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Cyril Jeunechamp : « J’essaie d’inculquer des valeurs de respect »

Propos recueillis par Thomas Andrei
9 minutes
Cyril Jeunechamp : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J’essaie d’inculquer des valeurs de respect<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Aujourd’hui éducateur des U17 de Castelnau le Crès, dans l’Hérault, Cyril Jeunechamp se tient à l’écart des problèmes. Loin, donc, de son palmarès de 20 cartons rouges, 130 jaunes et une suspension de six mois pour altercation avec un journaliste de L’Équipe. Cyril « les crampons » revient sur ses embrouilles avec Francis Llacer, Fred Meyrieu ou Frédéric Antonetti. Interview les deux pieds en avant, saupoudrée d’amour.

Salut Cyril. Tu peux me parler de ton enfance, tes parents faisaient quoi ?Moi, je suis fils d’ouvrier. Mon père était dans la maçonnerie, il a fait notre maison. Ma mère travaillait dans un centre pour enfants handicapés. D’abord elle était femme de ménage, ensuite elle a passé ses diplômes pour être cuisinière. Une vie classique. On a toujours habité dans les petits villages autour de Nîmes : Vauvert, Uchaud, Bernis. Les parents travaillaient de 8h du matin à 17h. Alors, avec mon frère et ma sœur, on s’est souvent gérés tous les trois. J’étais le plus petit. Ça forge aussi un caractère et un état d’esprit. On mûrit plus vite que les autres.

Tu dresses un bilan idyllique de ton passage en Corse, mais tu es parti au bout d’un an et demi. Pourquoi ?Ça a été clair. Il y avait Nouzaret et puis il y a eu Gili. Au début, ça se passait nickel. Mais en fait, il voulait Laurent Batlles, qui était à Rennes. Avec moi, ça avait un peu clashé. Alors dans mon dos, ils avaient déjà conclu l’accord. Du jour au lendemain, on me dit que le coach Halilhodžić va m’appeler, que j’allais à Rennes. C’est dommage de partir sur un truc comme ça. C’était un peu le point noir. Si on était venu me voir en me disant qu’il fallait que je parte pour faire venir un joueur, je l’aurais compris. Ils pensaient que j’allais créer des problèmes, mais ça n’aurait pas été le cas. Je voulais vraiment m’inscrire dans le projet du club. On aurait pu bien s’entendre. Quand je joue dans un club, ce n’est pas juste pour jouer au foot, prendre mon salaire et rentrer chez moi. C’est pour participer à la vie du club. C’est une histoire qui a duré très peu de temps, mais qui a été très forte.

C’était comment du coup, d’arriver à Rennes dans un tel contexte ? Je devais jauger la mentalité, qui était complètement différente de Bastia. Les gens sont moins chaleureux, plus renfermés sur eux-mêmes. Même si, une fois qu’ils vous ouvrent la porte, ils vous l’ouvrent vraiment. Pour ma famille, c’était un choc. Ma fille, pour l’envoyer à l’école, c’était la galère. Elle pleurait, il faisait très froid. Ça a mis un peu de temps à se mettre en place.

Tu as plus tard retrouvé un peu de Corse à Nice, avec Frédéric Antonetti. L’embrouille avec lui part d’une incompréhension ? Il pensait que tu t’engueulais avec son adjoint, Jean-Marie de Zerbi.C’est ça. Nos relations étaient déjà tendues. Il ne me faisait plus trop jouer. Quand j’allais le voir, les explications n’étaient pas très claires. Mais pour revenir sur l’embrouille, il croyait que je m’engueulais avec le coach De Zerbi. Mais ce n’était pas du tout le cas ! On rigolait. Je lui disais : « Viens là ! » Mais sur le ton de la plaisanterie. Lui-même m’avait fait un clin d’œil. C’était la pause, j’étais assis et il dit à Jean-Marie : « Oh Jean-Marie, s’ils te font chier, tu as qu’à les mettre dehors ! » Moi, je le regarde, je lui dis que ce n’était pas du tout le truc, que je rigolais. Il me regarde et me dit : « Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? » Il vient vers moi, il se rapproche en me disant ça. Je me lève, on se rapproche, il me dit : « Quoi ? Tu n’es pas content ? » Je le pousse une fois et après tous les joueurs sont venus au milieu. C’est dommage, c’est quelqu’un que j’appréciais beaucoup. C’était un super entraîneur, franchement. Après, dans sa façon de manager, il était très rustre. Avec plus de dialogue, on aurait pu éviter ça. Mais c’est du passé, si je le vois, je lui serre la main. J’aimerais bien avoir une discussion avec lui.

Tous ces cartons, c’est quelque chose que tu regrettes aujourd’hui ou pas du tout ?Mais non, maintenant j’en rigole ! Je ne regrette rien du tout. Après, il y en a que j’aurais pu éviter. Mais ça faisait partie de mon jeu, de ma vie, de mon caractère. Ce n’était pas réfléchi, pas calculé. C’était sur le terrain. C’est comme ça que je jouais. Si je n’avais pas eu ça, je n’aurais pas eu la carrière que j’ai faite.

Plus jeune, quand tu jouais à Nîmes, tu prenais déjà beaucoup de cartons ?Ah oui, j’étais pareil. Engagement à fond. Ce n’est pas un trait de caractère qui est venu après. Un jour, je me rappelle, avec un petit, je tacle fort, on se relève, on commence à se pousser et mon coach m’a sorti du terrain. J’avais dix ans. J’en pleurais.

Tu as appris à gérer ta colère, depuis ? Oui. En vieillissant, en ayant des enfants, on ne veut pas avoir l’image du garçon qui s’embrouille avec tout le monde. Parce que ce n’est pas une bonne image, mine de rien. J’ai quand même travaillé sur moi même. Pour me calmer, de suite, je pensais à mes enfants. Je n’aurais pas aimé qu’ils me voient dans cet état-là. Ça fait souffler, réfléchir.

À Bastia, Yannick Cahuzac est sur tes traces niveau cartons. Pourquoi les joueurs comme vous prennent autant de cartons, même en vieillissant ?Déjà, il joue milieu défensif. Il est au cœur du jeu. C’est plus facile de prendre des cartons que si tu joues sur un côté ou devant. C’est comme ça. On est tellement passionnés par ce que l’on fait, tellement à 200% que parfois on se fait emporter par la vague. On n’arrive pas à se contenir. Ça fait partie des qualités du joueur aussi. Il y en a certains qu’il aurait pu éviter, comme moi.

Ça te fait rire quand tu vois des gros tacles ou des rouges à la télé ?Non, ça ne me fait pas rire ! (Il rit) Après, quand je vois le dernier carton qu’a pris Cahuzac, à un moment donné, les arbitres il faut qu’ils arrêtent de cataloguer des joueurs parce qu’ils sont hargneux. Qu’ils ont un gros caractère. Il y a certains arbitres qui ne supportent rien. Avec Monsieur Chapron, on ne peut rien dire, on ne peut rien faire. Le football ne peut pas évoluer avec des arbitres comme ça. Ils veulent montrer qu’ils ont l’autorité et se permettent tout et n’importe quoi. C’est dommage d’en abuser pour mettre des cartons n’importe comment. Alors qu’il y a des arbitres qui dialoguent, qui te préviennent.

Lors d’un Bastia – Monaco, tu avais mis une gifle à Gaël Givet, si je me souviens bien.Euh… je crois. C’est une histoire de match… Tant que ça reste dans le match, il n’y a pas de problèmes. Quand ça va plus loin, c’est autre chose. Après le décès de mon frère, on jouait au PSG et Llacer avait dit quelque chose qu’il ne fallait pas dire. J’étais avec Jojo Bonavita devant les vestiaires après le match et il ne sortait pas. C’était Luis Fernandez l’entraîneur. Je lui ai dit que je restais tant qu’il ne sortait pas s’excuser : « Soit il s’excuse devant tout le monde, soit vous me le sortez et je me l’attrape dans le bureau et je lui mets le compte. » Le joueur était sorti et s’était excusé devant tout le monde. Il ne faut pas déborder.

C’était comment cette période sans jouer pour toi, après l’altercation avec ce journaliste de L’Équipe ? Tu te disais : « Cyril, il faut que tu te calmes ? » Non, je ne me suis pas dit ça. Peut-être que si c’était à refaire, je ferais pareil. Il a sali mon nom avec des mensonges. Il a insulté ce que mes parents m’ont inculqué : être poli, sérieux, ne pas raconter n’importe quoi. C’était une période où j’avais ma petite fille à l’hôpital. Mauvaise période. Est arrivé ce qui devait arriver. Quand on dit de Cyril Jeunechamp qu’il organise des réunions pour faire virer le coach, qui était René Girard, que je considère presque comme mon père, c’est que ses sources n’étaient pas bonnes. Quand on publie ça dans un journal comme L’Équipe, c’est m’insulter. Je ne peux pas laisser passer ça.

Vous aviez essayé de discuter ?Ouais. Quand j’ai vu qu’il montait sur ses grands chevaux, que pour lui c’était moi le con et qu’il n’avait rien à se reprocher, la pression est montée. Et c’est parti.

Pour toi, quand tu t’embrouillais, ce sont plutôt les autres qui cherchaient que toi ?Franchement, je ne suis pas du genre à chercher la merde. Mes parents ne m’ont pas éduqué comme ça. Dans la vie de tous les jours, je suis plutôt calme. Je n’ai pas un tempérament de con. Après, je n’aime pas me faire marcher dessus. Et je pars au quart de tour.

Mais tu es d’accord que tu t’énervais quand même trop facilement ?Oui (Il rit). Sinon, je serais con ! J’avoue.

Les jeunes que tu entraînes, ils savent tout ça sur toi ?Oui, ils sont allés voir des choses sur YouTube. « Coach, là, vous y êtes allé fort ! » Mais je leur dis qu’avant, on pouvait faire des choses que maintenant on ne peut plus faire. J’essaie de faire passer la pilule comme ça. J’essaie d’inculquer des valeurs de respect. Je leur explique les conséquences que ça peut avoir.

Tu as un geste que tu regrettes, dans ta carrière ?Non, parce qu’au moins, je n’ai jamais blessé un joueur. J’en suis content. On me traite de « casseur de jambes » , mais je n’ai jamais rien cassé.

Tu as déjà pensé qu’un coéquipier allait trop loin ?Ouais, Fred Mendy. C’est mon pote. Sur le terrain, c’était un fou furieux. Il avait dé-cou-pé Daniel Morreira, un jour ! Il l’avait coupé en deux. Et en plus, derrière, il y va et il lui dit de tout. Magnifique.

À l’inverse, repenses-tu parfois à un geste en te disant : « Celui-ci, il l’a bien cherché » ? Ouais. Quand on jouait contre Metz, avec Fred Meyrieu, à chaque fois, ça frottait. Un jour, j’ai essayé de prendre le ballon, lui il chambrait et j’y suis allé vraiment fort. Même par terre, je suis allé le voir et je lui ai dit : « Tiens, celui-là tu l’as bien mérité ! » Avant, on pouvait faire ça. C’était mieux avant.

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