Ce week-end, tu as offert les trois points de la victoire à ton équipe face au SV Wehen Wiesbaden. Comment as-tu vécu ce moment ?
Ce n’était pas n’importe quel but. C’était le plus beau moment de ma carrière. Je ne pouvais pas rêver mieux pour mon retour. Honnêtement, c’était indescriptible.
Tu reviens de loin. Tu as des souvenirs des deux fois où tu t’es évanoui ?
C’est quelque chose que je n’oublierai jamais. J’y pense d’ailleurs chaque jour. Le 20 juillet 2013, on joue contre Erfurt lors de la 1re journée de championnat de 3.Liga. En seconde mi-temps, j’ai été pris de vertiges, puis je ne voyais plus rien. Je me suis évanoui. Puis je me suis relevé, j’ai pensé – et je n’étais pas le seul, d’ailleurs – que c’était un coup de soleil. Mais le coach m’a sorti, il trouvait que quelque chose clochait. On m’examine, rien à signaler. Je reprends l’entraînement, tout se passe bien. Trois semaines plus tard, le 10 août, il m’arrive la même chose, face au Holstein Kiel. Là, j’ai commencé à m’inquiéter. J’ai fait des examens plus poussés, et là, le médecin m’a dit que je faisais de l’arythmie. Mon cœur ne battait pas normalement. Il m’a dit que le football, c’était fini pour moi.
Que s’est-il passé ensuite ?
J’étais brisé. Jouer au football, c’est mon rêve, et là, tout devait s’arrêter. J’étais vraiment mal. J’ai subi quatre opérations au cœur. À un moment, je me suis dit que j’allais y passer.
Finalement, tu t’en es bien sorti, et aujourd’hui, tu portes un défibrillateur.
Oui. Je ne voulais pas abandonner. Aujourd’hui, je sais que ça comporte des risques, la peur est toujours présente. Mais quand je vais à l’entraînement et que je vois que tout se passe bien, ça me soulage un petit peu plus tous les jours. J’ai été beaucoup soutenu, notamment par mon ex, qui était infirmière. Elle a beaucoup fait pour moi.
Ça va, ça ne te dérange pas trop au quotidien ?
Je m’y habitue. C’est vrai que c’est pas pratique, mais jour après jour, je reconnais que c’est quelque chose qui fait partie de moi maintenant. À l’entraînement, ça ne me gêne pas trop : j’arrive à faire des amortis poitrine. Il y a juste ce truc qui se passe tous les soirs à 23h : le défibrillateur stimule mon cœur, ça fait un peu comme s’il le ralentissait. C’est un peu flippant, je reste assis sur une chaise pour être à l’aise, mais à ça aussi, je commence à m’habituer.
Est-ce qu’il y a beaucoup de choses qui ont changé depuis que tu es revenu à l’entraînement en juin dernier ?
Au début, je me suis entraîné un peu tout seul. Ensuite, je suis revenu dans le groupe. D’un côté, tout le monde n’arrêtait pas de me poser des questions, tout le monde s’était inquiété pour moi. Ça m’a fait chaud au cœur. Et quand je suis revenu dans le groupe, c’était de nouveau normal. Je m’entraînais avec les autres normalement. Ils ne m’ont pas fait de cadeaux, notamment dans les duels. Et tant mieux d’ailleurs : s’ils avaient été plus attentionnés envers moi sur le terrain, je ne l’aurais pas supporté.
Tu as joué à l’Alemannia Aachen, à Bochum, au Bayer Leverkusen. Aujourd’hui, tu es en 3e division. Avec ce qu’il t’est arrivé, tu as revu tes ambitions à la baisse un peu ou pas ?
Absolument pas. J’ai toujours envie de montrer à toutes et à tous ce que je sais faire. Je suis toujours aussi ambitieux. Mais on va y aller doucement : mon prochain objectif, c’est de me remettre en forme et de pouvoir jouer un match entier.
Au pire, si tu restes remplaçant et que tu n’entres qu’en fin de match comme le week-end dernier, tu pourras toujours demander à Ole Gunnar Solskjær comment on fait pour devenir « Super Sub » …
(il rit) Ouais ! Si je le croise un jour, je lui demanderai !
Quel a été le plus beau moment pour toi ? Celui où tu as compris que tu restais en vie, celui où tu as repris ta carrière pro ou celui où tu as marqué ton but décisif ?
Honnêtement, mon but, c’est ce qui m’est arrivé de plus beau.
Tu viens de Cologne. Tu es fan du 1.FC Köln ?
Oui.
T’as regardé le match samedi après-midi (Cologne s’est incliné à la dernière minute 2-1 à domicile face à Augsburg, ndlr) ?
(il rit) Non, non, mais on m’en a parlé. Ça me fait chier, mais je ne suis pas un fan ultime non plus. Je ne regarde pas tous les matchs, j’ai assez de football comme ça dans ma vie. Mais j’aimerais ajouter une chose : à la base, je suis fan du « FC » , mais entre-temps, je suis aussi devenu fan des Stuttgarter Kickers. Les supporters, le club, le coach ont été formidables avec moi, je ne l’oublierai jamais.
Après avoir marqué le but de la victoire, tu as pleuré en fin de rencontre. La prochaine fois, tu feras une célébration « cœur avec les doigts » ?
(il rit) C’est sûr que c’est une célébration qui pourrait m’aller. Mais à vrai dire, je ne sais pas, je n’y ai pas encore réfléchi.
Pardon d’avoir douté, Rayan Cherki