Un signe éventuel, aussi, que sans délaisser le PSG et la Ligue 1, il souhaitait prendre un peu plus de hauteur, notamment dans la gestion du secteur sportif du club francilien. Puis le Covid 19 est arrivé, et les emmerdes avec : Canal et beIN ont refusé de payer les droits TV qu'ils doivent à la LFP et les clubs s'en sont retournés vers le seul type qui semble capable de desserrer les cordons de la bourse des diffuseurs : Nasser al-Khelaïfi, évidemment.
Nasser les poings
Voilà désormais le dirigeant du PSG officieusement à la tête d'un groupe de quatre présidents, composé également de Jacques-Henri Eyraud, Jean-Pierre Rivère et Olivier Sadran, chargé de négocier avec Canal le paiement d'au moins une partie des droits TV que le groupe audiovisuel doit à la Ligue. À en croire une source de L'Équipe proche du boss francilien, c'est Maxime Saada, le grand manitou de Canal, qui aurait lui-même exigé la présence d'Al-Khelaïfi pour chapeauter les discussions : « C’est Saada qui a demandé à ce qu’il soit présent. Sinon, il n’y serait pas allé, même si ça fait sens que le patron d’un gros club discute avec les diffuseurs. Nasser aime davantage l’action que quand les choses ronronnent. C’est pour cela qu’il prend davantage la parole et le leadership. Il s’agace que les choses n’aillent pas plus vite et considère que les réunions avec trop de participants manquent d’efficacité. En fait, il s’inquiète de la situation. »
Jusqu'ici tout va bien ? Pas vraiment, car Nathalie Boy de la Tour, la présidente de la LFP, a logiquement pointé l'émergence d'un possible conflit d’intérêts. La chose est évidente : Nasser al-Khelaïfi est président de beIN Media Group, qui a aussi annoncé suspendre son paiement des droits TV de la Ligue 1 à la LFP. Et beIN est aussi, depuis quelques mois, en partenariat exclusif avec Canal+, qui deviendra à partir du 1er juin 2020 le distributeur exclusif de la chaîne qatarie sur toutes les plateformes en France. Autre bizarrerie, c'est bien avec la Ligue, et non pas avec le collectif de présidents désigné pour discuter avec Canal, que les chaînes ont signé les contrats en cours sur les droits TV. La constitution de ce quatuor chargé de négocier avec la chaîne cryptée dénoterait-elle une perte de contrôle des instances du football français sur le dossier ?
Ces dernières se sont manifestement résignées à refiler la patate chaude à Nasser al-Khelaïfi qui, en ces temps mouvementés, démontre que les intérêts qu'il représente sont la vraie clé de voûte économique du football national. Ajoutons que le président du PSG n'est évidemment pas le moins bien placé pour convaincre beIN de consentir à payer au moins une partie des 42 millions d'euros de droits TV que la chaîne refuse elle aussi de verser à la LFP. « Ce que Nasser va faire avec Canal +, en allant négocier avec Maxime Saada, il le fera avec beIN Sports si les autres clubs le lui demandent » , ajoute ainsi la source proche du dirigeant parisien dans L'Équipe.
L'indispensable Monsieur Nasser
La signification du schmilblick ? Difficile d'y apposer une lecture définitive, mais la crise actuelle semble comme accentuer le phénomène de concentration des pouvoirs qui caractérise désormais le football hexagonal. Président d'un club dont la domination sportive et économique est quasi hégémonique à l'échelle nationale, à la tête d'un diffuseur majeur, lui-même désormais en affaires avec Canal +, un autre ayant-droit de taille, Al-Khelaïfi et le PSG sont à la croisée des mondes et des influences. Personne ne doute que c'est aussi très largement au club francilien et à ses stars en pagaille que la Ligue 1 doit par ailleurs l'explosion des droits TV du championnat pour la période 2020-2024. Une forme de PSG dépendance, que la pagaille du moment ne risque pas d'atténuer. Difficile de jauger si la Ligue 1 s'en portera mieux ou pas à terme, mais une chose est sûre : la santé économique du football français semble plus que jamais assujettie aux décisions d'un président à l'influence tentaculaire.
Par Adrien Candau
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