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Fabrice Olszewski : « Ce rêve, c’était un cauchemar »

Propos recueillis par Aymeric Le Gall
8 minutes
Fabrice Olszewski : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Ce rêve, c&rsquo;était un cauchemar<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Arrivé en L1 comme un sombre inconnu, il en est reparti comme une légende. Avec sa dégaine bien à lui, cheveux longs et casquette vissée sur la tête, Fabrice Olszewski, ancien traducteur de Marcelo Bielsa à l'OM, a animé la saison médiatique de Ligue 1 en 2015-2016 grâce à des conférences de presse pour le moins originales. Aujourd'hui loin de tout ça, il a accepté de revenir sur son expérience marseillaise, entre rêve éveillé et énormes désillusions.

Comment tu t’es retrouvé à l’OM ? Diego Reyes, l’adjoint de Bielsa, que j’avais déjà rencontré dans le cadre du Tournoi de Toulon pour lequel j’étais bénévole, m’a contacté afin que je traduise la présentation que le coach devait faire à Vincent Labrune. Dans ma tête, c’était juste un truc ponctuel histoire de leur rendre service, rien de plus. Mais finalement, le club a proposé à Bielsa de lui payer un traducteur, et Diego Reyes m’a contacté pour me dire que Bielsa était chaud pour que ce soit moi. Au début, je n’y croyais pas trop, je ne voyais pas pourquoi ça me tomberait dessus. Mais quand tu réfléchis, tu te dis que tu ne peux pas refuser ça, c’est impossible.

Et te voilà propulsé en pleine lumière en conférence de presse… Et avec un coup dans le nez !Oui, on m’avait demandé d’accompagner Baptiste Aloé en loges. Je n’y avais jamais mis les pieds, du coup j’ai profité de l’instant. T’as l’hôtesse qui vient et qui te demande si tu veux boire un truc. Ben oui ! Finalement, t’es dans ton match, elle te remplit les verres, tu ne t’en rends même pas compte. À la fin, je descends dans le vestiaire avec Baptiste, et là, t’as l’attachée de presse qui m’attrape et qui me dit : « Fabrice, la conf’, c’est toi qui t’y colles. » Et comme je ne suis pas du genre à refuser un défi…

Et comment se passe le truc dans ta tête ? En fait, la première question, ça va, j’écoute, je traduis, point. Mais après, je me rends compte que je n’ai pas écouté la réponse de Bielsa, j’étais en train d’essayer de réaliser où j’étais. Et à un moment, le silence. « Ah ouais merde, c’est à moi de parler ! » J’ai répondu ce que j’ai pu. Comme je connaissais bien le coach et sa manière de voir les choses, j’arrivais à retranscrire plus ou moins son message. Ce n’était pas de la traduction pure, j’essayais d’expliquer ce qu’il voulait dire tout en adaptant à ma sauce.

T’as vite remarqué qu’on parlait beaucoup de toi dans les médias ? On travaillait tellement avec Bielsa que je ne regardais pas la télé et j’utilisais rarement les réseaux sociaux, donc j’étais carrément en dehors de tout ce cirque, je ne me suis pas rendu compte de l’ampleur que ça a pris après mes premières conf’. Pendant un mois ou deux, je pensais que tout se passait super bien, mais les joueurs ont commencé à me chambrer en me disant : « Hé Fabrice t’étais à J+1 ! » Quand j’ai pris conscience du truc, je me suis dit : « Mais c’est quoi ce bordel ? »

Ça fait quoi de se retrouver dans ce cas de figure ?J’avais l’impression que je ne m’appartenais même plus. C’est compliqué, surtout quand tu ne t’y attends pas.

Quelles étaient tes relations avec les joueurs ?

Quand je suis arrivé pour la première fois dans le vestiaire, j’ai fait un peu le lascar et je n’ai serré la main à personne.

Ça passait bien, je n’ai jamais eu de… Enfin si, quand je suis arrivé pour la première fois dans le vestiaire, j’ai fait un peu le lascar et je n’ai serré la main à personne. Et là, t’as Dédé (Gignac) qui m’attrape et qui me dit que ça ne se fait pas. En gros, je voulais un peu marquer mon territoire, histoire de leur montrer que je n’allais pas me laisser marcher dessus parce que je venais de l’extérieur. Après, ça a été, on délirait bien, mais je n’ai jamais franchi la ligne rouge en sortant avec eux, sauf un peu avec le staff. Là, c’était n’importe quoi, en boîte t’avais des canons qui venaient me parler alors qu’avant, jamais elles ne seraient venues me voir.

Sur le coup, tu penses quoi du monde du foot ? T’as vite été dégoûté ?Oui. Au bout de deux mois, j’ai dit au coach : « Si vous restez un an de plus au club, ça sera sans moi, ça suffit. » T’imagines le truc ? C’était presque un rêve qui se réalisait pour moi et je me suis rendu compte que ce rêve, c’était un cauchemar. J’ai été déçu par tous les gens du milieu. Les journalistes, les gens qui ont du blé et qui gravitent autour, même les parents qui venaient au centre de formation avec leurs gamins. À la limite, tu te demandes si le gamin aime jouer au foot, s’il n’a pas été poussé par la famille pour ramener du blé…

Concernant Bielsa, a-t-il trouvé dur le traitement médiatique français qui a été fait à son égard ?

Ce n’est pas parce que je galérais que je soufflais lors des conf’, mais parce que je me rendais compte de la débilité de certaines questions.

Non, ça ne l’a pas choqué. En revanche, je crois qu’il a été un peu déçu du niveau des journalistes français. Moi aussi, j’ai fini par comprendre le truc avec les journalistes. La plupart sont des intermittents qui sont payés au rendement (sic). Et qu’est-ce qui fait du rendement, qu’est-ce qui fait vendre ? Ce n’est pas le foot en lui-même. C’est aussi pour ça que je soufflais lors des conf’. Ce n’est pas parce que je galérais, mais parce que je me rendais compte de la débilité de certaines questions.

Bielsa a pensé à toi à un moment donné pour le poste de directeur sportif de l’OM ? Ouais.

C’est dingue !Non, quand tu le connais, tu ne trouves même pas ça choquant. Il voulait quelqu’un de confiance à ce poste-là puisqu’il ne trouvait pas le niveau de la cellule de recrutement terrible. Il voulait quelqu’un à ce poste qui soit dans son camp. Mais qu’est-ce que tu veux que je fasse, moi, en tant que directeur sportif de l’OM (rires) ?

Malgré vos bonnes relations, t’as eu une embrouille avec Bielsa, non ?C’est de ma faute, j’ai un peu oublié que je devais être un robot (rires) ! Il essayait de faire comprendre un truc à un joueur, mais il n’arrivait pas. Du coup, je suis allé vers le joueur et j’ai voulu lui parler, et là il m’a dit : « Non non, toi tu n’es là que pour traduire. » Je lui ai répondu que ça ne servait à rien, que le mec ne pigeait pas ce qu’il essayait de lui dire. Mais je l’ai fait comme ça, devant tout le monde, un peu fort. D’une certaine manière, je remettais en doute son autorité devant le groupe. C’est pour ça que ça a dégénéré. Mais j’ai assumé ma connerie. Finalement, après un mois de froid, les choses sont rentrées dans l’ordre.

Il t’a proposé de régler ça à l’ancienne, avec une bonne baston ?Pour lui, c’était la seule manière de régler la question. Il a dû se dire : « Les menaces, ça ne fait rien sur lui, l’argent non plus, c’est un gars qui vient de la rue, et ben on va régler ça comme dans la rue. » T’imagines, si on règle ça comme ça ? Il a soixante-cinq ans, j’en ai quarante… Si je lui tape dessus, après t’as tout Marseille qui veut ma peau, vu que rien ne reste secret bien longtemps dans cette ville.

À Marseille, tout se sait… Oui, en un mois, j’avais compris ça. Dès qu’il se passe un truc dans le club, ça se sait direct, c’est un truc de fou. Un jour, on était au petit-déjeuner avec deux kinés de l’équipe et je leur dis, en lisant le canard : « Vous avez vu ce qui sort dans le journal ? » Ils me répondent : « Ici Fabrice, les journalistes achètent les informations. Si tu veux te faire 10 000 euros, c’est pas compliqué. » Mais je ne l’ai jamais fait. Pourquoi trahir des gens avec lesquels tu travailles, qui sont à tes côtés au quotidien ?

Il y a un problème de confiance entre les gens dans ce milieu ?Personne n’a confiance en personne (rires).

C’est ça qui t’a dégoûté ?Oui. Moi, je suis quelqu’un qui va accorder sa confiance aux gens. Du point de vue des relations humaines, si tu commences à ne pas avoir confiance en l’autre, où est-ce qu’on va ? Après, tu deviens parano comme le coach. Lui, il n’a plus confiance en personne. Du coup, t’es obligé de sortir du milieu du foot au plus vite, sinon tu sais que tu vas finir comme eux… Je me souviens d’Éric Carrière qui disait que j’étais grillé dans le monde du foot après mon interview à J+1. Et c’est vrai. Je me suis grillé parce que je suis une personne honnête. Franchement, ça m’a fait du bien d’entendre ça venant de quelqu’un comme Carrière. Je me suis dit que le foot, ce n’était pas pour moi.


T’avais une clause de confidentialité quand tu étais au club ? Ouais. D’ailleurs, j’ai cru qu’ils allaient me faire quelque chose quand j’ai parlé à J+1. Depuis, tous les mecs du milieu me détestent. Ils me disent : « Ça ne se fait pas ce que tu as fait, ce qu’il se passe dans le foot, ça reste dans le foot. » Alors que pour moi, c’est presque un devoir de dire : « Attendez, le foot, ce n’est pas ce que vous croyez, on vous vend du vent. » Et puis c’est un business. S’il y a quelqu’un qui commence à parler, ça tue le business.

Et aujourd’hui, ça se passe comment pour toi ?

J’essaye de trouver du boulot, mais c’est la merde. En fait, ça a été un peu une malédiction d’avoir bossé à Marseille pour moi.

C’est la galère. J’essaye de trouver du boulot, mais c’est la merde. J’ai essayé d’en trouver au Chili, mais je n’ai rien trouvé, du coup je suis revenu en France et j’en cherche ici. En fait, ça a été un peu une malédiction d’avoir bossé à Marseille pour moi.

Ça t’a plombé ? Après tout ça, c’est difficile d’aller à un entretien d’embauche. Les gens se foutent de ce que je peux leur dire, ils veulent juste que je leur parle de l’OM et de Bielsa. Je suis marqué à vie au fer rouge.

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