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Édouard Duplan : « Les cours de stoïcisme m’ont marqué »

Propos recueillis par Romain Duchâteau
Édouard Duplan : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Les cours de stoïcisme m&rsquo;ont marqué<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Ce n'est pas seulement une terre d'adoption, c'est presque une seconde patrie pour lui. Depuis 2006, Édouard Duplan s'épanouit sans faire de bruit aux Pays-Bas. Le Français, trente et une piges au compteur, fait aujourd'hui les beaux jours du FC Utrecht. L'Eredevisie, la mentalité néerlandaise et même la philosophie, l'ailier droit n'élude aucun sujet. Entretien sans détour avec un homme qui s'enfile tous les jours au petit-déjeuner du pain de mie au jambon et fromage.

Sans trop de surprise, c’est donc le PSV Eindhoven qui est devenu champion des Pays-Bas cette saison, une première depuis 2008…

Ce n’est une surprise pour personne. Le PSV aurait déjà dû être champion il y a quelques années, quand il y avait Strootman, Mertens, etc. Ils ont une équipe assez jeune, avec notamment Depay et Wijnaldum. L’année dernière, ils avaient bien commencé, mais avaient fini par traîner en deuxième partie de saison. Mais cette saison, c’est vraiment l’équipe la plus forte. Physiquement, c’est autre chose que l’Ajax. À l’Ajax, ça joue très bien au ballon, ce sont des joueurs intelligents et jeunes, mais ils sont physiquement frêles par rapport à ceux du PSV. Dans ce domaine, le PSV se rapproche plus des autres championnats européens. L’Ajax, c’est une particularité néerlandaise, une exception dans le championnat. Les gens en parlent en faisant toujours référence aux années 70, c’est une vraie école de foot. On a joué contre le PSV et c’est l’équipe qui m’a le plus impressionné. Défensivement, c’est costaud. Au milieu, il y a de la créativité avec Guardado. Wijnaldum, c’est fort aussi et c’est pour moi un joueur de classe mondiale. Après, devant, ça va à 2 000 à l’heure avec Depay et Narsingh sur les côtés. Puis il y a De Jong qui a le rôle du finisseur.

Le FC Utrecht est actuellement 12e de l’Eredivisie, à trois journées de la fin. Quel regard portes-tu sur la saison de ton club ?

On est plutôt déçus, mais on a ce que l’on mérite. Nous avons été trop inconstants et avons fait quelques erreurs de jeunesse. Notre groupe est assez jeune, on a de bons joueurs qui partiront sans doute d’ici deux, trois ans dans de plus grands clubs. C’est d’autant plus décevant que notre coach, qui est un gars honnête et soutenu par tout le groupe, a une véritable vision du football. Les conditions étaient donc réunies pour qu’on fasse une meilleure saison. Mais c’est aussi normal, avec un groupe jeune, il faut laisser du temps. C’est comme ça que ça marche. Il faut ajouter qu’on a eu pas mal de malchance en ce qui concerne les blessures. L’équipe a beaucoup changé et il a fallu s’adapter. Avant que je ne revienne de ma blessure en début de saison, je crois qu’il y avait eu onze joueurs utilisés au poste de milieu droit ! C’est incroyable. C’est compliqué d’avoir un équilibre et de créer des automatismes dans de telles conditions… Quand l’équipe a retrouvé de la stabilité, on a commencé à bien jouer avant de connaître une phase plus compliquée. Ici, à Utrecht, les supporters sont très importants et très exigeants. Avant, on était une équipe davantage portée sur la conservation du ballon et on est devenus plus opportunistes. Ça nous a plutôt réussi pendant un moment sur la deuxième partie de saison. C’est dommage, car ce n’est pas notre jeu. Avec ce qu’on avait, on aurait pu faire mieux. 12e du classement, c’est honnête. L’objectif du club était de figurer entre la 8e et 12e place. Mais au regard de notre effectif, on se devait de disputer les play-offs cette année (afin de disputer la Ligue Europa, ndlr).

Quel genre de club est Utrecht ?

C’est simple. L’Utrecht, c’est ce qu’on appelle ici un club du peuple. C’est un club que l’on peut comparer à Feyenoord. La mentalité qui prédomine parmi les supporters, c’est le combat. Les fans veulent voir des joueurs déterminés, du spectacle. C’est la mentalité qui ressort. Il y a deux ans, on a réalisé la plus belle saison de l’histoire du club. On a fini cinquièmes avec un nombre de points qui n’avait jamais été atteint. Tout au long de cette saison, on posait le ballon, on jouait vraiment bien. À tous les matchs, on affichait 60% de possession de balle. Et cela, même contre les grosses équipes. Pourtant, ce n’est pas la saison préférée des supporters. Ça en dit long sur eux. Ils ne sont pas forcément intéressés par la possession comme peuvent l’être les fans de l’Ajax. Ce n’est pas ce qu’ils veulent voir, ce n’est pas ce qu’ils attendent. Eux sont contents si on se bat, si on est opportunistes et qu’on a un attaquant qui plante. J’ai aussi en souvenir un match de l’an dernier contre une équipe de milieu de tableau où on devait s’imposer. Ça s’était terminé sur le score de 3-3, et les supporters ont trouvé cette rencontre exceptionnelle, alors que ce n’était pas un bon résultat pour nous. Ils ont vu six buts, ils étaient contents, et ça leur a suffi, en fait. La direction du club, elle, est plus ambitieuse et souhaite installer durablement Utrecht entre les 5e et 8e places du championnat dans quelques années. On est en pleine restructuration, car il y a eu quelques problèmes financiers et ils sont en train d’assainir tout ça. On sort de deux saisons chaotiques où on n’a pas vraiment pu compter sur l’argent du club. Maintenant que ça va mieux, l’idée est de mettre une vraie école de foot avec un système de jeu similaire chez les catégories de jeunes. Une identité de jeu a été définie par la direction, et toutes les équipes doivent jouer de la même manière afin d’être préparées pour évoluer avec l’équipe première. Mais je suis déçu que l’actuel entraîneur, Rob Alflen, ne soit pas reconduit au terme de la saison. Un nouveau a été choisi, Erik Ten Hag, qui est entraîneur des Espoirs au Bayern Munich. J’espère qu’avec lui on va retrouver une certaine stabilité.
Quand l’équipe nationale des Pays-Bas joue, c’est incroyable. Les villes sont toutes peintes en orange… Il y a de la bière et de la musique partout…

Tu es actuellement blessé et tu l’as également été en début de saison. À titre personnel comment juges-tu ton exercice 2014-2015 ?

Je suis un peu frustré, car j’aurais aimé jouer plus. Mais je suis tout de même content de ce que j’ai pu apporter quand je le pouvais. J’ai joué une quinzaine de matchs, inscrit sept buts et donné six passes décisives. Ce sont de bonnes statistiques pour un ailier. Je suis satisfait à ce niveau-là.

C’est ta sixième saison à Utrecht. Année après année, comment as-tu fait pour ne pas tomber dans une forme de lassitude ?

Je n’ai jamais éprouvé un sentiment de lassitude. Jamais. Je prends toujours énormément de plaisir à venir aux entraînements. On a bon groupe, un bon effectif, de bons gars. Ça fait plaisir quand tu arrives le matin. Le club a changé plusieurs fois d’entraîneur. Donc les méthodes d’entraînement ont également changé. Cette année, par exemple, j’apprécie vraiment les séances. On a un coach principal, un assistant, un entraîneur technique, un entraîneur des attaquants, un entraîneur des ailiers. Les programmes sont variés. Tu ne peux pas te lasser si tu es passionné, si tu aimes le foot. Encore plus aux Pays-Bas. Ici, tu te régales. Tout se fait avec le ballon. On a rarement des séances sans ballon. Je comprends qu’on puisse avoir envie de relever de nouveaux challenges, mais je me suis attaché à ce club. C’est forcément plus facile pour se motiver et, chaque année, j’ai l’espoir qu’on arrive à accrocher quelque chose. Si je n’avais pas confiance en ce groupe, j’aurais sans doute été tenté de partir.

Quels sont les joueurs passés par le championnat néerlandais qui t’ont marqué ?

Il y en a pas mal. Moussa Dembélé, qui joue maintenant à Tottenham, en fait partie. C’est un très bon joueur. Il y a aussi Eriksen et Chadli. J’ai eu la chance de jouer avec Strootman et Mertens, deux joueurs avec de grandes qualités. Michel Vorm, lui aussi à Tottenham, est un bon gardien. Il n’est pas très grand pour son poste, mais incroyable dans les buts. À Swansea, il était exceptionnel. J’étais un peu déçu qu’il parte chez les Spurs en tant que doublure de Lloris, car il a les capacités pour être numéro 1. S’il n’est pas connu au niveau international, Michael Silberbauer, international danois, c’est très fort. J’ai également pu voir Suárez. Honnêtement, j’ai été surpris qu’il marche si bien à Liverpool. Il faisait un super boulot avec l’Ajax, mais je trouvais qu’il avait beaucoup de réussite. Avec les années, il a prouvé qu’il provoquait lui-même cette réussite-là. Huntelaar a fait aussi de belles années à l’Ajax. Cette saison, celui qui sort vraiment du lot est Memphis Depay. Il est complet, il marque énormément, sait centrer et jouer simple. Physiquement, c’est un monstre. Il y a longtemps que je n’avais pas vu ça sur un côté. Deux numéros 10 m’ont tapé dans l’œil par ailleurs. L’un est plutôt frêle et joue à Twente, Hakim Ziyech. Un beau pied gauche, très fin techniquement, intelligent, qui crée toujours quelque chose. L’autre, c’est Tjaronn Chery qui joue à Groningen. Dans les années qui viennent, ce sont deux joueurs dont vous allez entendre parler.

Les Pays-Bas sont connus pour être une véritable terre de football. La culture foot là-bas, la ressens-tu au quotidien ?

Ah mais carrément ! Bien plus qu’en France ! Le nombre de personnes qui suivent le championnat, c’est impressionnant. Tout le monde a son club préféré, tout le monde suit les résultats de l’Eredivisie. L’engouement, l’ambiance dans les stades, tu ressens vraiment qu’ils ont cette culture foot. Quand l’équipe nationale des Pays-Bas joue, c’est incroyable. Les villes sont toutes peintes en orange, les gens s’habillent en orange, il y a de la bière et de la musique partout… Il y a pas mal de temps maintenant, ils avaient des problèmes de hooliganisme et ils ont réglé ça. Il n’y a plus de problèmes dans les stades. Tu peux venir avec tes mômes, c’est très familial et plutôt bon enfant.
Ici, toutes les équipes cherchent à résoudre les problèmes en essayant de jouer, pas de balancer des longs ballons.

En 2013, tu as eu cette phrase, lourde de sens : « Tactiquement, j’ai appris plus là-bas en six ans qu’en dix-huit en France… » Tu maintiens ?

Je le confirme toujours. Après, je n’ai jamais joué en Ligue 1… J’ai eu un parcours atypique, car je n’ai pas été formé dans un club pro jusqu’à mes dix-huit ans. J’ai joué à Clermont, en L2, et il y a un monde d’écart avec ce que j’ai appris ici, en Eredivisie. En matière de construction de jeu, de tactique, de pression, c’est totalement différent. Les Pays-Bas sont connus pour ça. Même les petites équipes cherchent à jouer au ballon. On a joué contre Dordrecht en deuxième partie de saison et on a gagné 6 à 1. Ils étaient en fin de tableau, ils viennent chez nous et doivent prendre des points. Pourtant, ils ont joué au foot comme personne avant. Tous les six mètres, ils les jouaient court. Leur gardien jouait presque libéro. Ils ont pris des risques qu’aucune autre équipe de Ligue 1 ne prendrait. C’est génial à voir jouer. Après, c’est vrai que là, en l’occurrence, ça n’a pas très bien marché pour eux. Cette volonté de jouer, c’est inscrit dans le patrimoine du football ici. Toutes les équipes cherchent à résoudre les problèmes en essayant de jouer, pas de balancer des longs ballons. Le jeu long, c’est seulement en dernier recours. Physiquement, le championnat est beaucoup plus faible que la Ligue 1. On l’avait vu quand le PSG a affronté l’Ajax. Paris avait fait match nul à l’extérieur, mais avait gagné à domicile. En jouant toutefois moins bien que l’Ajax. L’Ajax, c’est le porte-étendard du football néerlandais, que du jeu en triangle ! Ce qui me plaît dans ce pays, c’est qu’il y a une vraie réflexion autour du football. Quand je suis arrivé à l’Utrecht, l’entraîneur de l’équipe actuelle était coach de la réserve. Je revenais de blessure et avant un match, il parlait de tactique. Il posait quelques questions aux joueurs à ce sujet. Des joueurs qui devaient avoir dix-huit piges, mais ils arrivaient à répondre à chaque question, alors que moi, qui étais bien plus expérimenté qu’eux, je n’avais aucune idée des réponses. Ils apprennent et savent résoudre les problèmes. C’est aussi le cas en amateur. Ils sont certes moins doués techniquement que les amateurs français, mais en équipe, c’est impressionnant.

L’Eredivisie, c’est aussi un championnat qui laisse sa chance aux jeunes, non ?

Comme ils ont moins de moyens, ils investissent pas mal sur la formation. Et les jeunes voient cela comme une chance. À Paris, par exemple, je ne suis pas certain qu’ils espèrent réellement sortir de jeunes joueurs. Lancer les jeunes, ils n’ont pas peur ici. Si un joueur est à l’aise à l’entraînement, il jouera. En France, les entraîneurs veulent de l’expérience. Ils le répètent sans cesse et ça se ressent généralement dans la moyenne d’âge de l’effectif. Depuis que je suis aux Pays-Bas, j’ai dû assister aux débuts d’une quarantaine de joueurs. Tu n’imagines même pas… Au Sparta, il devait y avoir minimum cinq joueurs qui faisaient leur débuts à chaque nouvelle saison. Cette confiance envers les jeunes, on la retrouve dans l’équipe nationale. C’est une chose qui demande une certaine vision, et des entraîneurs comme Louis van Gaal l’ont. Ils peuvent percevoir ce que les jeunes sont capables d’apporter. Quand Strootman a été appelé pour la première fois en sélection, il jouait depuis moins de six mois en première division. Il avait quoi, vingt ans, et notre équipe était en milieu de tableau. Les joueurs possèdent tous un bagage tactique. Ils ne seront jamais perdus, car ils savent où se placer par rapport à leurs coéquipiers. Il y a moins de problèmes d’adaptation. En France, ils se posent plus de questions à ce sujet.

Tu évolues principalement en tant qu’ailier. As-tu une référence, un joueur qui t’a inspiré ?

Ils ne jouent pas au même poste que moi, mais Iniesta et Yaya Touré m’ont toujours impressionné. Je n’ai pas du tout le même style de jeu, mais leur façon de jouer m’attire. Ils ont des caractéristiques de jeu que j’apprécie beaucoup. Les longs rushs de Yaya Touré, j’adore ça. Tout comme les passes magnifiques d’Iniesta. Il est capable de sortir de n’importe quelle situation. À mon poste, je n’ai pas vraiment de référence. Mais j’aime bien Pedro au Barça, qui est un joueur discret, qui ne fait pas de vagues. C’est un joueur intelligent, efficace, qui sent le jeu, qui sait ce qu’il doit faire, qui peut demander en profondeur. Pour moi, c’est ça un ailier parfait. Au niveau du style, ce n’est pas ce que je recherche en revanche.
Il y a beaucoup de jeunes joueurs français qui sont en manque de temps de jeu, et qui pourraient trouver aux Pays-Bas tout ce qui leur fait défaut en France.

Avant Utrecht, tu es resté trois ans au Sparta Rotterdam, club avec lequel tu as vécu la descente en Eerste Divisie (deuxième division néerlandaise, ndlr). Ça reste le pire souvenir de ta carrière ?

De très loin, même. C’est quelque chose de douloureux, qui m’a marqué. Je n’ai pas oublié. Quand je pense que le club est toujours en D2 maintenant et lutte pour monter… Ça me fait toujours du mal de savoir ça. À chaque fois que je revois les résultats de l’équipe, je suis obligé d’y repenser et de me dire que j’ai ma part de responsabilité dans ce qui leur arrive. Qui sait, peut-être qu’un jour, j’aiderai à les faire remonter, hein…

De quelle manière s’est déroulé ton départ vers les Pays-Bas et le RBC Roosendaal en 2006, alors que tu n’as que vingt-deux ans et sors d’une saison en Ligue 2 avec Clermont ?

Roosendaal est un club qui venait de descendre en seconde division et qui voulait remonter directement. Mon agent avait un très bon contact aux Pays-Bas qui était Rob Meppelink, le directeur sportif du club de Roosendaal. Ce dernier avait besoin d’un ailier droit pour le club et il a fait preuve d’une totale confiance envers mon agent qui m’a présenté. J’avais signé un an, plus trois en option. Mais au bout d’un mois, ils avaient déjà levé l’option… (rires). Je ne suis resté qu’un an au final parce qu’ils m’ont vendu en fin de saison.

Un Français qui choisit de partir aux Pays-Bas, à même pas vingt-deux ans, ce n’est pas quelque chose de fréquent…

Je dirais même que c’est dommage. Ça n’arrive que trop rarement. Il y a beaucoup de jeunes joueurs français qui sont en manque de temps de jeu, qui n’ont pas la confiance de leur coach et qui pourraient trouver aux Pays-Bas tout ce qui leur fait défaut en France. Prends l’exemple de mon coéquipier, Sébastien Haller. Il ne jouait pas énormément à Auxerre et depuis qu’il est arrivé ici (en prêt, ndlr), les supporters l’adorent. C’est un peu la sensation de la deuxième partie du championnat d’ailleurs. Il a marqué et se démarque par son physique atypique. Ici, ils ne sont pas vraiment habitués aux attaquants costauds. Et Seb qui ne s’était pas encore imposé en Ligue 2, physiquement, il fait très mal aux défenses. Venir aux Pays-Bas, c’est le meilleur choix que j’ai fait dans ma carrière. Parce que je m’y sens bien et que le football me correspond. C’est dommage qu’il n’y ait pas plus de joueurs qui y pensent, car je leur conseille vivement de venir ici. Ils seraient accueillis à bras ouverts.

L’intégration n’a-t-elle pas été trop dure, notamment en ce qui concerne la langue et les habitudes alimentaires du pays ?

C’est sûr que ça n’a pas été simple (rires). Il faut s’habituer, hein. Quand je suis arrivé, j’ai très vite compris que le petit-déjeuner et le déjeuner, c’était pain de mie et jambon-fromage. Quand tu vois ça, ça te fout un sacré coup au moral quand même. Dans un club de foot, je m’attendais quand même à ce qu’on mange autre chose… Il m’a fallu un temps d’adaptation. Avec Kévin Diaz, qui était mon partenaire à Roosendaal, on a mis notre touche française dans les repas néerlandais au fil du temps. La langue, en revanche, ça a été assez vite. Je parlais déjà anglais quand je suis arrivé. Et tout le monde parle anglais ici. Ça a simplifié mon adaptation. Il y a plusieurs paramètres qui expliquent pourquoi ils sont à l’aise en anglais. Par exemple, les films diffusés à la télévision sont toujours sous-titrés en anglais. Les gens ne comprennent pas pourquoi les Français parlent si peu l’anglais. Si on faisait pareil en France, je suis persuadé que d’ici dix ans les gens auraient de réelles notions d’anglais. C’est une vraie erreur de ne pas le faire. Même s’ils parlent tous anglais, je tenais absolument à apprendre le néerlandais. J’ai donc acheté un bouquin, j’ai appris tout seul et, en un an, je pouvais le parler et le comprendre. Ce n’est pas si compliqué à apprendre. Le néerlandais, c’est un mélange d’allemand et d’anglais. C’est vraiment entre les deux, ça simplifie l’apprentissage.
J’aime beaucoup les choses créatives, la musique par exemple. Mais je ne dis jamais que j’aime l’art, car je trouve l’expression bizarre…

Revenons sur tes débuts. Tu as commencé à Choisy-le-Roi, en CFA 2, puis à l’ES Viry-Châtillon, alors en CFA…

C’était une période cruciale pour moi. C’est à ce moment-là que les deux entraîneurs les plus importants de ma carrière se sont croisés. J’ai été amené à Choisy-le-Roi par Etel Ekwalla. C’est lui qui a cru en moi, qui s’est arrangé pour que je fasse un essai au club. Puis c’est à Viry-Châtillon que j’ai rencontré le deuxième, Jean-Pierre Orts. C’est un ancien pro qui a, je crois, le record du nombre de buts inscrits en D2 française. J’ai fait une année à Choisy et deux à Viry. Je garde de très bons souvenirs de cette époque-là. On est montés avec Choisy avant de malheureusement redescendre en CFA 2. En y repensant, je peux constater qu’il y a un monde d’écart entre le milieu amateur et le milieu professionnel. En ce qui concerne l’exigence, la tactique et le physique, c’est incomparable.

À l’époque, tu étais aussi étudiant en philosophie. Depuis, as-tu eu l’occasion de décrocher ton diplôme ?

J’ai étudié la philosophie jusqu’à mon DEUG (diplôme d’études universitaires générales) qui existait encore à l’époque. La philosophie grecque, les courants grecs, ça m’a notamment marqué, car c’était mon introduction à cette discipline. Le stoïcisme, aussi. En terminale, déjà, je me souviens avoir eu un prof de philo qui était un vrai acteur de théâtre. Il te donnait de véritables représentations. C’était exceptionnel, fascinant, car il avait un tel charisme ! Je ne garde que de bons souvenirs de ces heures-là. Pour en revenir à mes études, après mon DEUG, j’ai continué sur un semestre que j’ai validé. Et puis j’ai arrêté au bout de deux ans et demi. J’ai essayé de continuer, mais comme j’étais passé pro, c’était compliqué avec les cours. Après ma carrière de footballeur, ça me tente de reprendre mes études, mais pas celles de philosophie. Je choisirais quelque chose de plus concret, qui puisse m’aider à trouver un emploi. Par ailleurs, j’aime beaucoup les choses créatives, la musique par exemple. Mais je ne dis jamais que j’aime l’art, car je trouve l’expression bizarre, elle sonne mal… Quand je m’ennuie, j’aime bien essayer de faire des choses, mais je ne m’étendrai pas plus là-dessus (rires).

En 2005, tu confiais à L’Équipe que « devenir pro n’a jamais été une obsession » . Tu vis vraiment le fait d’être footballeur professionnel comme un privilège, une chance ?

Ah ça, carrément ! Comme je n’ai pas été formé dans un club professionnel, ça ne pouvait pas être une obsession. C’est grâce à pas mal de boulot et de réussite que je suis passé pro. Depuis, je savoure, je profite. Puis comme je t’ai dit, je viens avec tellement de plaisir à l’entraînement… Je suis comme un gosse. Je veux jouer le plus longtemps possible, car j’aime tout dans ce métier et je me sens chanceux de pouvoir vivre cette vie-là.

Tu as 31 ans et tu arrives au terme de ton contrat en juin prochain avec le FC Utrecht. Sais-tu quelle suite tu vas donner à ta carrière ?

J’arrive effectivement en fin de contrat et on en a déjà parlé avec les responsables du club. Ils veulent me prolonger. La venue du coach a été officialisée récemment, donc on va pouvoir discuter de la saison prochaine et des possibilités financières du club. J’aimerais rester, car je crois au projet et je me sens bien ici. C’est un club qui me va bien. J’aimerais disputer la Ligue Europa et gagner au moins un titre. Mais j’ai surtout un objectif : il y a quelques jours, Sébastien Haller m’a montré une vidéo d’un joueur japonais, Kazuyoshi Miura, qui a marqué à quarante-huit ans. Depuis, je veux absolument battre ce record (rires) ! Quant à mon après-carrière, je ne sais pas encore vraiment ce que je ferai. J’ai plusieurs idées qui me trottent en tête. Changer totalement de voie, c’est quelque chose de très excitant. De toute façon, je n’ai jamais vraiment pensé que je resterais dans le foot après avoir mis un terme à ma carrière. Mais, au final, l’idée de rester dans ce milieu, de rendre les joueurs meilleurs, d’établir son propre projet, c’est quelque chose qui commence à doucement me tenter. Je ne sais pas encore si je passerai mes diplômes, si tout cela va se mettre en œuvre, mais en tout cas, ce n’est plus quelque chose que j’exclus.
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