Gardien du sourire
Des innombrables souvenirs que suscite le septennat du portier croate à l'AS Monaco, deux résumeraient sans doute symboliquement tous les autres. D'abord, ce sourire qu'il a offert, au bout d'une saison qui n'aurait pu être que tristesse. Ce sourire de soulagement et de liberté, aussi fou qu'enfantin quand, à l'ultime journée de la saison 2011-2012, se rêvant en Rogerio Ceni ou José Luis Chilavert des bas-fonds de la Ligue 2, il est allé chercher le ballon, l'a placé à neuf mètres du mur, puis, presque nonchalamment, au fond des filets du gardien adverse contre Boulogne-sur-mer, au stade... de La Libération.
Vidéo
La survie dans l'enfer de la Ligue 2 était déjà acquise depuis bien longtemps, mais c'était là un retour aux joies simples, à l'innocence après la peur. Et puis il y a le jour, tout aussi glorieux que symbolique cette-fois ci, où il a évité les larmes et offert un printemps européen à un club qui avait bien cru ne plus jamais en revoir. C'était au stade Louis-II, en mars 2015, à une dizaine de minutes du terme d'un huitième de finale retour étouffant. Olivier Giroud a sans doute cru alors offrir le but de la qualification aux Gunners. Tout le stade a d'ailleurs cru que le ballon allait rentrer, qu'il était peut-être rentré, même. Mais non, il y avait Suba, son aura et son style improbable, qui ont par moment fait de lui un gardien aussi fantastique que fantasque.

Dans la légende
Par moment seulement, car ce ne serait pas lui rendre hommage que de raconter des fables. Subašić n'a jamais été un très grand gardien. Cela se voyait dès la Ligue 2. Cela se voyait quand il restait figé sur sa ligne ou quand il partait à l'abordage. Cela se voyait souvent. Mais, à défaut d'être toujours irréprochable, il avait son style, le vrai, celui qu'on ne peut dupliquer et qui façonne les gardiens qu'on aime. Celui qui lui a fait tutoyer le record de Gaëtan Huard, celui qui l'a fait devenir champion de France et qui l'a emmené jusqu'en finale de Coupe du monde. Maladroit comme un panda, malin comme un chat, c'était ça, Suba : un gardien attachant qui a grandi d'un même élan que son club. Un club qui s'est pourtant toujours évertué à lui mettre des concurrents dans les pattes, sans que ça ne lui fasse perdre l'équilibre. « Je n'ai pas peur de perdre ma place ici. Le foot se joue dans la tête et je l'ai compris » , assénait-il fièrement. Il a fini par la perdre un jour, comme tout le monde. Mais le foot se joue aussi dans les cœurs et, à l'image de Jean-Luc Ettori ou de Flavio Roma, il sera difficile de l'enlever de celui des supporters monégasques. Les mêmes à qui ce paradoxe ganté aura sans doute fait dire les mauvais jours : « Ce mec est vraiment gardien de but ? » Et pour l'éternité : « Ce mec est vraiment des nôtres. »

Par Chris Diamantaire
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