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Vikash Dhorasoo : « J’espère que la France ne sera pas la dernière à réagir »

Propos recueillis par Valentin Lutz et Arthur Stroebele
Vikash Dhorasoo : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J’espère que la France ne sera pas la dernière à réagir<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

À l’occasion de la Coupe du monde féminine, Vikash Dhorasoo a lancé une pétition sur la plateforme change.org. Adressée à la FFF, celle-ci brandit un « carton rouge contre les inégalités salariales » entre les femmes et les hommes dans le milieu du football. À l’heure où plus de 30 000 signatures ont déjà été récoltées, on débriefe tout ça avec lui.

Depuis quand aviez-vous la volonté de bouger sur ce sujet-là ?Je profite de l’exposition d’un tel événement pour porter ce combat, mais c’est une lutte qui est plus globale, qui ne concerne pas que les femmes, mais aussi d’autres minorités, finalement. Je me bats pour l’égalité dans son ensemble. En l’occurrence, la Coupe du monde permet d’aborder cet aspect salarial qui les concerne spécifiquement. Je suis féministe, et pour moi, c’est tellement normal… Je ne suis même pas là pour convaincre, parce que je considère que ce n’est pas un sujet : à talent égal, poste égal et compétences égales, il devrait y avoir l’égalité salariale. Point.

Pour justifier l’inégalité salariale, on entend souvent l’argument de l’argent moindre engendré par les femmes dans le foot qui, de fait, induirait un écart avec les hommes.C’est un faux argument. Quand elles engendrent la même chose, voire davantage comme c’est le cas avec les Américaines, elles touchent moins d’argent. Ce n’est pas là que ça se joue. Historiquement, tout a été organisé pour que la femme soit inférieure à l’homme, qu’elle reste à la maison. Donc à l’arrivée, on nous dit qu’elles n’engendrent rien : ben oui, en fait, puisque rien n’a été fait pour que le contraire se passe. Dans les statuts de la Fédé, il est stipulé qu’elle doit créer du lien et lutter contre toutes formes de discrimination de sexe et de genre. Or, quand elle crée des différences de salaires, la FFF ne remplit pas sa mission.

Ça s’explique par une gouvernance majoritairement masculine de la FFF, au sein d’une société sexiste ? Oui, bien sûr. Même les femmes qui y travaillent sortent les mêmes arguments et acceptent la situation de notre société patriarcale. Non, ce n’est pas normal ! Partout où il y a des inégalités, je vais les combattre. La FFF pourrait très bien prendre l’argent des hommes, le mélanger à celui des femmes, et le redistribuer équitablement. Le foot français doit se gérer de manière collégiale, c’est pas d’un côté les hommes et de l’autre les femmes. Si Noël Le Graët reste en place, ça ne changera jamais. Mais ça les concerne tous, Aulas et compagnie. Le comité exécutif de la FFF se compose de douze personnes pour seulement trois femmes. Toutes les instances dirigeantes du sport doivent changer, notamment dans les modes de scrutin. La FIFA, le COJO, le CIO… C’est de l’entre-soi blanc et masculin.

Vous pointez du doigt Jean-Michel Aulas, mais il a malgré tout beaucoup œuvré pour le foot féminin.Ouais, peut-être. (Il réfléchit.) Mais c’est dans une logique commerciale et industrielle qu’il évoque le foot féminin. Ce n’est pas une lutte comme celle que je porte, il s’est mis dessus avant les autres parce qu’il y avait un créneau à prendre. Attention, c’est déjà ça malgré tout, il faut le signaler.

La pétition recueille plus de 30 000 signatures aujourd’hui. Vous vous attendiez à ces chiffres ? Plus il y en a, mieux c’est. Certaines personnes ne sont même pas encore au courant, j’espère que les signatures continueront d’arriver. Après, quand on voit que dix millions de personnes regardent les Bleues en Coupe du monde, il y a un acte militant derrière ça. Tout ça me fait penser au film, formidable, Joue-la comme Beckham, dans lequel une petite fille musulmane s’émancipe grâce au foot. La prise de parole de Marta, le geste fort d’Ada Hegerberg qui ne vient pas à la Coupe du monde… Il faut se battre !

Pour signer la pétition, c’est ici

Est-ce que vous pensez que la pétition peut vraiment avoir un impact auprès de la Fédération ?J’espère qu’il y aura des répercussions et je réfléchis déjà à la suite à donner à cette pétition, en collaboration avec tous ceux qui y prennent part. Je ne sais pas à partir de quel nombre de signatures on pourra avoir du poids, mais je sais que ça peut en avoir. Par exemple, on vient de sauver un city stade aux Abbesses, avec l’aide de riverains, parce que des habitants du quartier étaient soi-disant gênés par sa fréquentation. C’était surtout pour accentuer la gentrification. Eh bien, à la suite de notre mobilisation, on a obtenu 10 000 signatures, et le maire a reculé. Donc, une pétition, ça peut avoir du poids.

Il y a le risque que ça reste sans lendemain aussi, notamment une fois la Coupe du monde terminée, voire que les Bleues ne gagnent pas…Oui, peut-être. Mais ce n’est pas parce que les choses ne changent pas qu’il ne faut pas y aller et y croire. Vous savez, perdre ne me fait pas peur. J’ai perdu toute ma carrière : une finale de Coupe du monde avec l’équipe de France et de Ligue des champions avec l’AC Milan, donc bon. Mais une chose est sûre, je continuerai de me battre.

Pour vous, le levier de l’éducation pourrait-il aider dans ce combat ?Oui. Je pense que parallèlement à l’action, à l’engagement, à l’activité, il y a évidemment un rôle à jouer dans l’éducation.

Vous avez eu des retours de la Fédération sur la pétition ?Non, pas du tout. Mais je continue, ce n’est pas grave.

Est-ce que ce constat d’inégalités pourrait vous amener à vous dégoûter du football ?Évidemment ! Et sans même parler des salaires, dans mon football il y a 30 ans, il n’y avait pas de VAR, pas de goal-line technology, pas deux mille ballons sur un terrain, pas quatorze minutes d’arrêt de jeu. Tout ce business a été créé par les dirigeants du football. L’idée d’Infantino par exemple, c’est de faire de la thune tout de suite, maintenant, et peu importe ce qu’il se passera derrière. Il n’en a rien à faire du football.

Malgré tout, il y a eu du progrès ces dernières années dans la médiatisation du football féminin. Est-ce que finalement, ce ne serait pas la loi du progrès que d’assister à quelques régressions passagères dans un mouvement global ascendant ?Non, je pense que c’est précisément le contraire. La question, c’est aussi de savoir ce qu’on fait du progrès. Et la société de consommation, je crois que c’est le pire du pire. C’est Bourdieu, Deleuze et compagnie. Pasolini a aussi dit plein de choses sur le football. C’est un sujet de philosophie récent : les lois, obstacles à notre liberté. Plus on met de règles, plus on s’enferme. Par exemple, ce que j’aime, ce sont les matchs dans lesquels l’arbitre n’a pas de sifflet et laisse jouer. D’ailleurs, quand on va voir un match de quartier, il n’y a pas de VAR, les gens ne pensent pas à vérifier s’il y a une faute dans la surface, ils n’ont pas le temps. On a juste construit des trucs pour la télévision.

Votre initiative suit aussi celle des Australiennes, qui vont bénéficier de la même rémunération que les hommes dans le championnat, ou celle de Jimmy Durmaz, qui a reversé ses primes à la sélection féminine… C’est tout un ensemble qui bouge, vous ne trouvez pas ?J’espère. J’espère qu’on ne sera pas les derniers en France à réagir.

On a parfois reproché à certains de s’approprier l’espace médiatique des femmes. Est-ce que vous avez hésité à porter ce combat de l’inégalité salariale parce que vous êtes un homme ?Non, je n’ai pas hésité. En revanche, je regrette qu’une femme ne porte pas la pétition avec moi. J’ai un peu cherché, mais je n’ai pas trouvé. Donc j’y suis allé, je me suis dit « je m’en fous » . J’ai des filles, c’est important pour moi qu’elles se sentent libres et qu’à aucun moment, elles ne sentent une pression parce qu’elles sont femmes. En revanche, beaucoup de femmes nous ont rejoints, et j’en suis extrêmement content.

Vos filles, justement, elles jouent au foot, elles veulent y jouer et c’est pour ça que vous voulez vous investir ?Mes filles, oui, elles ont joué un peu. Maintenant, elles font d’autres activités. Mais, vous vous rendez compte, c’est génial, mon fils, il a reçu son So Foot Club, et c’était Amandine Henry qui figurait sur le poster. Il est arrivé avec sa revue, et il était super heureux ! Ces gamins-là, garçons ou filles, vont s’identifier à ces filles qui jouent la Coupe du monde, et c’est génial. Je pense qu’à l’issue de la compétition, beaucoup de filles vont vouloir commencer à jouer au foot.

Êtes-vous en contact avec des joueuses de l’équipe de France à la suite de votre initiative ?Non. Mais j’ai lu qu’Amandine Henry et Gaëtane Thiney disaient que cet écart était normal. C’est dommage. Elles ont des situations un peu plus confortables, elles devraient montrer l’exemple et se battre pour les autres. Enfin bon, je comprends leur position : Amandine Henry, elle travaille pour la Fédération. Laura Georges aussi. Quand on est joueur de football, c’est toujours plus difficile de prendre parti. J’en ai fait l’expérience. Certes, je ne suis pas à leur place, mais à un moment, je remarque que les Américaines le font. Au départ, elles n’étaient que quelques-unes à porter ce combat. Aujourd’hui, elles sont beaucoup plus nombreuses. On devrait aussi prendre ça comme un combat personnel. Par exemple, je viens d’un quartier populaire et sans le football, je n’en serais pas là. Et de fait, j’estime avoir une responsabilité vis-à-vis des gens qui sont dans les quartiers, des classes populaires en difficulté.

Vous n’avez reçu aucun retour de joueurs masculins ?Non.

Et pourquoi pensez-vous qu’ils ne s’investissent pas ?Chacun mène ses combats et ils ont le droit de ne pas vouloir mener celui-ci. Pour autant, je suis sûr que les footballeurs tentent et font beaucoup de choses, mais il faudrait que ça se sache plus. Je sais qu’ils redonnent beaucoup, par des académies, en aidant leur petit club, ils créent des écoles. Il se passe des choses aussi, je pense que les footballeurs sont des gens bien et font des choses bien.

Pour signer la pétition, c’est ici

Le jour de Bourigeaud

Propos recueillis par Valentin Lutz et Arthur Stroebele

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