursuivant au classement lors du « Classico » à Marseille) et des clubs qui tentent comme ils peuvent de remplir leur stade n’aident guère. On attend avec impatience Le Havre/Caen, derby normand, ou Évian vs Grenoble, derby montagnard.

Après la trêve internationale, place au festin !

par Antoine Aubry et Nicolas Kssis-Martov

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