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Denis Brogniart : « J’ai une sincère admiration pour Nicolas Seube »

Propos recueillis par Maxime Brigand
14 minutes
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Dingue de sport et supporter du Stade Malherbe de Caen, Denis Brogniart, arbitre officiel mythique de Koh-Lanta depuis 2002, profite du confinement pour évoquer son rapport au foot alors que la réunification se prépare sur l'archipel de Kadavu.

Tu es né à Dijon, à la fin des années 1960, mais tout le monde sait que tu es un gros supporter du Stade Malherbe de Caen. Concrètement, à quand remonte ton amour pour le foot ? Pour moi, ça a commencé à la fin des années 1970. J’habitais Strasbourg et c’est l’époque où le club est remonté en D1. On était alors en 1977 et deux ans plus tard, le Racing a été sacré champion de France pour la première fois de son histoire, ce qui serait totalement insensé aujourd’hui. D’ailleurs, Monaco est remonté en même temps que Strasbourg et a été champion dans la foulée, en 1978.

J’allais aux matchs à la Meinau avec mon père, qui était banquier et qui s’occupait notamment des finances de certains joueurs de l’époque. Il a par exemple été le banquier de Carlos Bianchi.

Tu as donc deux clubs promus en D1 qui ont été champions de France à tour de rôle : immense. C’est là que j’ai vraiment commencé à aimer le foot, parce que j’allais aux matchs à la Meinau avec mon père, qui était banquier et qui s’occupait notamment des finances de certains joueurs de l’époque. Il a par exemple été le banquier de Carlos Bianchi. Résultat, j’avais la possibilité d’aller voir les matchs, dans de bonnes conditions, de saluer les joueurs : Dominique Dropsy, Léonard Specht, Joël Tanter, Yves Ehrlacher, Francis Piasecki… Il y avait aussi Albert Gemmrich, avec qui je garde encore des rapports très affectueux. C’était le grand Strasbourg et c’est aussi ça qui a contribué au début de la construction de mon petit rêve : je voulais être Thierry Roland.

Pourquoi ? J’étais un dingue de sport. À l’époque, il n’y avait que trois chaînes et Téléfoot, c’était le soir. Je me battais pour le regarder, parfois en cachette, je ne ratais pas un tournoi de tennis… Et les gens que je regardais avec envie, c’était les journalistes de sport. Je ne loupais jamais Stade 2, par exemple. Impossible. J’étais tellement névrosé par le sport que le samedi soir, quand je ne pouvais pas écouter le multiplex parce que j’étais contraint d’accompagner mes parents à une soirée ou à un dîner, je l’enregistrais et je demandais à mon père de ne pas mettre la radio dans la voiture. Je le réécoutais dans les conditions du direct, le dimanche matin, vers 8h30, avec une cassette.

Être supporter, ça représentait quoi pour toi à cette époque ? J’ai pas mal bougé. On a été à Paris, j’ai vécu à Besançon, où j’ai suivi le club qui était à l’époque en D2 et où jouait notamment Bernard Lama… Je ne loupais pas un match, c’était surtout ça. Un moment qui a particulièrement marqué ma jeunesse, c’est par exemple l’Euro 1984, en France. Évidemment, je l’ai suivi à la télévision, mais la semaine de la finale, mon père était en stage à Paris. Du coup, je l’ai accompagné et le soir du match contre l’Espagne, je lui ai dit que plutôt que de regarder le match, je voulais sentir l’ambiance autour du Parc des Princes. Et là, par miracle, une dame s’est mise à crier à côté de moi : « J’ai deux places à vendre… » Elle les avait gagnées à un jeu radio et je lui ai donné cinquante francs.

Le France-RFA de 1982 ? J’avais quinze ans, j’étais en vacances dans le sud de l’Italie, dans un camping. J’ai regardé le match avec ma petite amie du moment, qui était allemande…

J’ai récupéré une place comme ça, qui était extrêmement bien placée, en tribune I, face à la présidentielle.

Cette semaine, La Chaîne L’Équipe a rediffusé le France-RFA de 1982. Comment as-tu vécu ce match ? J’avais quinze ans à l’époque et j’étais en vacances dans le sud de l’Italie, dans un camping. J’ai regardé le match avec ma petite amie du moment, qui était allemande. Je ne vais pas te cacher que c’est un moment où on n’était pas hyper d’accord, elle et moi… On était à Peschici, dans la caravane, je me souviens de tout. Je ne l’ai pas regardé cette semaine, mais je l’ai déjà revu. La dramaturgie est telle que je le vis encore comme si c’était un match en direct.

Tu es capable de pleurer pour du sport ? Pleurer, non. Je peux en revanche pleurer sur un moment sportif que je vis en tant que pratiquant. J’ai eu les larmes aux yeux quand j’ai fini mon premier marathon de New York. Après, je ne suis pas quelqu’un qui pleure beaucoup. Mais ça ne m’empêche pas de ressentir de grosses émotions : Galfione à Atlanta, Diagana à Athènes, la finale de la Coupe du monde 1998 où je suis sur la pelouse pour Europe 1, où il n’y a plus aucune barrière, où on garde l’antenne jusqu’au milieu de la nuit et où on peut interroger tout le monde… Ça, c’est des moments incroyables, mais un grand moment de vie professionnelle ne se traduit pas par des larmes.

Tu as décidé de donner ta fidélité au Stade Malherbe. Pourquoi ? C’est très simple : je suis arrivé à Caen,

Le Stade Malherbe avait une belle équipe et des joueurs charismatiques comme Gabi Calderón, Xavier Gravelaine, Stéphane Paille, Philippe Montanier… Philippe a, en plus, la particularité d’avoir été étudiant avec moi, en éducation physique, à la fac de Caen. Philippe avait l’option foot, moi j’étais en option natation.

j’ai fait mes études là-bas et j’ai commencé ma carrière de journaliste à Radio France dans la ville. Ensuite, j’ai été le correspondant d’Europe 1 à Caen. C’est au travers de tout ça que c’est né. Le Stade Malherbe avait une belle équipe, faisait partie des beaux outsiders du championnat, avait des joueurs charismatiques comme Gabi Calderón, Xavier Gravelaine, Stéphane Paille, Philippe Montanier… Philippe a, en plus, la particularité d’avoir été étudiant avec moi, en éducation physique, à la fac de Caen. J’ai toujours aimé ce club depuis. J’adorais le stade de Venoix, où on tapait sur les taules pour faire du bruit et où il y avait dix centimètres entre le poteau de corner et le premier supporter. Ce n’est pas pour rien que ce club est de l’autre côté de la Manche parce que c’était une ambiance, une atmosphère, quelque chose qui me rappelait beaucoup celle du championnat anglais, que j’ai beaucoup suivi à Eurosport, où en alternance avec Christophe Josse, j’allais commenter l’affiche du championnat d’Angleterre le lundi.

Tu n’as jamais joué ?J’ai toujours été un piètre joueur de foot, tout juste bon à courir longtemps et à mettre mon mètre quatre-vingt-onze de la tête en défense centrale. Philippe avait l’option foot, moi j’étais en option natation. J’essaie toujours de nager deux fois par semaine quand on n’est pas confinés.

Tu es parti un moment en Espagne pour être maître-nageur au Club Med. Tu en as profité pour voir un peu de foot là-bas aussi ?Non, je n’en avais pas la possibilité parce que j’étais du côté de Marbella et parce que quand t’es au Club Med, tu n’as pas beaucoup de temps… En revanche, il y avait beaucoup de joueurs qui venaient. Je me souviens d’une semaine avec Michel Bibard, d’une autre avec Lobo Carrasco, Philippe Jeannol était venu aussi…

Aujourd’hui encore, tu restes un grand fan du Stade Malherbe. Comment tu suis les matchs pendant les tournages ?Généralement, avec le site de L’Équipe. J’ai aussi une forte relation d’amitié avec Jean-François Fortin, un homme valeureux qui dirigeait ce club de manière affective et paternaliste, mais aussi avec beaucoup de mesure et de talent. Je regrette beaucoup qu’il soit parti et on peut dire ce qu’on veut, mais depuis qu’il n’est plus en poste, le Stade Malherbe ne va pas bien. Jean-François avait une qualité que les dirigeants actuels n’ont pas forcément : il connaissait parfaitement le football. Je ne dis pas que les nouveaux dirigeants ne sont pas bons, mais ils n’ont pas la même expérience. Ils étaient peut-être dans l’aréopage du club, mais ils n’étaient pas au contact direct du terrain. C’est comme à Lyon : quand Aulas se mêle de quelque chose, ce n’est pas la même chose que si c’était un lambda que les gens ne connaissent pas ou peu… Aujourd’hui, je regrette les belles années. Je suis persuadé qu’on a un club pour être régulièrement septième ou huitième de Ligue 1, qui va de temps en temps être quatorzième et peut, de temps en temps, accrocher une place européenne. Le Stade Malherbe, pour moi, c’est ça.

C’est quoi ta relation avec les joueurs ? Je n’ai plus trop le temps d’y aller énormément et j’étais plus pote avec Caveglia, Xavier Gravelaine, pour qui j’avais une profonde admiration en tant que joueur, et je pense que ma relation en matière d’affect avec les joueurs s’est arrêtée à Nicolas Seube. J’ai une sincère admiration pour lui, j’ai toujours aimé les joueurs capables de faire toute leur carrière dans un seul club, et c’est un vrai gentleman de la vie.

On veut créer une bulle Koh-Lanta et il y a donc une interdiction formelle aux équipes techniques de donner les résultats des matchs de foot aux aventuriers. Ils nous le demandent, mais on ne dit rien. Je me souviens notamment de la remontada… Certains aventuriers me disaient : « Je suis sûr, on est qualifiés, ça doit être génial. » Mais je suis une véritable tombe…

D’ailleurs, j’ai chez moi le maillot de son 500e match avec Malherbe et je l’emmène quand il y a un gros match. Quand je suis en tournage et qu’il y a une belle affiche, je me balade avec.

Ça parle de foot un petit peu entre aventuriers sur Koh-Lanta ?
Ce qui est drôle, c’est qu’il y a évidemment des personnes qui aiment le foot et le sport en général et qui savent très bien au début de l’aventure que quelques jours plus tard, il y a un gros match de leur club en Ligue des champions. Ils essaient de me tirer les vers du nez, mais je donne la consigne absolue que tout soit hermétique. On veut créer une bulle Koh-Lanta et il y a donc une interdiction formelle aux équipes techniques de donner les résultats. Ils nous le demandent, mais on ne dit rien. Je me souviens notamment de la remontada… Certains aventuriers me disaient : « Je suis sûr, on est qualifiés, ça doit être génial. » Mais je suis une véritable tombe, je ne dis rien, sauf quand les candidats sortent.

En revanche, tu as eu le droit de donner un collier d’immunité à Adil Rami. Ça, c’est l’histoire incroyable que l’on a pu vivre avec Koh-Lanta. Un dimanche, je suis tranquille à la maison, il y a Téléfoot, et Adil Rami est en duplex. Adil est quelqu’un avec qui j’entretiens de très bonnes relations depuis quelques années. Et là, en direct, il dit : « Denis Brogniart n’est pas avec vous ? On aurait bien besoin d’un collier d’immunité pour la Coupe du monde ! » Lorsque j’ai vu que ça s’emballait sur les réseaux sociaux, j’ai donné à Fred’ Calenge un collier. Pas un collier bidon hein, un vrai collier d’immunité de Koh-Lanta et on s’était dit que si la France se qualifiait pour les quarts de finale, on demanderait à Adil de venir en position d’interview et on lui remettrait solennellement le collier en direct.

J’ai dit à Adil (Rami) de venir récupérer le collier d’immunité que je lui avais promis lors d’une émission spéciale. Pour la petite histoire, il a faussé compagnie aux autres alors que l’équipe était en train de dîner chez Emmanuel Macron…

Ce qui est génial, c’est qu’il vient, qu’on a une discussion et que je lui dis : « Adil, si vous êtes champions du monde, je te file un totem ! » Je n’ai jamais fait ça, je n’en ai jamais donné un, je les ai quasiment tous depuis le début. C’est le symbole de Koh-Lanta et je sais que si j’en donne un, je vais devoir en donner 100. Mais là, je ne sais pas pourquoi, c’est sorti… Vous connaissez l’histoire ensuite, et j’ai dit à Adil de venir le récupérer lors d’une émission spéciale. Pour la petite histoire, il a faussé compagnie aux autres alors que l’équipe était en train de dîner chez Emmanuel Macron. En remerciement, après l’émission, Adil m’a offert le maillot de la finale. Je ne suis pas fétichiste, mais il est religieusement rangé, il ne sortira jamais de ma maison. Ce qui est drôle, c’est qu’il me l’a donné comme un gamin qui sort un maillot d’un sac de sport, il l’avait rangé dans un sac plastique, encore tout mouillé.


Tu penses que ça pourrait être un bon aventurier, Adil ? Il le sera peut-être un jour. Il y a plein de joueurs qui sont dingues de Koh-Lanta. Un jour, j’en ai parlé avec Thierry Henry. Je sais aussi que Franck Ribéry adore, que Grégory Coupet ne manquait jamais un épisode… Zizou aussi est fan, il m’avait fait l’honneur d’écrire la préface de mon livre pour les dix ans de Koh-Lanta. À chaque fois qu’on se voit, on parle de Koh-Lanta. C’est une émission qui motive les sportifs. En ce moment, Evan Fournier et Thibaut Pinot en parlent pas mal, Nando de Colo m’a envoyé ce matin une photo de ses neveux et nièces qui sont sur des poteaux dans le jardin de sa sœur… Adil, il aurait pu être bon parce qu’il est drôle, parce que je pense que c’est un gros malin, mais en revanche, je pense que comme tous les sportifs, il aurait galéré sur la bouffe. Lizarazu me dit toujours qu’il est partant pour faire Koh-Lanta si je lui donne une côte de bœuf chaque soir.

En 2010, Frank Lebœuf a participé à l’émission et a été éliminé au deuxième épisode. C’était ça son problème, la bouffe ? Oui, il avait des difficultés avec la nourriture. Il me faisait marrer. Après, il avait eu un problème quelques semaines avant puisqu’il s’était fait rentrer dedans en voiture et avait quelques douleurs au dos. Ça l’avait pénalisé. Je me souviens surtout qu’il s’était totalement épilé le torse, il était magnifique.

Si y a quelqu’un qui serait très fort à Koh-Lanta, c’est Deschamps. Il a tout : il serait malin pour organiser l’équipe, il serait super fort dans les épreuves, il ne dirait jamais qu’il est fatigué, il maîtrise la stratégie, c’est un leader naturel…

On est restés très en contact depuis avec Frank. C’est quelqu’un pour qui j’ai un grand respect. Je pense qu’il y a très peu de personnes dans l’histoire du foot français qui peuvent mettre en avant un parcours comme celui de Frank. Il était semi-pro, puis il devient pro, puis il va jouer à Chelsea, puis il est la cinquième roue en équipe de France et l’histoire veut qu’à la suite de l’expulsion de Blanc, il se retrouve à jouer une finale de Coupe du monde. Et il la joue bien !

Il y a des joueurs que tu verrais bien faire l’aventure ? S’il y a quelqu’un qui serait très fort, c’est Deschamps. On rigole de temps en temps là-dessus, mais il a tout : il serait malin pour organiser l’équipe, il serait super fort dans les épreuves, il ne dirait jamais qu’il est fatigué, il maîtrise la stratégie, c’est un leader naturel… Même encore aujourd’hui, du premier au dernier jour, il faudrait se méfier de lui. Il a toutes les qualités pour briller.

Tu es arbitre depuis le début de l’émission. Tu t’es inspiré de la gestuelle des hommes au sifflet ? Non, je préfère qu’on m’imite plutôt que d’imiter quelqu’un. J’essaie d’être le plus naturel possible, et le seul point commun avec un arbitre de foot, c’est l’impartialité. Je leur dis dès le départ : j’en ai rien à foutre de savoir qui va gagner, si c’est un homme, une femme, un jeune, un moins jeune, un Parisien, un provincial, un mec du Sud, de l’Est, du Nord… Je m’en fiche. J’ai toujours détesté l’injustice dans le monde du sport et je suis intransigeant sur l’impartialité. Je ne donnerai jamais aucun avantage et je ne l’ai jamais fait.

Quand tu lis que la prod’ a volontairement filé un collier à un aventurier ou à un aventurière, ça t’embête ? Non, parce que je sais que ce n’est pas la réalité.

Il me semble qu’une année, certains avaient réussi à créer un ballon avec des cordes et de la paille. C’était peut-être l’année d’Alban, qui est un psychopathe de l’Olympique lyonnais.

Ça m’embêterait si c’était la réalité. Nous, on veut juste qu’il y ait le plus d’histoires possibles et on construit ces histoires en amont, en faisant des épreuves, en faisant des surprises, en faisant des éliminations directes… Mais les colliers, on en met régulièrement, pour que ça puisse donner un ressort supplémentaire. Juste, certains aventuriers cherchent plus longtemps et ont donc statistiquement plus de chances d’en trouver un. Tu as plus de chances de trouver un collier quand tu passes quatre heures en forêt que quand tu restes le cul posé sur la plage.

Est-ce que pour tuer l’ennui, certains candidats ont déjà réussi à se fabriquer un ballon pour jouer sur le camp ? Je crois que oui. Il me semble qu’une année, certains avaient réussi à créer un ballon avec des cordes et de la paille. C’était peut-être l’année d’Alban, qui est un psychopathe de l’Olympique lyonnais.

Tu penses que tu aurais pu résister à une telle aventure, toi ? Le seul rôle qui m’assure de revenir tous les ans pendant quarante jours, c’est le mien et je ne l’échange contre aucune autre place. Après, si j’étais un anonyme, c’est peut-être la seule émission avec Pékin Express à laquelle j’aurais aimé participer. J’aurais aimé me mesurer à une telle aventure, oui.

Dans cet article :
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Dans cet article :

Propos recueillis par Maxime Brigand

Crédit photo : Philippe Leroux (ALP/TF1).

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