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Didier Ovono : « Là je suis à Trélazé, demain je peux être avec Aubameyang »

Propos recueillis par Quentin Ballue
Didier Ovono : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Là je suis à Trélazé, demain je peux être avec Aubameyang<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Après avoir connu la Ligue 1, la Ligue des champions et les Jeux olympiques, Didier Ovono garde aujourd’hui les cages du Foyer Trélazé (Maine-et-Loire) en Régional 1. Un club où il a retrouvé le plaisir de jouer au football. À bientôt 39 ans, le portier gabonais ne s’interdit rien. Et surtout pas de disputer une cinquième Coupe d'Afrique des nations avec les Panthères, auxquelles il espère pouvoir apporter toute son expérience.

Comment tu t’es retrouvé au Foyer Trélazé ?C’est une belle histoire. Le petit cousin de ma femme s’entraînait avec l’équipe première de Trélazé, il m’a informé qu’ils avaient besoin d’un goal puisque le leur était suspendu. Je lui ai dit de voir avec le coach pour que je vienne faire un entraînement. J’habite Angers, donc c’est à dix minutes. Quand je suis arrivé, personne ne me connaissait. Je n’ai pas dit qui j’étais. Ils ont vu le nom sur les gants, mais ils n’ont pas percuté. Ils ont dû se dire : « Mais il les a achetés où celui-là ? » On était quatre ou cinq gardiens et lorsque j’ai commencé à jouer, ils ont tous compris que j’étais un ancien pro. Après ça, l’entraîneur des gardiens est venu me voir et m’a demandé : « Ovono, celui qui a joué au Mans ? » « Lui-même. » « Oh, excuse-moi, je ne savais pas que c’était toi ! » Depuis, ça se passe très bien. Je suis ravi de retrouver du temps de jeu et un groupe d’entraînement, même si c’est en R1.

Du coup, merci au petit cousin ?Merci au petit cousin ! Ce qui est drôle, c’est que j’ai aussi suivi une formation en immobilier et j’ai rencontré l’un des coachs de Trélazé là-bas. Il me disait tous les jours : « Didier, à part cette formation, qu’est-ce que tu fais d’autre ? J’entraîne les U15 d’un petit club, ce n’est pas loin, tu ne veux pas venir nous aider ? » Je voulais rester avec mes enfants, faire autre chose que du football. La formation s’est terminée, et ça m’est sorti de la tête. Mais on a fini par se retrouver ! Tout le monde au club m’a vite adopté, j’apprécie vraiment ce que je vis en ce moment. Tu vois, là, je suis impatient d’aller à l’entraînement !

Avant ça, tu avais ressenti le besoin de t’éloigner du football ?J’en avais marre du foot. En 2017, mon club d’Ostende ne voulait pas que j’aille à la CAN. Ça se jouait au Gabon pour la première fois de l’histoire, je ne pouvais pas imaginer ne pas y être. Mon président ne l’a pas compris, j’y suis allé, mais à mon retour, ma carrière a pris une autre tournure. Notre non-qualification pour la CAN en Égypte, ça a été le coup de grâce. Quand vous ne jouez pas en club (au Paris FC, NDLR) et que ça ne passe pas en sélection, vous vous posez des questions. Après la fin de mon contrat au PFC, j’ai pris un peu de recul. Je voulais me reposer, regarder ce que j’allais faire de ma carrière et de mon après-carrière. La tête a commencé à revenir quand j’ai vu les éliminatoires de la Coupe d’Afrique. Je ne voulais pas arrêter en me disant que je pouvais encore jouer.

C’est là que tu es arrivé dans le monde amateur ?Exactement. En début d’année, j’avais signé avec Haguenau, en National 2, puis il y a eu l’arrêt des championnats. Après, je me suis entraîné avec Saumur. J’étais heureux de trouver autre chose que de la compétition acharnée. Je n’avais pas de licence, je profitais juste de chaque entraînement, je me faisais plaisir. Au Paris FC, je m’entraînais, j’étais rémunéré, mais je m’étais mis tellement de pression dans la tête que je ne profitais pas. Grâce à la pandémie, je me suis rappelé les raisons pour lesquelles on fait ce métier. Dans le monde amateur, tu vois l’amour des joueurs et des bénévoles pour ce qu’ils font. Tu vois leur passion.

À quoi ressemble ton quotidien ?J’ai des jumeaux de sept mois, donc beaucoup de travail ! Je me lève tôt, vers 5-6 heures, pour avoir une heure pour moi. Par rapport au club, je me dois d’être compétitif, donc j’ai ma routine musculaire : pompes, abdos, tractions, flexions… Après, je prends une douche, je prépare les biberons, tout ça. Dès que les enfants ont mangé, je me mets sur certains projets. Ma femme va travailler, et moi, je reste à m’occuper des enfants.

Imaginez quand j’étais gamin et que je disais à mes copains que j’allais jouer au Parc des Princes… Il fallait voir comment ils se moquaient de moi !

Quels sont ces projets que tu prépares ?Je suis en train de créer une fondation qui va permettre à une dizaine de footballeurs africains d’avoir une bourse et de réaliser leurs rêves. Personne ne pouvait imaginer qu’un gamin de Port-Gentil jouerait au Parc des Princes, au Vélodrome, à Wembley. C’était impossible pour un gamin d’une ville autre que la capitale. Quand j’étais petit, tout le monde m’interdisait de rêver. Au travers de ma fondation, je veux que les jeunes s’autorisent à rêver. Je vais aussi créer une bande dessinée pour raconter que même si tu viens du fin fond de l’Afrique, il faut croire en ses rêves. Imaginez quand j’étais gamin et que je disais à mes copains que j’allais jouer au Parc des Princes… Il fallait voir comment ils se moquaient de moi ! Ma première année au Mans, je suis sur le banc de touche, mais je suis quand même au Parc ! Déjà, c’est l’accomplissement d’un rêve. Qui l’aurait cru ? Je veux que les gamins ne cessent jamais de croire en leurs rêves. J’ai aussi suivi une formation en immobilier pour maîtriser plus de paramètres si je veux investir. Quand il fallait faire du porte-à-porte, je le faisais parce que je voulais m’imprégner de ce milieu. Je n’avais jamais travaillé de ma vie, je n’avais jamais fait autre chose que plonger dans le gazon et taper dans le ballon. Quand j’étais footballeur, j’avais toujours quelqu’un qui pouvait faire quelque chose pour moi. Ces deux dernières années, j’ai appris à faire les choses par moi-même.

Tu t’entraînes combien de fois par semaine ?Cinq fois. Trois fois en club et deux fois avec un coach perso. Si je suis sélectionné pour la CAN, je veux que ça ne souffre aucune contestation. Je n’ai peut-être pas le club de la division idéale, mais je m’entraîne avec des vrais joueurs et je me donne tous les moyens pour garder un rythme. Jouer cette Coupe d’Afrique est un objectif. J’ai la chance que le sélectionneur soit venu me voir la semaine dernière, on a discuté. Je lui ai dit que j’étais prêt physiquement et mentalement. Maintenant, à lui de voir si un ancien peut apporter quelque chose dans le groupe.

On fait parfois du covoiturage. Ça les a surpris, mais on joue ensemble, donc s’ils ont besoin de moi, je suis là avec plaisir.

Ça devait être un peu surprenant pour tes coéquipiers d’accueillir un ancien pro dans le vestiaire.Oui, ils étaient surpris, mais agréablement. J’ai un petit bagage donc je leur donne quelques conseils, j’essaie de les aider. Ils sont très réceptifs. Au départ, ils avaient une certaine réserve. Avec le temps, ils ont vu que malgré le CV ou le nom, je reste quelqu’un qu’on peut approcher facilement. On fait parfois du covoiturage parce que mettre 30 euros de carburant chaque semaine, ça peut être compliqué. J’ai eu la chance de gagner ma vie avec le football, et certains joueurs ne sont pas loin de chez moi, donc quand je peux, je les récupère à un point et je les ramène après l’entraînement. Ce que je fais en dix minutes de voiture, le bus le fait en une heure. Ça les a surpris, mais on joue ensemble, donc s’ils ont besoin de moi, je suis là avec plaisir.

Comment ça se passe sur le terrain ?J’ai commencé mi-octobre en Coupe des Pays de la Loire. Un bourbier… Je ne me rappelle plus le nom. (Rires.) Ça faisait un an et demi que je n’avais plus joué un match officiel. Là, j’ai déjà fait sept matchs. Deux victoires, deux nuls, trois défaites. Je progresse physiquement et je suis très reconnaissant envers le club pour m’avoir permis de rejouer au football. J’ai la sensation de bien emmerder les attaquants à l’entraînement, j’ai encore les jambes pour pousser. On s’entraîne sur un synthétique nouvelle génération, c’est une aubaine parce qu’on a moins mal aux articulations. Si ça reste comme ça, je peux encore jouer cinq ans ! J’avais perdu l’étincelle, elle s’est rallumée.

Tu n’es pas très loin du Mans, tu croises encore des supporters qui te reconnaissent ?La dernière fois, on a joué à Coulaines, à dix minutes du Mans. Des supporters étaient venus avec des photos de l’époque du Mans. J’ai retrouvé une jeune femme avec son grand-père, qui m’a demandé : « On était derrière le but, tu lui avais donné ta paire de gants en rentrant de la CAN 2010, tu te rappelles ? » Ils m’ont ressorti cette paire de gants pour que je la signe de nouveau. J’étais impressionné parce que j’ai donné ces gants à une petite fille qui avait 6-7 ans et en 2021, on vous la ressort. Ça montre l’importance de ce que vous pouvez représenter, c’est magnifique.

Tu as quitté le milieu professionnel en 2019 à la fin de ton contrat avec le Paris FC. C’est réaliste de viser la CAN ?Est-ce que c’est réaliste qu’un jeune gardien de Port-Gentil rêve de jouer au Parc des Princes ? Tout est possible ! C’est la beauté de ce sport. Par rapport à ma carrière, je dis toujours qu’une Ferrari de 1960 coûte plus cher qu’une Ferrari actuelle. Tu comprends ce que je veux dire ! À ce poste, si vous combinez l’expérience et le talent, vous pouvez jouer encore longtemps.

Pourquoi ne peut-on pas rêver si on se donne les moyens ? J’ai dit au sélectionneur : « Prendre Didier Ovono qui a déjà fait quatre Coupes d’Afrique, c’est mettre un poisson dans l’eau ! » Ce n’est pas une utopie.

Ce serait fou de te retrouver face à des joueurs qui disputent des Coupes d’Europe alors que tu es en R1.C’est la beauté du football ! Ça peut aller très vite. Là je suis à Trélazé, demain je peux être dans le vestiaire avec Aubameyang. Pourquoi ne peut-on pas rêver si on se donne les moyens ? J’ai dit au sélectionneur : « Prendre Didier Ovono qui a déjà fait quatre Coupes d’Afrique, c’est mettre un poisson dans l’eau ! » Ce n’est pas une utopie. J’ai été capitaine lors d’une Coupe d’Afrique organisée au Gabon, vous imaginez la pression qu’il peut y avoir ? Si le sélectionneur me prend, il prend un gardien qui a joué quatre Coupes d’Afrique, qui a été capitaine, qui a de l’expérience et qui connaît très bien le groupe Panthères.

Patrice Neveu t’a envoyé un signal fort en venant te voir.C’est fort, oui. Il faut le dire, le sélectionneur a besoin de toutes les forces possibles pour pouvoir faire une bonne Coupe d’Afrique. Se priver d’un gardien qui a 150 sélections, c’est très compliqué, surtout dans le contexte actuel où la plupart des championnats africains tâtonnent à cause de la pandémie. Le Gabon n’a pas la même démographie qu’un pays comme le Cameroun, on n’a que 1,5 million d’habitants. Le sélectionneur est privé du réservoir national qu’est le championnat à cause de la pandémie. (Le championnat n’a toujours pas repris, NDLR.)Surtout, lorsque vous regardez les gardiens que le coach a utilisés ces dernières années, il a pas mal fait tourner. Si Didier Ovono, avec 150 sélections, a repris du service en R1 et qu’il arrive à tenir la route, pourquoi ne pas l’emmener ? Je pense qu’il a une idée derrière la tête. On ne pensait pas que Benzema reviendrait en équipe de France, et Didier Deschamps l’a rappelé. Mon histoire n’est pas encore finie.

La liste sera dévoilée ce samedi. Tu es confiant ?Je suis d’une nature optimiste. Si le sélectionneur a jugé bon de faire le déplacement pour discuter avec moi, c’est que dans sa tête, il a un minimum de considération. Il y a une possibilité que je sois appelé. J’ai préparé ma famille à l’éventualité d’être à la CAN. Je suis à Trélazé, mais il n’y a pas de raison que je ne puisse pas m’imaginer disputer la CAN. Le football regorge de belles histoires. C’est déjà une belle histoire que le sélectionneur soit venu me voir avec l’entraîneur des gardiens. Vous imaginez pour les gens de Trélazé, le sélectionneur d’un pays qui a des stars comme Aubameyang qui se déplace pour voir un joueur ? C’est déjà magnifique. Si je suis dedans, tant mieux. Sinon, je supporterai mon pays, comme tous les Gabonais.

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