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Edgar Davids : le pitbull ne mordra plus…

Par Chériff Ghemmour
Edgar Davids : le pitbull ne mordra plus…

L'immense Davids a officiellement annoncé la fin de sa carrière la semaine dernière, à 40 ans. Hommage à la mâchoire de fer la plus classieuse de ces vingt dernières années.

Un symbole d’intégration

Euro 1996. Les Oranje drivés par Hiddink sont arrivés en Angleterre où ils figurent parmi les outsiders du fait de leur effectif rajeuni. L’ambiance n’est pas au beau fixe entre le « clan des Surinamiens » (Reiziger, Kluivert, Seedorf, Bogarde, Davids) et les autres. Et ça pète ! Le jeune Edgar Davids (23 ans), révélé au sein de l’Ajax double finaliste en date de la C1 (vainqueur en 95, battu en 96), se lâche dans la presse. Il estime que Guus Hiddink « est manipulé par les frères De Boer et Bergkamp » . En outre, Edgar traite le sélectionneur « d’incapable » puis le somme « de cesser de suivre les conseils de certains trous du cul (de joueurs) » … Le bon Guus Hiddink a fait du social dans sa jeunesse (authentique) et les jeunes difficiles, il connaît bien. Sauf qu’il n’a pas le temps d’entamer avec le petit Edgar un protocole de remédiation, comme on dit chez les éducateurs spécialisés. Il vire Davids avec pertes et fracas du stage de préparation et le renvoie au pays par le premier avion ! Cette crise aura son mauvais côté : Guus s’est privé d’un sacré milieu de terrain qui manquera forcément lors de la compète. Les Pays-Bas seront éliminés en quarts contre la France au terme d’un match sans grand relief (0-0, 4 tab à 5) : et si Edgar avait été là ? Le bon côté de l’affaire Davids, c’est qu’il va permettre au foot néerlandais de crever un abcès : le manque de considération pour ses joueurs noirs, essentiellement d’origine surinamienne (attention, on ne parle pas ici de racisme pur et dur). Ces derniers feront remarquer, entre autres, qu’ils sont moins bien payés par les clubs néerlandais que leurs collègues « blancs » . La fédé hollandaise agira promptement pour mieux intégrer ses minorités en clubs et en sélection. Guus Hiddink introduira même pendant un temps des repas surinamiens pour ses joueurs venus des Tropiques…
Box to box supersonique

Voilà. Edgar Davids, c’est aussi ça : un immense footballeur et un homme « indigné » qui, malgré lui en 1996, par indiscipline, pavera un chemin réconciliateur pour tous les footballeurs des Pays-Bas, d’où qu’ils viennent. D’ailleurs, la brouille avec Hiddink ne dura pas puisque Davids sera de la sélection engagée au Mondial 98 en France. Une superbe équipe qui atteindra la 4e place et qui mettra Edgar en évidence à au moins à deux reprises. C’est lui qui inscrit le but de la victoire en 8e contre la Yougoslavie, à la 92e (2-1). En demies contre le Brésil (vainqueur final 1-1, 4 tab à 2), il rattrape à la course Ronaldo parti seul en face à face avec Van der Sar et le tacle sans faire faute dans la surface. Ceux qui ont connu les raids presque toujours victorieux du Brésilien apprécieront le geste défensif du Pitbull… « Pitbull » , c’est le surnom que Louis van Gaal lui avait affectueusement attribué à ses débuts à l’Ajax en 1991 quand Edgar avait 18 ans : il l’appelait même « mon pitbull » ! Car Louis adorait Edgar : sa technique hors pair, son intelligence de jeu, sa polyvalence tactique et l’engagement carnassier qu’il mettait dans tous ses duels pour gratter des ballons. Edgar Davids sera du fantastique Ajax 1995 qui détruira tout sur son passage : la bande de gamins remportera le championnat, la C1 et l’Intercontinentale. Davids fit partie de cet Ajax 95 mythique, meilleure équipe drivée par Van Gaal, selon lui-même : « Car on a tout gagné en pratiquant un magnifique football. » Estampillé « Ajacied » pour la vie, Davids gagnera tout au long des années 90 et ensuite le titre inégalé de « box to box supersonique » . Le gaucher flamboyant pas choisi par hasard par Nike pour sa virtuosité effective – et non pas « otarienne » – a cannibalisé le midfield par son volume de jeu extraordinaire. Capable de jouer en 6, 8 ou 10, toujours vers l’avant, il faisait la différence par la vitesse de ses démarrages sur courses courtes ou sur des raids plus longs. Des dribbles foudroyants, des frappes soudaines, des passes décisives précises, des ouvertures, des débordements et des centres densifiaient un registre à la fois axial et sur les côtés. Dans cette caste très select des grands box to box, un seul, peut-être Paul Scholes, marquera l’avantage sur lui de marquer plus de buts. Malgré quelques fusées en lucarne et quelques coups francs violents, le Pitbull n’était pas un grand buteur. Mais ce n’était pas son rôle premier…

L’Euro 2000 : gloire et désillusion

Plus qu’un match ou une action en particulier, le talent d’Edgar culminera lors de l’Euro 2000 co-organisé par les Pays-Bas et la Belgique. Rarement un milieu de terrain fera mentir l’adage qu’en foot, c’est le ballon qui « court » plus vite que les joueurs : parti de ses bases arrières, Edgar se permettra des remontées de balle en solo qui accélèreront le jeu au lieu de le ralentir ! Le foot qui bannit les longues possessions individuelles trop répétées fera exception pour lui… Un truc pas racontable. Alors revisionnez les matchs des Pays-Bas 2000, et vous comprendrez. Un Hiddink pas rancunier avait quasiment confié les clefs du camion à Edgar dans l’entrejeu. On peut sans doute isoler le terrifique Hollande-Yougoslavie (6-1), avec notamment une passe dèce d’Edgar vers Kluivert. Une symphonie néerlandaise typique de ces quarts de finale où les Oranje arrivent une fois de plus à nous persuader qu’ils vont aller au bout… Que dalle ! En demies, ils buteront comme des ânes face à la Squadra, à dom, à 11 contre 10 et deux pénos ratés : aux tirs au but, Toldo fauchera les Tulipes (0-0, 3 tab à 1). Détail : Edgar n’avait pas tiré. Sûrement en souvenir de son tir au but manqué en finale de C1 1996 contre la Juve : en premier tireur, le super technicien qu’il était avait buté sans gnaque sur Perruzzi en lui offrant une frappe demi-molle, à mi-hauteur et sur son côté droit préféré. L’Ajax perdit sa couronne européenne aux pénos (1-1, 2 tab à 4)… Les tirs au but foireux (C1 96, donc, Mondial 98, Euro 2000, C1 2003 perdue avec la Juve contre Milan, 0-0, 2 tab à 3) offrent un résumé cruel de son incroyable côté lose. Car outre un proverbial « néant » avec les Oranje (74 capes, 6 pions), son palmarès en clubs pourtant bien consistant n’égalera jamais celui de son « frère » Seedorf, Lucky Clarence (quatre C1, le salaud !). Toujours une référence incontournable dans les années 2000, son style foot 2.0 lui vaudra les honneurs publicitaires du jeu Fifa 2003. Une projection médiatique qui s’ajoutera à son immense popularité très « visuelle » du fait, outre son immense talent, de ses lunettes futuristes qui le distinguaient déjà des autres joueurs (Edgar avait été opéré des yeux en 1999 à case d’une saleté de glaucome).
Edgar dans le jardin de Zinedine

De sa carrière club débutée avec l’Ajax en 1991 à 18 ans, on retiendra évidemment son passage italien à la Juve (1997-2004), précédé d’une saison manquée au Milan AC (1996-97). Pas besoin de raconter la trace immense laissée par Edgar parmi le peuple bianconero, son étoile parmi 50 autres stars de la Juve incrustée au sol façon Hollywood Boulevard sur le chemin qui conduit au stade. Et l’hommage de Marcelo Lippi : « C’est le chef mécano de ma salle des machines » … À la Juve, une autre histoire résume tout : Edgar était pote avec Zidane (qu’il appelait « Zizou » lui aussi). Plus que de l’amitié dans la vie, il y avait d’abord entre eux une vision du foot identiquement géniale qu’une Ligue des champions au moins aurait rendue plus mythique (ah ! la C1 98 tristement perdue 1-0 à Amsterdam face à un Real aussi triste qu’un roue crevée…). Ziz’ et Edgar partageaient aussi une rage de vaincre authentique, mais parfois limite voyou, héritée de leurs enfances respectives pas « aisées » des quartiers Nord de Marseille pour l’un aux quartiers durs d’Amsterdam pour l’autre. Le daron d’Edgar bossera dur toute sa vie aux chantiers navals de Rotterdam… Rage de vaincre et rage de réussir, voilà qui explique en partie les 17 cartons rouges que le Pitbull récoltera dans sa carrière (on ne parle pas de ceux reçus à Barnet). Edgar bluffait Zinedine quand ce dernier l’invitait chez lui. Dans L’Équipe-Mag de janvier 2013, Edgar racontait sa passion pour le foot en tant qu’entraîneur-joueur de Barnet (D4 anglaise) : « Je me souviens d’une anecdote avec Zizou, c’était chez lui, à Turin. Je jouais au foot dans son jardin et je l’appelais : « Hey, come on Zizou ! Come one ! Play ! » Et lui me regardait avec un air effaré (il éclate de rire, mime la tête de Zidane et répète en français) : « C’est fou ! C’est fou ! T’es fou ! » Jouer ! Jouer ! Jouer ! » Zinedine ne s’est jamais trompé dans sa carrière : sur le terrain, les deux portes-flingue qu’il s’est choisis s’appelaient Davids et Makélélé. Qui dit mieux ? On peut rappeler aussi le passage remarqué du Pitbull au Barça, prêté par la Juve en janvier 2004. Une fin en queue de poisson à la Juve, marquée déjà en mai 2001 par une suspension de quatre mois pour prise de nandrolone (un vrai point noir dans sa carrière). En Catalogne, un semestre suffira à faire redémarrer des Blaugrana englués en bas de classement mais qui finiront seconds derrière Valence. Davids a sûrement sauvé la peau de son grand frère ajacied, Rijkaard, tout juste appointé coach par le club catalan. Mieux ! D’aucuns racontent sur les ramblas que les quelques mois passés par Davids au Nou Camp ont agi comme catalyseur du renouveau barcelonais à venir…
La Petite mort en face…

Davids enquillera une saison à l’Inter (2004-05) puis il partira pour l’Angleterre où il fera le régal des fans de White Hart Lane (Tottenham, 2005-07). C’est à cette occasion qu’il découvre les charmes de Londres la cosmopolite et qu’il s’y installera plus tard, après un retour à l’Ajax (2007-08) et une fin de carrière non officielle à Crystal Palace (2010). Car il reviendra au foot en 2012 à Barnet (D4 anglaise, Nord de Londres) où il acceptera de prendre le rôle de joueur-entraîneur. Entre-temps, il avait momentanément rejoint en 2011 le projet Johan Cruyff au sein du board de l’Ajax avant de s’en écarter (d’en être écarté ?). Il avait aussi lancé une ligne de fringues sportswear, Monta Soccer, vu que le « sapeur » Davids a un goût prononcé pour l’élégance et qu’il était maqué avec la pulpeuse styliste Olcay Gulsen (vous pouvez taper Google Images, bande de relous !). Edgar s’était pas mal consacré au street-football dans les quartiers défavorisés de Londres et il ralliait ses potes Zidane et Ronaldo pour des matchs caritatifs. Son retour au foot à Barnet témoignait de son irrésolution à devoir arrêter le foot, le jeu, ses passions, comme il le confessa à Erik Bieldermann dans L’Équipe-mag. La hantise de la petite mort rôdait : « Arrêter, ce serait ressentir comme un trou dans mon cœur. Un vide infini… J’adore m’entraîner, j’adore jouer, je n’ai jamais cessé de jouer au foot. Même si je sais que tout a une fin, je serai le plus triste du monde le jour où il faudra prendre cette terrible décision… » On croyait comprendre qu’Edgar allait logiquement embrasser le boulot de coach. Un truc pas si certain, en fait. Que ce soit en tant qu’entraîneur ou comme chef d’entreprise de l’habillement devant désormais gérer sa boîte au plus près, il redoutait le grand saut dans l’inconnu : « Quand je vois le stress des managers, je ne crois pas les envier. Leurs cheveux blanchissent vite, ils se bouffent les ongles, prennent du poids et se font des ulcères à l’estomac. Suis-je désireux de vivre ce genre de vie ? Je n’en suis pas si sûr. » Edgar Steven Davids a arrêté le foot le 28 décembre 2013 à 40 ans.

Vidéo

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