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Du Superclásico et de l’immortalité des rivalités

Par Markus Kaufmann, à Buenos Aires
Du Superclásico et de l’immortalité des rivalités

Depuis le début du XXe siècle, les grandes rivalités du ballon rond ont survécu aux époques et aux crises. Aujourd'hui, certaines se montrent en pleine forme, comme le Clásico espagnol, lancé dans une irrésistible conquête du monde. D'autres se montrent un peu malades, comme le derby milanais cette saison ou le derby éternel de Belgrade, dont le prestige international semble déjà appartenir à l'histoire. Mais peu importent les obstacles, cette histoire a montré que les rivalités finissent toujours par survivre, sur la pelouse ou dans les tribunes. Et le meilleur exemple reste le Superclásico, qui s'apprête à vivre trois actes en dix jours à Buenos Aires. Boca-River le 3 mai, River-Boca le 7 mai et Boca-River le 14 mai.

En 1995, l’arrêt Bosman libère les frontières du football européen, force un regroupement des meilleurs joueurs dans un petit nombre de grands clubs et fait entrer dans l’histoire la compétitivité des petits championnats de la communauté européenne, pourtant experts en formation. À plus de dix mille kilomètres de Liège, une autre terre de football voit son sort bouleversé par ricochet : l’Argentine. Au début du siècle, Italiens, Espagnols, Allemands, Anglais et Français avaient quitté l’Europe à la recherche d’un nouveau souffle. En 1995, l’histoire les rattrape et leurs racines les condamnent. C’est au tour de leurs petits-fils de ne plus respirer, ou plutôt au tour de leur football : les joueurs argentins, dont la majorité possède ou peut facilement obtenir un passeport européen, deviennent la cible préférée des riches recruteurs du Vieux Continent. À partir de la crise économique de 2001, le peso ne vaut plus rien, et le talent s’exporte de plus en plus vite.

De la gloire des années 1990 aux sursauts d’orgueil des années 2000

Pourtant, à l’époque le niveau des championnats sud-américains n’avait rien à envier au spectacle du Vieux Continent. À l’époque, dans l’histoire de la Coupe intercontinentale, la seule qui oppose les deux continents de 1960 à 2004, la CONMEBOL l’a remportée vingt fois contre quatorze victoires pour l’UEFA. En 1995, comme un symbole, c’est l’Ajax de la formation qui l’emporte une dernière fois. À la mort de la compétition en 2004, c’est encore l’Argentine qui dirige le monde, avec neuf trophées contre sept pour l’Italie. Même le championnat uruguayen l’a alors gagnée deux fois plus souvent que la Bundesliga (six fois contre trois). En 1996, le River Plate champion de la Copa Libertadores est peut-être l’une des plus belles équipes de l’histoire : Enzo Francescoli, Hernán Crespo, Ariel Ortega, Marcelo Gallardo, les jeunes Sorín et Almeyda… Et puis, peu à peu, le football argentin s’est vidé de ses talents…

Coupe intercontinentale 2000 à Tokyo. Juan Roman Riquelme fait danser Geremi et Makelele, envoie le titan Palermo dans les étoiles et Boca sur le toit du monde. Coupe intercontinentale 2003 à Yokohama. Shevchenko, Kaká, Seedorf, Pirlo, Maldini et Cafu ne peuvent rien face au Boca de Carlos Bianchi, et s’inclinent aux tirs au but. Riquelme est parti, Carlos Tévez n’a que 19 ans, mais un but de Matias Donnet suffit. Boca est à nouveau champion du monde des clubs, au-dessus du Milan d’Ancelotti, du Real des Galactiques, de la Juve de Lippi ou encore du Manchester United de Van Nistelrooy. Un an plus tard, en 2004, Boca et River s’affrontent en demi-finale de la Copa Libertadores. River est porté par Cavenaghi, Maxi López, Salas, Mascherano, Lucho González. Boca est représenté par Tévez, Burdisso, le Flaco Schiavi. Ce n’est déjà plus les années 90, mais la double confrontation reste spectaculaire. De la tension, toujours, du morbo, encore plus, mais aussi du talent et de l’inspiration. Et aujourd’hui ?

« 1000 euros pour voir Osvaldo »

En toute logique, la rivalité aurait dû perdre de l’intérêt et se morfondre dans une lente dégénérescence. Moins d’argent, plus de ventes, moins de grands noms, moins de médiatisation, moins de jeu, moins de spectacle et moins d’intérêt ? On aurait pu y croire en 2011. River est descendu au plus bas de son histoire, tout en bas, sous terre, dans la B. Et la saison dernière, en 2014, la rivalité a même touché ce qui aurait pu être le fond. Dans les tribunes, du fait de l’absence de supporters visiteurs. Dans l’enjeu, du fait de la triste saison de Boca. Dans le prestige, aussi, car l’apogée de la rivalité des deux « géants » a fini par être une demi-finale de Sudamericana (Ligue Europa locale). Mais surtout dans l’esprit, avec trois Superclásicos à la dimension très terre-à-terre : de la pluie, des erreurs administratives, arbitrales et footballistiques, beaucoup de nerfs et de tension, peu de jeu, et encore moins de virtuosité à l’argentine. Mais six mois plus tard, la « plus grande rivalité au monde » a une nouvelle fois démontré qu’elle ne finirait jamais de se régénérer. Si les feuilles sont toutes tombées en cet automne à Buenos Aires, c’est peut-être bien parce que l’hystérie médiatique accompagnant l’arrivée du mois de mai a eu raison de tous les platanes des beaux quartiers.

Il a suffi d’un mercato pour que Boca revienne aux sommets, avec six victoires sur six matchs dans sa poule de Libertadores, et un bon début de championnat : Boca et River comptent 24 points, 7 victoires, 3 nuls et 0 défaite après 10 journées. Leaders ex-aequo et invaincus. Le Superclásico se vend donc partout et par tous les moyens. En papier, où le quotidien Olé lance tous les jours plusieurs Unes différentes. À la télévision, où les plateaux semblent être devenus des huis clos faisant tourner incessamment la même musique « super » classique. À la radio, évidemment, où toutes les questions possibles et imaginables ont été posées. Depuis maintenant plusieurs semaines et la qualification inespérée de River Plate en huitièmes de finale de la Copa Libertadores, les médias ne se sont pas arrêtés de pédaler, courir, ramer, ramper, en apnée, sous l’eau, sous terre, souvent sans respirer. Surproduction, surrégime et donc superficialité ? Ce climat de tension rappelle forcément celui des Clásicos de 2011 en Espagne, cette époque hystérique où Guardiola et Mourinho s’étaient affrontés quatre fois en une poignée de semaines. Mais il faut dire que le public et la passion répondent encore présent. Pour venir assister au match de dimanche, les hinchas provinciaux se sont montrés prêts à venir de Mendoza, Córdoba et Salta et payer jusqu’à 10 000 pesos (plus de 1 000 euros) pour voir Osvaldo et ses copains.

Le dédain de l’Europe ne tue pas

Toutefois, peu de chaînes du Vieux Continent se battent pour les droits TV du plus grand spectacle de football sud-américain. D’ailleurs, lorsque l’Europe analyse les meilleures formations des Superclásicos sur les vingt dernières années, elle ne peut s’empêcher de les juger en perspective des futurs succès européens des joueurs locaux. Vu de l’Europe, le championnat argentin semble aujourd’hui exister a posteriori, comme s’il était déjà entré dans l’histoire. Comme si c’était le transfert galactique de James Rodríguez qui donnait du crédit au titre de Banfield en 2009. Et si le football argentin pouvait survivre à l’Europe ? Près de vingt ans après l’arrêt Bosman, même les meilleurs joueurs de Boca et River ne sont plus destinés aux succès européens. Côté River, Teo Gutiérrez et Mora ont perdu l’espoir de séduire le Vieux Continent, mais ça ne les empêche pas de vendre plus de maillots qu’un grand nombre de joueurs des meilleurs clubs européens. Côté Boca, il a fallu seulement quelques semaines à Gago et Osvaldo pour retrouver un niveau d’idolâtrie réservé seulement à Totti et Zanetti en Italie. Enfin, le phénomène Lodeiro s’est montré incapable de s’imposer dans une Eredevisie déjà déclassée, mais a mis toute l’Argentine d’accord en deux ou trois matchs.

En fait, la Bombonera n’a jamais eu besoin de la Premier League ou de la Juventus pour savoir que Carlitos Tévez était un crack. Le Monumental n’a pas eu besoin de l’observer jouer la Ligue des champions pour voir que Lucho González avait de la magie dans les yeux. Si la crise économique n’était pas passée par là, ces joueurs n’auraient pas eu besoin de l’Europe pour vivre des carrières glorieuses. L’Argentine n’aurait pas été un trampoline, et serait encore un beau jardin. Malgré le dédain de l’Europe et les crises économiques, malgré les excès de la médiatisation d’Osvaldo, malgré les aléas du football local, les problèmes des tribunes et le mauvais niveau de jeu, le Superclásico semble immortel. Même quand la planète sera mourante et que les couleurs ne seront plus que digitales et synthétiques, il y aura toujours deux types, au fin fond de la Patagonie, pour débattre de la grandeur du mariage du bleu et du jaune face à celle d’une bande rouge.

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Par Markus Kaufmann, à Buenos Aires

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