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David Fairclough : « Saint-Étienne a été le match qui a lancé la réputation d’Anfield »

Propos recueillis par Antoine Billa
6 minutes
David Fairclough : « Saint-Étienne a été le match qui a lancé la réputation d’Anfield »

Il y a 45 ans, le quart de finale de C1 entre Liverpool et Saint-Étienne est entré dans l’histoire des Reds. Menant 2-1 face aux Verts, il manquait un but pour assurer aux hommes de Bob Paisley une place dans le dernier carré de la compétition. Ce but, il fut offert au Kop par David Fairclough, à six minutes du terme de la rencontre. À quelques heures du quart de finale retour contre Benfica, Super Sub, 65 ans, revient sur son but mythique et compare « son » Liverpool à celui de Jürgen Klopp.

Salut David ! Peux-tu nous resituer ce que représentait Saint-Étienne en 1977 ?Nous savions que c’était une bonne formation. Nous les connaissions pour les avoir vus jouer la finale de C1 la saison précédente face au Bayern. Les noms de Larqué, Janvion et Rocheteau ne nous étaient donc pas inconnus. D’ailleurs, Saint-Étienne était au-dessus lors du match aller (gagné 1-0 par les Verts, NDLR). Mais étonnement, nous étions confiants pour la manche retour. Personne ne se sentait en danger dans l’équipe.

Pourquoi ?Parce que nous ne nous sentions pas inférieurs à eux. Et puis, à l’époque, Liverpool n’était pas encore vu comme une réelle puissance en Europe. Nous étions vainqueurs de la Coupe de l’UEFA en titre et toujours en lice pour remporter un deuxième championnat de suite. Mais on nous voyait plutôt comme une force émergente de la scène européenne. Peut-être que Saint-Étienne nous a donc pris un peu de haut.

Et puis, il y avait Anfield pour vous pousser…Oui, mais je dois t’avouer que nous ne pensions pas connaître une telle ambiance. On pointe souvent le match contre l’Inter en 1965 comme premier match de référence à Anfield en matière d’atmosphère. Mais ce que nous avons vécu contre Saint-Étienne, c’était du jamais-vu. On ne pensait pas que l’ambiance ferait une telle différence. Il y avait plus de drapeaux, plus de bruit. L’énergie venue des tribunes a été un vrai plus, on avait un réel douzième homme. Je pense, et je ne suis pas le seul, que Saint-Étienne a été le match qui a lancé la réputation d’Anfield. J’en ai des frissons rien que d’y repenser. Cette nuit-là, Anfield s’est élevé à un autre niveau.

Le coach m’a juste dit : « Va sur le terrain, cours et essaye de traîner où il faut ! » Ça a plutôt bien marché.

Le scénario du match a joué en cette faveur également ?C’est vrai. Kevin (Keegan) marque très rapidement, l’atmosphère est donc devenue folle. Le match s’est ensuite tendu, et je me souviens me dire sur le banc des remplaçants : « Je ne veux pas entrer sur le terrain. » Saint-Étienne a failli égaliser deux fois, mais Clemence a sorti deux arrêts de grande classe. On pensait que le score ne bougerait plus et qu’on irait jusqu’aux tirs au but, mais Saint-Étienne a recollé au score en début de deuxième mi-temps.

Qu’est-ce que tu t’es dit après ce but de Dominique Bathenay ?Tout le stade s’est dit que c’était terminé. On devait inscrire deux buts supplémentaires à cette excellente équipe. Heureusement, Ray Kennedy nous a relancés très rapidement. À ce moment-là, j’ai voulu rentrer.

Mais tu as dû prendre ton mal en patience…Oui. Cela faisait pourtant quelques minutes que je m’échauffais, mais Bob Paisley a préféré attendre. Il voulait voir comment le match allait évoluer, voir si les choses allaient s’enflammer. Mais la rencontre s’est aplatie. Le jeu se résumait à des longs ballons, facilement négociés par la défense de Saint-Étienne.

Quand tu fais ton entrée, à un quart d’heure du terme, quelles sont les consignes de Bob Paisley ?Aucune ! Il m’a juste dit : « Va sur le terrain, cours et essaye de traîner où il faut » ! Ça a plutôt bien marché.

Chaque année, je reçois des messages de « Happy Saint-Étienne’s Day » à la date du match retour. C’est incroyable !

Parle-nous de ce but que tu inscris à la 84e minute.
Je traînais autour de la surface, j’attendais une opportunité. Rien ne se construisait vraiment. Saint-Étienne attendait. Puis, une balle tombe dans les pieds de Ray Kennedy et, au lieu de contrôler le ballon et faire tourner, il reprend le cuir en un temps et le fait sauter dans le dos de la défense, en espérant que je sois aux aguets. Je le sentais, car c’était déjà arrivé auparavant avec lui. Grâce à ma vitesse, je prends le contrôle du ballon sur la gauche et je tente de revenir un maximum dans l’axe du but. Je voyais le Kop en face de moi. Le défenseur qui me marquait tente de me déstabiliser, on se bouscule, mais je parviens à rester en possession du ballon. Au moment où Ćurković sort, je me souviens me dire : « Cadre ton tir et n’essaye pas de faire le malin. » J’ai frappé à ras de terre et ça a marché. Tu n’es jamais préparé à ce type de situation. Tu dois être calme, c’est tout.

C’est ce but qui t’a valu le surnom de Super Sub ?Oui et non, on va plutôt dire qu’il a contribué à ma réputation. Mais ce surnom, je l’avais déjà depuis un certain temps, car j’avais déjà marqué plusieurs fois en entrant en cours de match. Au moment du but, le commentateur anglais du match a d’ailleurs dit : « Super Sub strikes again » (« Super Sub marque encore » en VF). Cette phrase est désormais liée à mon histoire et celle du club. Il n’y a pas une semaine sans qu’on ne me parle de ce but et de cette réplique du commentateur.

Faut-il considérer cette victoire comme un tournant dans l’histoire du club ?Absolument ! Chaque année, je reçois des messages de « Happy Saint-Étienne’s Day » à la date du match retour. C’est incroyable ! Éliminer une telle équipe nous a fait grandir. On a réalisé qu’en éliminant une top équipe, on pouvait aller au bout. Nous avons gagné en confiance à un moment clé de la saison avec un effectif qui mélangeait des joueurs des années 1960 et des gars de la nouvelle génération des 70s. On s’est dit : « On peut le faire. »

Je ne veux pas être méchant, mais je pense que notre Liverpool était un cran au-dessus de celui d’aujourd’hui.

En 1977, vous réussissez le doublé championnat-C1. En 2022, après avoir gagné la League Cup en février, Liverpool est actuellement toujours en lice en Ligue des champions, en Premier League et en FA Cup. Quelles comparaisons peux-tu faire avec le Liverpool de Klopp ?Je ne veux pas être méchant, mais je pense que notre Liverpool était un cran au-dessus de celui d’aujourd’hui. Pourquoi ? Car nous étions plus consistants. L’équipe d’aujourd’hui a ses hauts et ses bas et n’a sans doute pas le caractère que nous avions dans les années 1970. On ne fait plus des gars comme Clemence, Hugues, Smith, Callaghan, Neal ou Keegan. Ces personnalités étaient une force.

Tu ne vois donc pas Liverpool réaliser le quadruplé ?Ce serait fantastique, mais je trouve que ça manque parfois de régularité dans les performances, même si leur forme actuelle est excellente. Mais les fans y croient. Ils veulent la Premier League d’abord, la Ligue des champions ensuite. Je pense que cette équipe a plus de chance de triompher en Europe. Je les vois même favoris. Mais pour réaliser le quadruplé, il faudra encore élever le niveau. Je peux paraître défaitiste, mais c’est ce que me dit ma tête, pas mon cœur.

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Les notes de Sainté-Marseille
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