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Équipe de France : ainsi naquit le Deschisme

Par Jérémie Baron
4 minutes
Équipe de France : ainsi naquit le Deschisme

Astucieux empilement de ses étoiles en attaque, réservoir offensif démesuré, fin des schémas tactiques de poule mouillée... Certes trompe-l'œil, le facile succès des Bleus face au pays de Galles ce mercredi à Nice (3-0) laisse tout de même la place à l'enflammade : et si Didier Deschamps était devenu un entraîneur cool ?

Le mardi 18 mai au matin, alors que Didier Deschamps s’apprêtait à balancer les 26 soldats prenant le train de l’Euro avec lui, Blaise Matuidi, 34 berges et nouvel homme de l’Inter Miami, tentait un appel du pied désespéré dans les colonnes de L’Équipe : « Quand on a partagé des moments avec l’équipe de France pendant plus de dix ans et qu’il y a une grande compétition, on garde un œil avisé… Je suis toujours à disposition si on a besoin de moi. Ce n’est pas quelques mois sur un autre continent qui ont changé le Blaise que l’on connaît. Je reste un soldat. Alors si on appelle le soldat Blaise, il sera là pour répondre présent. » Plutôt que de sortir de sa préretraite celui qui jadis lui servait de talisman côté gauche et demeurait le symbole de la frilosité de son système de jeu, la Dèche a fait preuve de panache – comme jamais depuis le début de son mandat – en prononçant le nom de Karim Benzema, déjà, et en élaborant peut-être la liste la plus sexy jamais vue depuis 2012. Deux semaines plus tard, après avoir fait de Gareth Bale et ses copains un bon gros Welsh (3-0), on a peut-être la confirmation que tout cela était le début d’une nouvelle ère.

Paperboard et grand huit

Plus que la redécouverte de KB(1)9 chez les Bleus, c’est l’impression générale laissée par DD et son équipe qui donne des papillons dans le ventre. Engagée dans un audacieux 4-3-1-2 au coup d’envoi – comme notamment lors du festival 7-1 contre l’Ukraine en octobre -, l’équipe de France a récité de nombreuses séquences enthousiasmantes face aux gars de Robert Page, certes réduits à dix avant la demi-heure de jeu. « Il y a des discussions à l’entraînement et sur le paperboard, a résumé DD après coup au sujet de son animation offensive. Il n’y a pas de positions fixes, je leur laisse une totale liberté. Évidemment, à la perte du ballon, ils savent ce qu’ils doivent faire pour compenser. Il n’y a aucun souci sur la complémentarité de leurs qualités, avec leur intelligence. Ils ont des profils spécifiques, mais complémentaires. » Et le sélectionneur a à peu près fait, en 90 minutes, ce que tout un pays attendait de lui : après avoir associé ses trois mousquetaires Benzema-Mbappé-Griezmann pour former une BMG pleine de promesses, il a multiplié les associations offensives en seconde période (Kingsley Coman, Ousmane Dembélé et Wissam Ben Yedder sont tous les trois venus participer à la fête), osant notamment un 4-2-3-1 tout sauf équilibré au moment de l’entrée de Coman, a laissé Karim Benzema sur la pelouse jusqu’au gong et a même offert une période entière au chouchou du FC Twitter et de Sánchez-Pizjuán Jules Koundé, dont le dépucelage avec France-Galles s’est bien passé.

Comme si, fatigué de ne goûter – et faire goûter – qu’à l’eau tiède depuis neuf ans, le boss de fin du football français avait enfin décidé de décoincer son mitigeur pour ébouillanter son bassin. « Ça a toujours été ma façon de fonctionner : la force collective sera toujours plus forte que la force individuelle. Accumuler plusieurs forces individuelles, ça fournit la qualité de l’effectif », blablatait-il à la veille de la rencontre. L’élan de cette équipe n’a pourtant pas grand-chose à voir avec le message qu’envoyait l’entraîneur sur chacune de ses feuilles de match, il n’y a encore pas si longtemps. Après tout, ses méthodes n’ont plus rien à prouver, alors pourquoi se priver du grand frisson ? Alors qu’il n’avait emmené que cinq attaquants au Mondial 2014 et six à l’Euro 2016, c’est avec huit habitués des avant-postes (merci la liste de 26) que Deschamps part plier l’Europe entre Munich et Budapest : laissons-nous convaincre que l’homme a décidé de se lâcher. Et en poussant un peu plus loin, que ce 2 juin a peut-être marqué la naissance du Deschisme, un courant philosophique qui se situe quelque part entre le Bielsisme et le Guardiolisme.

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