Sur le chemin de la Coupe de la Ligue ?
En à peine trois lignes, la FFF a donc mis fin à plusieurs décennies d’histoire. Certes, cette décision pourrait sembler temporaire et n’entrer en vigueur que pour la saison prochaine uniquement, afin de soulager un calendrier démentiel, qui démarrera plus tard qu’à l’ordinaire à la suite de la pandémie de Covid-19, et qui se terminera avec l’Euro en fin de saison pour les meilleurs. Mais avec cette discrétion absolue du côté de la plus haute instance du foot français, tout porte à croire que cette sentence est comme celles dont raffole Denis Brogniart : définitive et irrévocable. Alors, qu’en penser ? Sur le plan purement sportif, cette résolution avantagera peut-être un peu les clubs amateurs, qui n’auront plus qu’à tenir leur résultat 90 minutes au lieu de 120 face aux formations réputées plus fortes. C’est certainement le seul point vraiment positif, même si l'histoire invite à le relativiser : allez voir un supporter de Calais et il vous rappellera que, pour signer leur épopée en 2000, les amateurs du CRUFC avaient eu recours à trois matchs avec prolongation.
Il ne faudrait pas que cette décision marque le début de la fin de l’épreuve. En supprimant cette prolongation, la Coupe de France marche en effet sur les traces de la Coupe de la Ligue, qui va justement disparaître à la fin de la saison. Dans un football où la désormais célèbre distanciation sociale ne cesse de s’accroître entre les gros et les petits, qui peut aujourd’hui assurer que la Coupe de France sera toujours là dans trois, cinq, dix ans ?
La fin des rêves
Cette nouvelle formule marque, quoi qu’il en soit, la fin d’une époque. Plus jamais vous ne verrez les champs de patate, de Fréjus à Roubaix en passant par Viry-Châtillon, qui s’émiettent au fil d’un 32e de finale pour finalement contenir après 120 minutes plus de terre sèche que de brins de pelouse. Terminé les matchs où, au milieu des dix-neuf autres joueurs de champ cramés dans leurs maillots Crédit Agricole et PMU, l’arrière droit des Herbiers pouvait venir transpercer l’adversaire à la 118e minute pour délivrer le stade Massabielle. Fini les coups d’éclat, comme ce coup franc magique inscrit par Claudiu Keșerü à la dernière seconde de la prolongation d’un huitième de finale 2007, capable à la fois de faire jubiler la Beaujoire et d’anéantir en une fraction de seconde tous les espoirs du LOSC. Il n’y aura plus, enfin, les émotions décuplées qu’ont pu connaître le stade Michel-d’Ornano et toute la région normande en 2012, quand Quevilly est venu à bout de l’OM en quarts de finale après un doublé de John-Christophe Ayina, aux 111e et 117e minutes (3-2). Des scènes comme celles-là, il y en a des tonnes. Et la plupart d'entre elles ont le point commun de s'être produites tard le soir : un moment de la journée où les étoiles s'aperçoivent à l'œil nu et où tous les rêves sont permis. Qu'importe, la FFF a décidé que le monde d'après ne fera pas d'heure sup'.
Par Félix Barbé
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ? Proposez une correction à nos secrétaires de rédaction.