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« Être ultra n’est pas incompatible avec le PSG »

Propos recueillis par Anthony Cerveaux
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Créé en février dernier, le collectif ultra Paris (CUP) regroupe déjà plus de 1 000 adhérents. Ses membres ont connu, à travers différents groupes, les difficultés de la contestation : places annulées, interdiction d’accès au Parc des Princes, interdiction d’accès au parcage visiteur, blocages de bus... Ils sont pour beaucoup sur la blacklist du PSG, mais ont décidé, sous une nouvelle bannière commune, de réunir leurs forces pour gagner en crédibilité et ainsi renouer le dialogue avec le club de la capitale. Leur objectif : répondre aux attentes de Nasser Al-Khaleïfi qui souhaite un retour de l’ambiance au Parc des Princes. Rencontre avec Romain, porte-parole du collectif Ultra Paris, accompagné de James, membre du collectif et porte-parole de l’association ADAJIS.

Samedi soir, c’était la finale de la Coupe de France PSG-OM, mais votre principale action se déroulait plus tôt dans l’après-midi près des Tuileries ?Romain : Une action était en effet prévue dans l’après-midi devant un hôtel particulier qui appartient aux Qataris près des Tuileries. On a chanté devant l’hôtel pour essayer d’alerter les responsables qataris sur nos revendications. On était plus de 200 et tout s’est bien passé. Ensuite, on savait que si on annonçait que le Collectif allait au stade de France, le PSG et les autorités feraient tout pour nous bloquer comme à chaque fois. Du coup, tout le monde avait pris des places et s’est rendu au stade à titre individuel et on s’est ensuite rassemblé autant que possible dans le virage réservé aux Parisiens. Je pense que le PSG a vu que même à 300, organisés comme on pouvait, on a réussi à faire chanter toute la tribune.James : Sans mégaphone, l’ambiance a été plutôt bonne, et les gens autour étaient contents qu’il y ait une telle ferveur.

Pourtant, la sécurité a été pointée du doigt sur ce match…James : Il ne faut pas confondre la responsabilité collective et les responsabilités individuelles. Si on ne donne pas la possibilité au collectif de s’organiser, d’avoir un espace réservé, on ne peut pas lui reprocher d’être responsable de ce qui s’est passé.

Le collectif ultra Paris a été fondé en février dernier, pouvez-vous présenter les différentes entités qu’il regroupe ? Romain :

On a décidé de se rassembler, après des discussions entre ces différentes entités, pour réunir nos forces, être plus crédibles par rapport au PSG.

En fait, le collectif regroupe tous les anciens groupes du virage Auteuil qui sont encore présents, toutes les entités qui se sont créées pendant la contestation de la politique du PSG et pas mal de supporters plus lambda qui gravitent autour des groupes ou sont mêmes pour certains abonnés actuellement au Parc des Princes en tribune Auteuil ou Boulogne. C’est presque l’ensemble des supporters parisiens actifs encore présents aujourd’hui. On a décidé de se rassembler, après des discussions entre ces différentes entités, pour réunir nos forces, être plus crédibles par rapport au PSG et montrer qu’on était tous ensemble et qu’on portait le même projet.

Avec tout ce monde, comment le Collectif fonctionne-t-il ?Il n’y a pas de hiérarchie entre les groupes. À partir du moment où les gens adhérent au projet et s’investissent, tout le monde a le même rôle. Il n’y a pas un groupe qui prend le dessus sur un autre. Après au niveau des leaders, les choses se sont faites assez naturellement. Les leaders de chaque entité se sont réunis, ce qui a formé une sorte de comité directif. Il n’y a pas un mec ou deux qui prennent des décisions, on se réunit et chacun, au sein de ce bureau, a son mot à dire. Et puis, on a un forum sur lequel tous les membres peuvent faire des propositions dont on discute ensuite au sein du bureau.

Peu après la création du Collectif, vous étiez déjà près de 1 000, vous ressentez une espèce de ferveur autour de ce nouveau groupe ?Complètement, on a même été obligés de bloquer les adhésions pendant un moment parce qu’on n’avait plus assez d’écharpes et de cartes d’abonnement… On a également près de 200 supporters qui aimeraient se carter à distance, via Internet, donc ça fait beaucoup de monde. D’ici la fin du mois, on devrait attendre les 1 500 membres.

Dans le nom du collectif, vous avez revendiqué clairement l’appellation « ultra » , vous ne craignez pas que cela vous fasse du tort auprès du PSG ou des pouvoirs publics ? À partir du moment où on explique aux gens ce que c’est qu’un ultra, je ne pense pas que cela crée de problème. Je ne crois pas non plus que le mot ultra soit incompatible avec le retour des supporters au Parc des Princes et le retour de l’ambiance, bien au contraire.

On est des ultras, mais on est aussi des gens responsables, on est organisés et capables de se gérer.

Le mot « ultra » peut faire peur quand on ne le connaît pas, mais un ultra, c’est quoi : c’est quelqu’un qui aime sa ville, qui supporte son club, qui s’investit et qui a envie de participer activement à la vie quotidienne de son club. Je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit de négatif là-dedans. Et puis on ne va pas mentir, on est des ultras, mais on est aussi des gens responsables, on est organisés et capables de se gérer. C’est pas parce qu’on est ultras que c’est incompatible avec le PSG.

Ne craignez-vous pas de faire renaître l’ancienne opposition entre le virage Auteuil et le Kop de Boulogne ?On a contacté des anciens membres de la tribune Boulogne avant en leur proposant d’intégrer le Collectif. Ils n’ont pas voulu, c’est leur choix. Mais si des supporters de Boulogne veulent nous rejoindre à titre individuel, ils sont les bienvenus. Il y a d’ailleurs au sein de notre collectif une trentaine de supporters issus de l’ancienne tribune Boulogne et ça ne pose aucun problème. Cela fait six ans maintenant, pas mal de temps est passé, et pour les anciens d’Auteuil ou de Boulogne qui gravitent toujours autour du PSG, on a discuté et il n’y a plus de problème. De toute façon, sur la bâche du collectif, il n’y a pas marqué « Auteuil » , mais « Paris » . On a voulu regrouper tous les supporters parisiens afin de montrer qu’aujourd’hui, on marche tous ensemble. Il y a eu une prise de conscience générale, on s’est rendu compte que la politique par exemple nous a fait pas mal de tort, que le club s’en est servi, donc on ne va pas retomber dans le piège… Et puis, de toute façon, notre collectif a une charte qui proscrit la discrimination, la violence et la politique. Rien qu’avec la prohibition de ces trois mots, tu écartes tous les problèmes.

Le Collectif ultra Paris dans son ensemble condamne donc la violence ?On a rédigé une charte dans laquelle il est écrit clairement qu’on refuse toute forme de violence et on l’a réaffirmé lors de notre assemblée générale. On sait que le mouvement ultra est souvent associé à la violence, mais tout ce qui est susceptible de nous poser des problèmes, on a voulu le mettre de côté. On concentre notre action sur le retour en tribunes en faisant en sorte que tout se passe bien.

Et sur la question des fumigènes ?Dans tous les clubs de France, il peut encore y avoir quelques fumigènes allumés sur certains matchs, mais il n’y a plus de craquages massifs comme il pouvait y avoir par le passé. La plupart des groupes du collectif ont montré ces dernières années qu’ils étaient capables de ne pas allumer de fumigènes et c’est la position du Collectif.

Avez-vous essayé de contacter le PSG ?Romain : Souvent, très souvent même. Quotidiennement, on va dire. (rires) Mais c’est compliqué, car il y a, en fait, une forme de lutte de pouvoir au sein du club. D’un côté, Jean-Philippe d’Hallivillée (directeur de la sécurité et des relations avec les supporters du PSG, ndlr) bloque tous les contacts et toutes les discussions. Sauf qu’à l’intérieur du club, je pense que tout le monde n’est pas contre l’idée de notre présence pour soutenir l’équipe. Je crois même que si Jean-Philippe d’Hallivillée n’était pas là, beaucoup de gens au sein du club seraient contents qu’on revienne. Mais une personne aujourd’hui paralyse le dialogue, et c’est lui. On a des contacts avec des personnes au PSG, mais ils ne peuvent pas dire officiellement qu’ils sont en contact avec nous, sinon le directeur de la sécurité pourrait leur faire du tort à l’intérieur du club. James :

C’est un secret de polichinelle, mais il y a un vrai débat au sein du PSG concernant un retour de l’ambiance au Parc des Princes.

De toute façon, c’est un secret de polichinelle, mais il y a un vrai débat au sein du PSG concernant un retour de l’ambiance au Parc des Princes. Du côté des supporters, il y a une prise de responsabilité avec la création de ce collectif, il faudrait que du côté du club, il y ait la même prise de responsabilité.

De quelle manière ?Romain : Il faudrait une prise de conscience au-dessus de Jean-Philippe d’Hallivilée qui se rende compte que cette personne bloque tout dialogue avec les supporters et que ce qu’il dit depuis des années est faux. Mais le vent est déjà en train de tourner. On fait des actions qui se déroulent bien autour des matchs des féminines ou des jeunes du PSG, et les gens, notamment au sein du club, le voient. Or Jean-Philippe d’Hallivillée continue de refuser tout dialogue avec nous, je pense qu’il en fait une histoire personnelle.

C’est pour ça qu’il est devenu la cible des supporters contestataires ?Romain : Il n’est pas notre cible, mais notre problème. C’est la seule personne qui nous met des bâtons dans les roues. James : Avant même de parler de retour, c’est lui qui empêche tout dialogue avec les groupes de supporters. Il devrait au moins écouter ce que les supporters ont à dire.Romain : Au poste où il est aujourd’hui, il est censé avoir une relation avec les supporters. Tu ne peux pas être le directeur des relations avec les supporters et refuser tout dialogue avec eux, ce n’est pas cohérent.

Dans un article du Parisien, le PSG vous reproche d’avoir des groupes ingérables, des interdits de stade, des individus qui avaient provoqué les débordements du Trocadéro, comment réagissez-vous ? Romain : Encore une fois, ce sont les propos de Jean-Philippe d’Hallivillée. Mais j’aimerais bien qu’il donne des preuves et qu’il cite des noms.

Jean-Philippe d’Hallivillée n’a jamais œuvré pour faire prendre conscience de la nécessité d’apaiser le climat entre supporters. Au contraire…

C’est facile de dire tout et n’importe quoi sur tout le monde… Et puis si on va de ce côté-là, on peut aussi s’interroger sur la manière dont le directeur de la sécurité du PSG a géré la question des supporters après les drames de 2006 et de 2010. Il n’a jamais œuvré pour faire prendre conscience de la nécessité d’apaiser le climat entre supporters. Au contraire… Et nous, on serait ingérables alors qu’on arrive à discuter avec des préfets et pas avec notre club, est-ce que c’est normal ? James : L’exemple de Rennes est éclairant de ce point de vue. On a échangé avec le préfet d’Ille-et-Vilaine pour organiser notre déplacement et on s’est serré la main à la fin du match en se disant mutuellement « merci » . Il ne faut pas oublier que le plan Leproux devait être transitoire, et son objectif était de définir un cadre où la ferveur puisse exister sans qu’on revive les excès du passé, mais après six ans, rien n’a bougé ! C’était son rôle et il a failli, pourtant ce même directeur de la sécurité est toujours là… Romain : Lors de PSG-Nantes, dernier match de la saison, 40 supporters abonnés au Parc des Princes, donc pas vraiment dangereux selon la grille du PSG, ont chanté « Jean-Philippe démission ! » pendant la remise du trophée. Ils ont été sortis manu militari du Parc des Princes. C’est pourquoi le chant « Liberté pour les ultras » a si bien été repris pendant le discours de Nasser Al-Khaleifi. Je pense que dans la tête des gens, même au Parc des Princes, ce n’est plus possible d’agir comme ça.

Si le dialogue s’engageait à nouveau, qu’attendriez-vous du PSG et qu’auriez-vous à proposer ?Aujourd’hui, on est ouvert sur tous les sujets. Pour l’instant, on mène des actions visant à nous donner une visibilité médiatique afin que le PSG voie qu’on agit de façon responsable. On ne veut pas revenir, reprendre le Parc et dire : « C’est chez nous, on fait ce qu’on veut. » On a un projet et on est prêts à en discuter avec le PSG pour voir ce qui est faisable : cela pourrait passer par un espace où nous réunir en tribune, avoir un local pour confectionner nos tifos, organiser nos permanences, pouvoir faire nos déplacements en bus sans se cacher. En bref, pouvoir faire comme tous les groupes de supporters des autres clubs. On voudrait aussi avoir des réunions régulières avec le club, pour expliquer ce qu’on fait et qu’eux nous disent si des choses ne vont pas. Bref qu’il n’y ait aucun flou et que des deux côtés, on puisse jouer la transparence.

Vous avez participé à la demi-finale de Ligue des champions entre le PSG et Lyon, ainsi qu’à un match caritatif organisé par Antoine Kombouaré entre Valenciennes et le PSG, quel sens donnez-vous à ces actions ?Pour le dire simplement, on fait ce qu’on peut faire. Si on pouvait aller au Parc toutes les semaines, on irait, mais vu qu’on est privés d’équipe première, on soutient les autres équipes du PSG féminines ou jeunes, ce sont aussi nos équipes. Concernant les anciens joueurs, on les respecte, et donc c’est normal d’aller soutenir l’action caritative d’Antoine Kombouaré. (Le collectif ultra Paris a également fait un don de 500 euros à l’assocation hayate, ndlr.) Même si on revient au Parc, il faudrait continuer à le faire. Et puis, c’est aussi une manière de nous montrer vis-à-vis des Qataris, de montrer qu’on existe, qu’on a envie de chanter pour notre club et rentrer dans notre stade.

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Propos recueillis par Anthony Cerveaux

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