S’abonner au mag
  • Ligue des nations
  • J4
  • France-Croatie (0-1)

Didier Deschamps, des failles plutôt qu’une faillite

Par Mathieu Rollinger, à Saint-Denis
Didier Deschamps, des failles plutôt qu’une faillite

Après la défaite de l'équipe de France contre la Croatie (0-1) et un quatrième résultat négatif en autant de matchs, Didier Deschamps est apparu touché. Touché par ces échecs inhabituels, touché par les joueurs qu'il a vu évoluer sur la jante, touché par les limites de son système tactique, touché aussi après deux semaines chargées en émotions. Pourtant, connaissant l'animal, impossible de le considérer comme coulé.

Les vérités générales ont les inconvénients de leurs avantages. Ça passe partout, certes, mais ça peut aussi voler en éclats à la vitesse d’un coup de talon sur une chaussure croate dans la surface. Et ça, Didier Deschamps en a fait l’amère expérience ce lundi à Saint-Denis. Dans l’entretien donné ce mois-ci à So Foot, le Basque tenait son argumentaire pour définir son bilan après une décennie à la tête de la première équipe du pays : « C’est le résultat qui tranche. » Ou comment se blinder pour contrer ces critiques face auxquelles il jure avoir « la carapace solide » et justifier une réussite qui l’auréole depuis tant d’années. Celle qui avait notamment conduit les Bleus à soulever la Coupe du monde en 2018, tout comme à toucher à nouveau un trophée doré en octobre dernier lors du Final Four de la Ligue des nations après un Euro manqué. L’homme est rompu à ces joutes, sportives comme médiatiques. « Je me remets toujours en cause, que ce soit après une défaite ou après une victoire. Honnêtement, pouvait-on continuer à gagner comme en 2018 ? Oui. Gagner différemment ? Aussi. Si tu gagnes, tu as raison, quoi que tu aies fait. » La Fontaine n’aurait pas dit mieux. Sauf que ces galipettes sémantiques peuvent aussi causer un sérieux tour de rein. En effet, quand la machine tricolore coince en concédant pour la première fois de son mandat une série de deux nuls et deux défaites en quatre matchs, retourner la question est légitime : si tu perds, as-tu tort quoi que tu aies fait ?

Les certitudes en football n’existent pas. Les convictions oui, mais les certitudes sont toujours balayées. Il y aura besoin de beaucoup beaucoup plus de choses si on veut maintenir le standing qui est le nôtre.

Faille que vaille

Que ce soit les fesses vissées dans un fauteuil molletonné d’un hôtel donnant sur la tour Eiffel, où il avait reçu en mai, ou sur une chaise en plastique d’une conférence de presse, que ce soit après une victoire étriquée ou une défaite étriquée, Deschamps devra toujours se justifier. C’est son métier, après tout. Rebelote donc, avant de mettre le cap vers les parasols, dans les entrailles du Stade de France. « Les certitudes en football n’existent pas. Les convictions oui, mais les certitudes sont toujours balayées. Il y aura besoin de beaucoup beaucoup plus de choses si on veut maintenir le standing qui est le nôtre, exprimait-il, plus affecté qu’énervé. Il faut une remise en cause et ça passe aussi pour une autocritique. Sur ce rassemblement, les résultats nous donnent tort de par ce qu’on n’a pas assez fait. » Une concession (voire une confession) assez rare, témoin d’une certaine fébrilité, là où même la glissade suisse de l’été dernier avait été noyée sans bruit. Une manière aussi d’être cohérent avec ses propos, lorsqu’il mettait en parallèle pour So Foot l’évolution de son équipe avec celle de l’Italie championne d’Europe, mais éjectée en barrage du Mondial : « Le succès de l’Italie a donné raison à Roberto Mancini, car il a été champion d’Europe, mais avec la non-qualification au Mondial quatre mois après, est-ce que ça lui donne toujours raison ? » Le job de sélectionneur est forcément ingrat. Il consiste autant à briser les vagues qu’à savoir surfer dessus. Il nécessite aussi d’avoir le courage de tendre la joue, tout en gardant la face après l’impact. Pourtant, c’est parfois dans les zones d’ombre qu’on y voit plus clair. Lui, le technicien qui n’a goûté qu’à 19 défaites en 129 matchs à la tête de la sélection, plutôt que de se renfermer sur lui-même, a su apporter des éclairages sur l’état réel de son équipe de France, version 2022.

Il y a d’abord ces directions qu’il n’a pas pu suivre, à savoir ce 3-4-1-2 qu’il a voulu continuer de travailler durant cette séquence, mais qui n’a pas tenu la distance. Sa liste était pourtant taillée sur mesure pour ce dispositif, prête pour « s’adapter aux joueurs à sa disposition », mais les vérités du papier ne sont pas celle des organismes. La saison a été éreintante, cet enchaînement de quatre matchs faisant office de cerise sur une Viennetta fondue. Deschamps a dû alors revoir sa recette pour revenir à une défense à quatre, moins énergivore, mais pas plus efficace, face à des adversaires plus déterminés. « Le système à trois demande d’être au top physiquement, parce qu’il y a des compensations à faire. Sur ce stage, je me suis vite rendu compte qu’athlétiquement, ce serait très compliqué. C’est pour ça que nous sommes allés ensuite vers quelque chose de plus rationnel. » Quitte à se contredire. C’est ainsi que Benjamin Pavard et Jules Koundé (qui se fera d’ailleurs opérer ce mardi des ischios), à qui il promettait récemment un avenir dans l’axe droit, ont officié non sans peine sur des postes d’arrière droit. De la même manière qu’il aurait fallu le vrai Griezmann et un Kylian Mbappé sur ses deux jambes pour que cette stratégie porte ses fruits offensivement. « On n’avait pas tous nos moyens, et ça nous a contraints à faire beaucoup de changements, faisait-il remarquer. Encore aujourd’hui, j’avais trois joueurs en basket sur le banc(Theo Hernández, William Saliba et Mousa Diaby, NDLR) que je ne pouvais pas utiliser. »

Je ne vais pas passer de bonnes vacances, mais même si on avait gagné des matchs, ça aurait été une sale période. Le foot reste du foot. Perdre, il n’y a rien qui peut plus m’énerver, mais là, il faut l’accepter et faire en sorte de repartir sur le droit chemin.

L’humain d’abord

S’il a consenti à fendre la coquille, et en attendant de retrouver ses cadres, du jus et « un état d’esprit de combattant », Didier Deschamps restera impassible sur un point : « Je ne vais pas critiquer les joueurs. » « Moi, ce n’est pas l’individuel, c’est la force que doit dégager ce groupe, et il y en avait beaucoup moins sur ce stage-là, martelait-il. D’habitude, je préfère regarder le verre à moitié plein. Là, il ne l’est qu’au quart. » Meurtri par la situation, DD se veut (bien) au contraire compréhensif, comme s’il ne voulait laisser aucun de ses gars sur le bord de la route. « Personne n’a le sourire, bien évidemment. J’ai été joueur : quand vous finissez comme ça, vous ne pensez qu’à une chose : vous vider la tête. Ils en ont besoin aussi. Ils veulent profiter de leur famille, de leurs enfants. Ils ne fuient pas, ils sont bien conscients de ce qu’ils n’ont pas assez fait. » La famille, justement, c’est peut-être là que cette indulgence trouve sa source. À la suite du décès de son papa, Pierre, le sélectionneur avait dû quitter Clairefontaine et laisser son adjoint Guy Stéphan piloter la première rencontre face au Danemark. Qu’importe le palmarès, on ne sort jamais indemne de ces événements. Et la locomotive bleue y a laissé pas mal d’influx. Apparaissant irrité, agacé ou distant à chacune de ses apparitions médiatiques, dans le secret du vestiaire, cela a également pu être perçu. « Ces résultats, même si ça fait mal, il faut les accepter. Je parle des joueurs, mais je me l’attribue aussi : je n’avais pas la force nécessaire à leur transmettre », avouait-il dans un soupir.

Donner de sa personne. Voilà un des autres prérequis pour ce poste. Le Bayonnais le fait depuis le premier jour où il a enfilé un survêtement bleu. Et avec le temps, il est devenu aussi le fournisseur officiel d’émotions du pays, que ce soit pour le faire descendre à deux reprises sur les Champs-Élysées ou se retrouver au centre de ces débats qu’il abhorre. Ce type passe sa vie à construire des moments, forcément marquants. Ce sont des matchs comme autant de marqueurs : le déclic d’un nul en Espagne en 2012, la réconciliation après le barrage contre l’Ukraine, la communion un soir de demi-finale de l’Euro à Marseille, l’extase d’une nuit moscovite étoilée avec « la sensation que, ce soir-là, la pluie ne mouillait pas ». Parmi ces souvenirs, des échecs. Peu nombreux, mais éminemment constructifs. Et il y a fort à parier que cette triste séquence servira pour la suite. « Je ne vais pas passer de bonnes vacances, mais même si on avait gagné des matchs, ça aurait été une sale période, concluait-il. Le foot reste du foot. Perdre, il n’y a rien qui peut plus m’énerver, mais là, il faut l’accepter et faire en sorte de repartir sur le droit chemin. » D’autant plus que, comme si la chance ne lui avait pas totalement échappé, ce trou d’air intervient lors un mois de juin d’une année de Coupe du monde, alors que ladite Coupe du monde est exceptionnellement organisée en novembre. Tout n’est donc pas perdu.

Dans cet article :
Jonathan Clauss sera absent pour trois à quatre semaines
Dans cet article :

Par Mathieu Rollinger, à Saint-Denis

À lire aussi
Articles en tendances
02
Revivez : France-Allemagne (0-2)
  • International
  • Amical
  • France-Allemagne
Revivez : France-Allemagne (0-2)

Revivez : France-Allemagne (0-2)

Revivez : France-Allemagne (0-2)
32
Revivez la victoire de la France face au Chili (3-2)
  • International
  • Amical
  • France-Chili
Revivez la victoire de la France face au Chili (3-2)

Revivez la victoire de la France face au Chili (3-2)

Revivez la victoire de la France face au Chili (3-2)
Logo de l'équipe France
EDF, le coup de la panne
  • International
  • Amical
  • France-Allemagne (0-2)
EDF, le coup de la panne

EDF, le coup de la panne

EDF, le coup de la panne
Logo de l'équipe Géorgie
Willy Sagnol headcoach of Georgia during talks to Ovidiu Hategan (ROU) referee in action during UEFA European Championship Qualifying: Group A match between Spain and Georgia at Stadium Jose Zorrilla on November 19th in Valladolid (Spain) (Photo by Luis de la Mata / SportPix/Sipa/ USA) - Photo by Icon sport   - Photo by Icon Sport
Willy Sagnol headcoach of Georgia during talks to Ovidiu Hategan (ROU) referee in action during UEFA European Championship Qualifying: Group A match between Spain and Georgia at Stadium Jose Zorrilla on November 19th in Valladolid (Spain) (Photo by Luis de la Mata / SportPix/Sipa/ USA) - Photo by Icon sport - Photo by Icon Sport
  • International
  • Géorgie
Géorgie : le roman de Sagnol

Géorgie : le roman de Sagnol

Géorgie : le roman de Sagnol

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

Dernières actus

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • Pronostic Foot 100% Gratuits ! + de 100 Matchs analysés / semaine

France