Faux derbys, Latinos et Oscar de la Hoya
Une fois les stades construits, il s’agit de les remplir. Pas simple dans un pays où le soccer fut longtemps pratiqué par les femmes, les enfants et les immigrés. Et c’est justement sur cette dernière frange de la population que Garber va miser gros pour asseoir définitivement sa discipline. Sa cible ? La communauté hispanique, qui offre un double avantage. Premièrement, elle adore le football. Deuxièmement, elle représente 17% de la population américaine. Du pain béni pour Garber, qui voit ici un bon moyen de booster son « entreprise » . Si la Californie et le Texas - deux des États ayant le plus haut pourcentage de Latinos avec respectivement 34 et 39 % - avaient déjà leurs équipes dès 1996 (LA Galaxy, San José pour la Californie et le FC Dallas au Texas), le « Don » fera des pieds et des mains pour compléter l’offre. En 2004, les Chivas USA, propriété du Mexicain Jorge Vergara, s’installent à LA. Un an plus tard, c’est au tour du Dynamo Houston, dont l’un des actionnaires est l’ancien boxeur d’origine mexicaine Oscar de la Hoya, de prendre place aux côtés du FC Dallas.
L’appétit vient en mangeant comme on dit, et Garber, dans un souci de quadriller au mieux le territoire, s’attaque à la Floride et ses 20% de Latinos. Dès 2015, Orlando aura sa franchise, suivie de près par Miami, avec David Beckham aux commandes. Rien que ça. Si la création de ses nouvelles franchises va permettre d’accroître son « portefeuille » de clients, c’est aussi l’occasion pour la MLS de fabriquer de toutes pièces des rivalités sportives susceptibles d’enraciner une « culture soccer » un peu légère. Un phénomène qui ne se cantonne pas aux seules franchises hispaniques. Aujourd’hui, chaque confrontation de MLS ou presque, est l’occasion de s’adjuger la suprématie « régionale » comme le montrent les multiples derbys montés de toutes pièces aux quatre coins du pays pour les besoins de la cause (Atlantic Cup, Brimstone Cup, California Clásico, Cascadia Cup, Heritage Cup, SuperClasico, Rocky Mountain Cup, Texas Derby, Trillium Cup…), Garber use et abuse de toutes les ficelles pour faire prendre la greffe. Et ça marche. A l’issue de la saison 2013, la MLS annonce 18 000 spectateurs de moyenne, soit un peu mieux que la Ligue 1 ou l’Eredivisie hollandaise, et un peu plus de 4 millions de licenciés.
Les Defoe la paire
Pour Garber, la première étape du projet est terminée. Il existe un public pour la MLS, reste à trouver les partenaires idoines pour la faire monter au septième ciel. Et pour attirer de gros bonnets, rien de mieux que d’être crédible sportivement. Garber décide alors de sortir la « fraîche » , aidé dans son entreprise par Philip Anshutz et Lamar Hunt, deux investisseurs « historiques » de la MLS, mais aussi par des franchises décidées à miser gros sur le soccer. Cette saison, la palme revient aux Canadiens de Toronto, pourtant classés 17e sur 19 à l’issue de la saison régulière 2013, avec les arrivées de Jermain Defoe (55 sélections avec l’Angleterre) et Michael Bradley (82 sélections avec les USA) respectivement pour 4 et 6 ans. L’investissement global ? Entre 80 et 100 millions de dollars. Après Clint Dempsey, Obafemi Martins et Tim Cahill la saison dernière, les deux lurons incarnent la nouvelle politique qualitative de la MLS (à noter les retours de Michael Parkhurst et Maurice Edu deux autres internationaux US). Même si la MLS reste capable de reconvertir un Péguy Luyindula en milieu récupérateur, le niveau des derniers play-offs, qui ont été plutôt bons, témoigne de la progression de la ligue.
Flairant le bon coup, les investisseurs commencent à rappliquer : Erick Thohir (déjà propriétaire de l’Inter Milan) à DC United, la famille Saputo à Montréal ou encore Khaldoon Al Mubarak, (propriétaire de Manchester City) à New York (au NYCFC). La MLS est devenue attractive et offre quelques gages de rentabilité, à moyen terme. Si les proprios européens se résignent souvent à perdre leur mise, la MLS, elle, est dans l’obligation de générer du cash. Et pour parvenir à ses peines, rien de mieux que le système de franchise. Fermé et sans relégation, ce système est construit dans ce sens et évite des inepties façon Le Mans FC, club de DH équipé d’un stade de 25 000 places ! Même en cas de saison pourrie, les clubs peuvent se développer sans craindre la perte de leur statut professionnel ou leur centre formation. La MLS a déjà donné dans les catastrophes industrielles et veut s’éviter un douloureux retour en arrière. L’aléa sportif a donc été mis de côté pour s’assurer une croissance régulière. Une vision pragmatique et moderne qui, selon toute vraisemblance, permettra à Dan Garber d’atteindre ses objectifs d’ici 2020.
Par Gauthier de Hoym
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ? Proposez une correction à nos secrétaires de rédaction.