- C1
- Demies
- Atlético de Madrid-Real Madrid
Emporté par la Saúl
Devenu à 22 ans une gueule centrale de l’Atlético de Diego Simeone, Saúl Ñíguez représente définitivement aujourd’hui le futur d’un club qui touche à la fin d’un cycle magnifique. Retour sur deux années qui ont changé la perception autour du fils de Boria, entre douleur et sacrifices.
Cette fois, ils n’auront eu que le silence pour réponse. En quatre ans, la rivalité avait pourtant été ressuscitée après une longue période sans combattre avec les mêmes gants, ni sur les mêmes rings. Avant ce qui devait être la cinquième bataille européenne en trois ans entre les deux voisins, Zinédine Zidane avait été clair : « Sur les quatre ou cinq dernières années, ils nous ont rendu la vie difficile. » Reste que cette fois, l’Atlético ne s’est pas battu. Trop juste physiquement, dépassé techniquement comme rarement et donc balayé justement dès la première manche (0-3) d’une demi-finale de Ligue des champions déjà pliée avant le retour. Voir les hommes de Simeone déposer les armes aussi facilement n’est pas normal, mais est plutôt logique si l’on regarde bien la saison qu’ils viennent de parcourir.
L’objectif, aujourd’hui, n’est donc déjà plus à la C1 – si ce n’est pour l’honneur – et les regards se sont automatiquement tournés de nouveau vers une campagne nationale où les Colchoneros ont confirmé ce week-end leur troisième place après une victoire décrochée au mental face à Eibar (1-0) alors que Séville a été bloqué à domicile par la Real Sociedad (1-1) et que Villarreal a été séché au Camp Nou (1-4). Cette fois, les « Indiens » n’ont pas résisté face aux « Vikings » , c’est comme ça. L’heure est déjà presque au bilan d’une saison qui restera ratée pour l’Atlético et qui pourrait être la dernière de l’ère Simeone. Il est donc légitime de se poser une question : que restera-t-il derrière le Cholo ?
Le symbole du futur
Des succès, des souvenirs et donc surtout un esprit, ce que Juanfran, héros malheureux de la finale de C1 2016 face au Real (1-1, 3-5 aux t.a.b.) décrivait ainsi dans une lettre adressée aux supporters il y a un an : « Je veux vous remercier de toujours croire en nous et, surtout, de prouver qu’être pour l’Atlético est quelque chose de très spécial, de différent, et que nos cœurs battent plus fort que tous les autres. » S’il fallait garder un visage pour résumer l’Atlético actuel, il faudrait alors se tourner vers celui de Saúl Ñíguez. Vingt-deux piges, un homme qui parle de son second club formateur – il a passé deux ans au Real Madrid en 2006 et 2008 – à travers « des valeurs, une manière de vivre. De l’humilité, du travail, du sacrifice, de l’unité… » et que Diego Simeone évoque comme un joueur « différent, qui a le monde devant lui. Il est énormément important aujourd’hui et le sera surtout dans le futur. C’est simple, il a tout : le jeu aérien, l’intensité, le sens du but, une bonne sortie de balle… La clé de sa réussite se trouve dans son équilibre émotionnel pour soutenir toutes ses qualités. » En quelques années, le gamin d’Elche, fils de l’ancien buteur des Franjiverdes, Boria, est devenu un symbole dans le cœur des habitués du Calderón.
« J’ai mis ma santé en jeu pour ce club »
Simple, Saúl Ñíguez a réussi à devenir une copie de Gabi : un milieu axial, costaud sur l’homme, endurant, discipliné et tactiquement ordonné. Cette saison, il a parfois été utilisé à droite, à gauche, selon les besoins de Simeone là où il a même évolué par le passé en défense centrale avec Paco Jémez au Rayo Vallecano. Puis, derrière le joueur, il y a l’homme, celui qui était grande gueule étant gosse avant de se faire voler ses affaires à plusieurs reprises dans le vestiaire du Real et celui qui a craqué il y a quelques semaines après la qualification des siens en Ligue des champions à Leicester. Ce soir-là, Saúl Ñíguez avait inscrit le but décisif (1-1) comme il l’a fait à plusieurs reprises cette saison.
Et, face à la presse, l’homme a tout lâché : « Lors des deux dernières années, j’ai joué avec un cathéter interne. J’ai pissé du sang après chaque séance d’entraînement, après chaque match. J’ai mis en jeu ma santé pour défendre ces couleurs et réaliser mon rêve. J’ai joué avec ma santé, accompagné par le désir de jouer pour l’Atlético. Les gens ne voyaient pas ça, ne pouvaient pas l’apprécier. » Tout ça est la conséquence d’un choc traumatique avec le défenseur du Bayer Leverkusen Kyriákos Papadopoulos en février 2015, et l’histoire se terminera à l’hôpital, dans les bras d’un père en larmes et avec un rein détruit. « Ça a été la pire nuit de ma carrière, pas seulement à cause de la douleur, mais avant tout à cause de cette image de mon père en pleurs » , poursuit Saúl Ñíguez, qui n’avait jamais reparlé de cette cicatrice jusqu’à il y a quelques semaines.
Sur le coup, il enchaînera les vomis sur la route du vestiaire, tombera dans le vestiaire, aura « des convulsions.(…)Quand je me suis assis, je tremblais et je ne pouvais pas bouger. Je ne sentais plus mes bras ni mes jambes. » Et il a tenu au mental et au sacrifice avant de revenir à Leverkusen en février sur un enroulé magnifique dans la lucarne de Bernd Leno. Cette saison, Saúl Ñíguez a atteint les cent apparitions avec l’Atlético toutes compétitions confondues, et si les Colchoneros s’en sont sortis à plusieurs reprises, c’est en partie grâce à lui, à l’image de son but décisif face à Eibar samedi. Son rôle s’est même agrandi, le poumon n’hésitant pas à sortir dans la presse pour dégainer contre les envies de départ d’Antoine Griezmann l’été dernier : « Il doit réfléchir à ce qu’il dit. Qu’il demande pardon ou non, ça ne change rien, il doit penser autrement.(…)Il faut songer à l’équipe que vous représentez. Nous avons des valeurs. » Des propos que Koke aurait pu tenir hier et que Saúl Ñíguez n’hésite plus à sortir. Comme un étendard des valeurs de l’Atlético, ce qu’est aujourd’hui devenu celui pour qui tout aurait pu brutalement s’arrêter.
Par Maxime Brigand