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  • 16 janvier 1999
  • 20 ans du lancement d'OM TV

C’était OMTV

Par Eric Carpentier
C’était OMTV

« Tout feu, tout foot » : sur ce slogan imparable s'allume OM TV, le 16 janvier 1999. Rencontre des forces d'une époque, les débuts de la première chaîne de club en France racontent l'OM, le football français et l'entrée dans un nouveau siècle.

Comment résister ? « Sur OM TV, les parties de jambes en l’air, c’est pas le journal du hard » , promet la réclame. « Sur OM TV, quand les virages s’apostrophent, c’est pas une émission littéraire » , rassure une autre. Forcément, avec de tels arguments, ils sont nombreux à avoir investi 420 francs dans un abonnement annuel. Et ce samedi 16 janvier 1999, ils voient enfin leur curiosité récompensée : OM TV vient d’émettre le tout premier signal de son histoire. Un plateau à Marseille, un duplex à Rennes, stade de la route de Lorient. Dans deux heures, Titi Camara répondra à Dominique Arribagé pour laisser l’OM trois points devant Bordeaux, en tête de la Division 1.

Mais l’événement du jour se joue bien derrière les caméras : ce soir-là, l’Olympique de Marseille lance la première chaîne de club de France, quatre mois après Manchester United TV, pionnière mondiale, et six ans avant OL TV. Une nouveauté accessible uniquement via Canalsatellite, le réseau du propriétaire du PSG, qui attirera jusqu’à plus d’un million de téléspectateurs. Mais aussi une aventure au parfum de belle époque pour la télévision, et l’histoire d’une adolescence mouvementée pour l’ensemble du football français. Magnéto, promis sans Serge Khalfon.

FIP, Pietragalla et JPP

« Imaginez que la veille, rien n’est prêt. Le studio n’est pas terminé, on n’est pas sûr des liaisons, on a un duplex à faire. Et on a une pression énorme, parce qu’avant de démarrer la chaîne, on est déjà à plus de 10 000 abonnés. Un truc de fou ! » Pour Michel Hamousin, le 16 janvier 1999, « c’est hier matin » : alors directeur d’OM TV, il planche depuis plusieurs mois sur le projet. Et débarque en grande pompe… « avec une équipe de premiers emplois, 22-23 ans max. Aujourd’hui, on appellerait ça une start-up ! » À Rennes, il n’y a qu’un journaliste reporter d’images, l’inamovible Patrick Bossy, accompagné de Marcel Dib en consultant.

Dans les studios de Saint-Barnabé, autour du présentateur Christophe Champy, la sélection est plus étoffée : le maire Gaudin, le parrain Papin, la danseuse Pietragalla ou la compagne Eva Bravo garnissent un plateau scruté par Jean-Michel Roussier (président délégué du club, à l’origine d’OM TV), Alain Roseghini (rédacteur en chef de la chaîne pendant les six premiers mois), Michel Hamousin et les techniciens. Sans oublier Nathalie Boisgallais, ex-FIPette et éphémère voix de velours d’OM TV entre deux génériques signés Kheops. Une heure de programme, pas plus. Mais un casting local à la hauteur de « cette excitation de la télé des années 1980-1990, quand on avait l’impression de faire le plus beau métier du monde » , dixit Hamousin. Le directeur est venu tout droit de Canal+, la maison-mère. Il s’empressera de quitter le milieu du foot après son escapade marseillaise.

Club Europe TV

Mais d’abord, l’aventure. Celle d’OM TV recoupe toute une page plus ou moins glorieuse du football français. Depuis son fol été, le pays est amoureux de ses champions black-blanc-beur. À Marseille, l’ère Dreyfus a débuté deux ans plus tôt et, en 1999, l’OM célèbre son centenaire avec trois champions du monde dans ses rangs. Les confessions de Dugarry, le vin de Blanc et la fragilité de Pirès dans Les Yeus dans les Bleus achèvent de convaincre les décideurs : il faut donner de la matière aux supporters, et il n’y a qu’à Marseille que l’expérience peut être tentée.

Une histoire de passion ? Un peu. Une stratégie financière, surtout, sur fond de guerre du foot entre TPS et Canal+. « Dès le début, on a monté le dossier avec mon ami Pierre Lescure (fondateur et PDG de Canal de 1994 à 2002, N.D.L.R.) dans une idée de mutualisation » , détaille Jean-Michel Roussier, aujourd’hui président de l’AS Nancy-Lorraine : « On lance une chaîne à Marseille, Paris lance, d’autres suivent et on s’associe pour créer une chaîne commune. » En filigrane se dessine le Club Europe initié par Jean-Claude Darmon, incontournable affairiste du football français de l’époque. Soit un groupement de six clubs (PSG, OM, Lyon, Monaco, Bordeaux et Lens) signant un contrat de priorité de diffusion avec Canal pour le jour où les clubs récupéreraient la gestion individuelle de leurs droits audiovisuels. Cela n’arrivera jamais, mais, entre 1999 et 2003, 160 millions d’euros sont versés par la chaîne cryptée au Club Europe en échange de droits virtuels. De quoi arroser le lancement d’OM TV, chapeautée par Canal.

Esprit de famille, esprit Canal

Arrivée Bernardi à OM TV, Rebecca en ressortira Berard près de 20 ans plus tard, du nom de son ingénieur du son de mari, rencontré dans l’équipe. À l’époque, elle est une jeune fille de 22 ans trimbalant une expérience proche du néant. « J’ai commencé une semaine après le lancement, pour un match à Bordeaux (défaite 4-1), remet-elle. Je suis à Marseille, on me passe un cadreur qui est sur place pour lancer le duplex. Sauf que pour moi, un duplex, c’est un appartement. Je n’y connaissais rien, quoi ! » Le cameraman en question est Patrick Bossy, toujours aux manettes du 12e hoOMe aujourd’hui : « Un vrai supporter, du genre à porter la nuque longue et le T-shirt bleu et blanc quand il était jeune ! (Rires.) »

Rebecca Berard, qui a quitté OM TV en mars 2018, avoue qu’encore aujourd’hui, elle ne reconnaîtrait pas un joueur de l’OM d’un livreur Chronopost. Mais ce n’est pas le plus important : « Au début, ce n’était pas du tout structuré, on n’avait pas d’objectif particulier. On était juste contents de faire cette télé, élevés par les gens de Canal, dans une alchimie formidable. On vivait ensemble, c’était notre famille. » Une tribu aux influences multiples, caractéristiques de l’OM TV d’alors : quelques professionnels venus de Paris, des jeunes parés pour l’aventure, des passionnés du club. Et des journalistes ?

La question se pose forcément quant à la ligne éditoriale d’une chaîne officielle. Mais sur ce point, les réponses divergent. Pour Jean-Michel Roussier, la chose est entendue : il est président du directoire du club et président de la chaîne, « donc si je dis qu’on est la Pravda, on est la Pravda ! (publication officielle du Parti communiste à l’époque soviétique, N.D.L.R.) » Christophe Champy, qui a ouvert la chaîne le 16 janvier 1999 après qu’un « copain » – Eric Roy – l’a prévenu d’un projet en cours de montage, a une vision plus ouverte : « Roussier était complètement dans l’esprit Canal, il a poussé le recrutement de journalistes. Donc on n’était pas là pour taper sur le club, mais on invitait d’autres médias, L’Équipe, La Provence, La Marseillaise et caetera, et il y avait une vraie liberté de parole. »

Celui qui était passé par Radio France et son réseau de locales est rejoint par son directeur d’alors, Michel Hamousin : « Il y avait un clair choix de faire du journalisme. D’autres moments étaient plus complaisants, quand on faisait des portraits de joueurs par exemple, mais sur le management des équipes, il y a eu des émissions assez fortes animées par Champy ou Blardone. » Guillaume Blardone, autre présentateur historique de la chaîne, arrivé à l’été 1999. Soit le moment où Jean-Michel Roussier cède sa place de président délégué de l’OM. Soit, aussi, le début d’une relation mouvementée entre la chaîne et son club.

« Le foot rend fou. La télé rend fou. Marseille rend fou. »

Car avec le départ de Roussier, c’est un pilier d’OM TV qui s’en va et une distance nouvelle qui s’instaure entre le média et son club. Sans compter l’incontournable « environnement marseillais » dans ses plus grandes heures. Michel Hamousin : « Quand Marchand est viré (fin 2000, N.D.L.R.), il est remplacé dans un premier temps par Étienne Ceccaldi, avec une espèce de triumvirat constitué de Jean-Christophe Cano, Corinne Gensollen et Pierre Dubiton, qui va foutre un coup de tête à Ceccaldi. Et puis il y a Tapie en directeur sportif, qui voulait récupérer les images d’OM TV pour que son fils monte un site internet sur le foot. Ou Marc Fratani à la communication. Fratani, c’est le mec qui, pendant la campagne de Tapie pour la mairie de Marseille, avait pointé un flingue sur la tête de Jean-Edern Hallier, ce type qui menaçait de révéler l’existence de Mazarine Pingeot. Or Fratani devient directeur de la communication de l’OM ! Et nous, on évolue au milieu de tout ça. » Et le directeur de conclure : « Marseille rend fou. Le foot rend fou. La télé rend fou. Moi, j’ai cumulé les trois. Vous voyez l’idée ? »

Finalement, la tempête s’éloignera avec l’arrivée à la direction du club de l’ancien journaliste Christophe Bouchet, armé de sa volonté de faire d’OM TV un véritable organe de communication. Il rapatrie les locaux dans le nouveau centre Robert-Louis Dreyfus, place son épouse, Maguelone Hédon, à la tête de la chaîne. Hamousin s’en va, rapidement suivi par Blardone et Champy. Ce dernier, qui se souvient de rapports souvent compliqués avec le club, voire « abominables » avec Anigo et la frange marseillaise, remercie aujourd’hui le temps qui passe : « Maintenant, ce sont de bons souvenirs. Mais à l’époque, ouais, c’était assez stressant. » Même son de cloche chez Michel Hamousin, tandis que Jean-Michel Roussier y voit « une légende : c’est normal que tel ou tel directeur sportif voie d’un mauvais œil la présence d’une caméra dans un avion ou dans un vestiaire ! » Du côté de Rebecca Berard, les souvenirs d’alchimie entre collègues restent plus prégnants. Les deux faces d’une même médaille, l’intérieur et l’extérieur.

Jacques Weber et l’industrie du foot

Le 31 août 2018, OM TV a cessé d’émettre en tant que télévision. Ils ne sont plus que trois, parmi la quinzaine des débuts, à officier dans le pôle OM Médias qui enverra son duplex depuis Geoffroy-Guichard, ce mercredi 16 janvier 2019. Une histoire de coûts, de modes de consommation et de réseaux sociaux, mais pas seulement. Une histoire de communication, aussi. Lors du lancement, en 1999, le rédac’ chef Alain Roseghini déclarait à L’Humanité qu’ « interroger le mec à la sortie du vestiaire comme on le faisait il y a vingt ans, ce n’est plus possible » .

Deux décennies plus tard, tous questionnent le rapport entre lissage de la communication et enjeux financiers. Peut-être faut-il aller chercher dans les à-côtés du foot, propose un Jean-Michel Roussier que l’on retrouvera dans les lancements de Onzéo et CFoot. Et de plonger dans une anecdote d’il y a vingt ans : « On invitait régulièrement ce comédien très plantureux, un Cyrano de Bergerac, un comédien de théâtre… Jacques Weber ! Un soir, il est sur un deuxième plateau, une petite virgule dans l’émission. Le plateau principal est piloté par Champy, Eva Bravo est là, c’est souvent elle qui interviewait. Champy attaque, passe sur le plateau avec Weber et là… Weber s’était endormi. Rien, silence total ! » À croire que l’acteur préfèrait les émissions littéraires. Ou le journal du hard.

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Par Eric Carpentier

Tous propos recueillis par EC, sauf ceux de AR tirés de L'Humanité

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