
La saison dernière, la différence de buts de Fort William, la pire équipe du Royaume-Uni, était de... -224 !
D'abord pour le cadre, à savoir le versant Nord de Ben Nevis, le plus haut sommet du Royaume-Uni (1345 mètres), bordant la pelouse. Ensuite pour ces projecteurs d'un autre temps, cette main courante rouillée, cette guérite tapissée en jaune à l'entrée, ces gradins en tôle où une quinzaine de collégiens s'improvisent ultras, tambours et chorégraphies au point. Mais surtout pour les personnages d'un club plongé dans les abysses du football écossais l'été dernier. « Le comité de direction avait démissionné, il ne restait plus que cinq joueurs » , embraye Peter Murphy, agent immobilier, ancienne gloire de Fort William (plus de 400 matchs entre 1985 et 1999). Le quinquagénaire, propre comme un sou neuf, a mis les mains dans le cambouis en octobre 2018 sans vraiment s'y connaître en gestion de club.
Le secrétaire devenu entraîneur !
Un partenariat avec Inverness Caledonian Thistle (deuxième division écossaise) a rempli le vivier (neuf joueurs prêtés). Le secrétaire, Russell MacMorran, s'est mué en entraîneur. D'après Alix, l'un des nombreux bénévoles qui font tourner la boutique, Russell sait « s'adapter à tout » . Officier de police dans le civil, le néo-technicien de 43 ans, gourou local façon Marcelo Bielsa, a été rapidement adoubé. Pendant les matchs, il s'en va tchatcher avec les supporters et ramène les gourdes à ses protégés. « Les mecs se battent pour lui » , dixit le président. Le derby de mercredi soir, face à Clachnacuddin, en a été un exemple concret. Le 4-4-2 aligné sur fond de kick and rush et de pressing à tout-va, n'a laissé que peu d'espaces au voisin le plus proche de Fort William dans la ligue... qui se trouve à 2h30 de route, tout de même ! Sur une pelouse détrempée, gavée d'escalopes, la différence s'est faite peu après le repos. Gratteur de ballons à plein temps, Jack Brown – le N'Golo Kanté des Highlands - a crucifié Clachnacuddin à l'issue d'une contre-attaque éclair (1-0, 48'). Les 200 âmes parquées à Claggan Park pouvaient faire valser leur pinte.

Tout le monde n'a pas vu LE but...
Quand le bout du tunnel est aussi long à se pointer, la plus petite des marges a valeur de Graal. « Nous sommes toujours restés positifs malgré cette longue attente, improvisait le capitaine Robert Nevison. Fort William est unique, il faut que les gens comprennent. Même s'il y a eu tous ces mauvais résultats, jamais nous n'avons abandonné. C'est un état d'esprit, une manière de voir le football. » « Ici, ce n'est pas du business » , argue David, habituel suiveur de Watford (à 800 km de là) et capable de se farcir 9 heures de route depuis cinq ans pour voir ce « club pas comme les autres » . Peintres, étudiants, ouvriers, ces gamins (la moyenne d'âge de l'équipe première est de 20 ans) se mettent 25 euros dans la poche par semaine. Et puisque rien n'est comme ailleurs à Fort William, ni le président ni le vice-président Collin Wood et sa barbe de lieutenant de la Légion étrangère n'ont vu la seule réalisation du soir. « J'étais en train de manger un morceau » , justifie le premier, pendant que le second servait des tourtes à la buvette. « Mais d'autres victoires vont suivre » , achève Peter Murphy, convaincu que la période d'abstinence est bel et bien achevée. « La saison dernière, un match a été arrêté à la 40e minute alors que nous menions 1-0. Nous avions l'impression d'être maudits. » Et si les dieux avaient changé de camp ?




Par Florent Caffery, à Fort William // Photos : Manon Cruz
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