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« En Jamaïque, si tu ne veux plus parler musique, tu bascules sur le foot »

Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov
7 minutes
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Alexandre Gondreau vient de publier Génération H, son second roman. Un road trip musical, décalé et haschisché sur fond de découvertes des milieux underground et des modes de vie alternatifs. Le bonhomme est aussi l'un des plus fins experts français de la musique jamaïcaine en France et fondateur du site de référence reggae.fr. L'occasion de parler foot, fumette, tribunes... Et Girondins de Bordeaux.

Tu peux nous expliquer en quoi consiste le foot bang auquel s’adonnent tes héros de « Génération H » ? Les sessions de foot bang ? J’imagine que beaucoup de fumeurs les ont pratiquées ! Il s’agit de rencontres informelles dans la rue ou dans les parcs où, dès que tu prends une pause ou que tu sors du jeu, tu te lances dans un concours à celui qui va tirer au plus vite son bang avant de reprendre la partie. Pour moi, c’est la preuve qu’à 17 ou 18 ans, on possède une sacrée santé car avec ce genre d’exercice, aujourd’hui, je claquerais direct. En fait, mes héros s’amusent de l’hypocrisie qui berce notre société sur les questions de drogues ou d’euphorisants qui existent depuis les débuts de l’humanité. Regarde le sport, le cyclisme, le football ou maintenant le rugby, avec le dopage. Quand je vivais en PACA, j’allais voir les entrainements des jeunes à Monaco, à Cannes ou à Nice. J’ai vu débuter très jeune Thierry Henry, David Trezeguet et même Zidane. Quand ce dernier évoluait à Bordeaux, il semblait encore relativement frêle. L’année où il part à la Juve, il prend une masse musculaire irréelle, en l’espace de quelques mois. Il y a de quoi interpeller n’importe quel amateur de sport… Et si je me rappelle bien, Didier Deschamps se trouvait à la Juve pendant la période marquée par le scandale du dopage dans cette équipe… A un moment donné, il faut stopper l’hypocrisie et arrêter de prendre les gens pour des débiles ! A partir du moment où tu te situes dans un environnement capitaliste avec le culte permanent de la performance, tu ne peux pas ensuite balancer des discours moralisateurs sur les moyens d’être bons ou simplement de tenir le choc. Les gars veulent être les meilleurs et, pour eux, tous les moyens sont bons pour y parvenir.

Au-delà de ces expérimentations narco-sportives, quel est ton rapport au foot?Le premier match auquel j’ai assisté, c’était en 1987, le fameux Girondins de Bordeaux – Lokomotiv Leipzig. Mon oncle était un fana de foot et des Girondins. Il m’y avait emmené pour me faire découvrir sa passion. J’ai passé la rencontre à contempler la tribune des ultras, j’étais fasciné par leurs chants et par l’ambiance qu’ils mettaient ! Je suis tombé dedans ce soir-là. Et après, bien que ne vivant pas à Bordeaux, je suivais les Girondins. C‘était la grande époque des Tigana, Giresse, Battiston, avec Jacquet à la baguette. En grandissant, comme j’étais plutôt engagé politiquement à la gauche de la gauche, je me sentais plus à l’aise parmi les supporters bordelais, toujours très engagés d’un point de vue social. Et puis, comme moi, beaucoup kiffaient le reggae, et il y avait pas mal de skins qui passaient du bon son jamaïcain, des oldies notamment. De fait, pour tout avouer, j’ai toujours été davantage passionné par les tribunes que par le jeu en lui-même. J’ai fait pas mal de déplacements pour suivre les Girondins, comme celui à Chelsea récemment par exemple. Mais comme j’aimais vraiment l’ambiance des tribunes, j’ai toujours fréquenté au maximum les Kops pour la vibe : quand je résidais dans la capitale, j’ai assisté à quelques matchs à Auteuil, et quand j’étais sur Nice, je me rendais très souvent au stade aussi, virage Sud évidemment.

Et comment ressens-tu la situation actuelle du foot et des tribunes ?Quand tu vois Chelsea, tu comprends que le foot, en tout cas celui que j’aime, est en train de mourir à cause du business. Lorsque j’y suis allé avec les Ultra Marines, ils n’ont pas laissé entrer la bâche, ils nous ont demandé de ne pas fumer, de nous asseoir. Ensuite j’ai été très déçu au niveau de l’ambiance, autant qu’au Camp Nou. T’as l’impression d’être dans un Parc Disneyland, avec un kop catalan très petit et une ambiance minime. Les Kops bordelais, niçois ou parisiens, à côté c’est le Maracana… Finalement, on est en train de virer les classes populaires et donc les Ultras des tribunes, comme tu as pu t’en rendre compte au Parc des Princes où les politiques ont pris prétexte de problèmes réels pour transformer la sociologie du public. J’ai gardé pas mal d’amis Ultras niçois, qui continuent d’occuper le virage Sud même après la dissolution de la BSN, et j’imagine malheureusement que leurs jours sont comptés avec le futur grand stade. Quelque part je me sens dépossédé de ma passion. Jamais un abonnement à beIN ou Canal ne remplacera l’expérience que tu vis dans une tribune en feu.

Tu es surtout connu pour avoir fondé le site reggae.fr, le premier site web sur le reggae en France, comment définirais-tu la relation qui existe entre foot et musique jamaïcaine ? En premier lieu, une des singularités de la Jamaïque dans les Caraïbes, c’est d’être une des rares îles où le foot s’affiche comme le sport le plus populaire, alors qu’ailleurs le cricket domine. En fait, ce qui est très marrant avec les Jamaïcains c’est qu’ils sont très latins dans leur rapport au foot. C’est paradoxal, ils ont les yeux et les oreilles tournés vers les USA, mais leur façon de vivre le foot se révèle viscéralement latine. Je me rappelle de sessions studio avec pas mal d’artistes vétérans qui parlaient constamment de foot et ne rechignaient pas à aller taper une partie à l’occasion. Chez les artistes récents, Anthony B. est très foot par exemple. Quand tu les rencontres en Europe, pour une tournée, ils demandent toujours qui joue ce soir, quel est le club ici, est-ce qu’on peut toper un maillot… Pour résumer, quand tu arrives en Jamaïque, si tu ne veux plus parler musique, tu bascules sur le foot. Un jour, je rentrais à Kingston après un déplacement à Montego Bay. Le chauffeur de la voiture était une grosse baraque super musclée à la mine de gros bandit. Le gars ne bronchait pas, il semblait super énervé. Pour détendre l’atmosphère, je lui explique que je suis critique musical, en reggae, il me rétorque qu’il n’aime pas cette musique. Gros silence. Je décide de passer au foot, j’évoque la dernière victoire de Manchester United. Il me répond qu’il déteste ce club et qu’il ne soutient que Chelsea. Et là, il me montre ses tatouages à la gloire des Blues.

Et le foot français, ils en pensent quoi nos amis yardies ?Le français le plus connu en Jamaïque, c’est Zidane, et ensuite Serge Gainsbourg pour la musique. J’étais très fier de raconter que le seul club important où Zizou a joué en France, c’était Bordeaux. Bon après, il fallait quand même leur expliquer où se trouvait la ville. Zidane a beaucoup aidé à faire connaître la France. Ça pouvait même donner des situations étranges. Si tu faisais l’erreur de parler de lui lors d’une interview, l’artiste te bousillait un quart d’heure en te revisitant sa carrière de 98 à son coup de tête en finale contre l’Italie.

Quels sont les styles de reggae les plus adaptés au foot ?Je dirais d’abord le ska et le early reggae, en hommage aux skinheads bordelais… En même temps, moi qui suis un grand amateur de reggae tous styles confondus, je passe de tout avant un match : du dancehall au new roots. Je retirerais peut-être le dub de la liste car il s’avère trop planant. Le reggae se marie parfaitement avec le football, parce qu’ils relèvent tous les deux de la culture populaire. A Marseille, tu avais les Massilia Sound System qui se rendaient au Vélodrome, à Nice, le Nux Vomica, et à Paris, un type comme Daddy Mory est un gros gros fan du PSG. Malouda m’avait invité à son festival en Guyane. Il était monté sur scène avec son maillot de Chelsea avec Wyclef Jean et Beres Hammond, une très grosse star à Kingston. Il avait parfaitement su marier foot et musique.

Une compilation avec 23 artistes reggae enregistrée pour la sortie du roman « Génération H » est offerte avec le livre sur www.generation-h.fr.

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Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov

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