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Couche-tard et lève-tôt

Par Thibaud Leplat
Couche-tard et lève-tôt

À force de voir toutes ces équipes l'une derrière l'autre, on en oublie les principes élémentaires de la cohérence. L'amateur de Mondial devient peu à peu un monstre à deux têtes. L'une pour la France, l'autre pour tout le reste.

Fermez la porte de votre chambre, installez-vous devant votre bureau ou sur votre lit, placez une feuille blanche devant vous, attrapez votre meilleur stylo puis laissez votre esprit divaguer un peu. Viendront d’abord les premières images des souvenirs les plus récents, de matchs pas encore oubliés, de quelques gestes ou célébrations qui auront imprimé leurs traces dans votre mémoire immédiate. Ici se logeront les premières minutes d’Équateur-Suisse. La timidité des Latinos face à l’ambition des Helvétes était presque émouvante, mais tombera rapidement dans l’oubli. Ensuite affleureront les plus grandes victoires en Coupe du monde, France-Croatie, France-Brésil 2006. C’est ici qu’habite Zizou. Tâchez de mettre maintenant de l’ordre dans toutes ces images. Sur la feuille devant vous, tracez une ligne qui délimitera deux colonnes. D’un côté, notez les équipes que vous avez envie de voir jouer, les matchs qui vous font rêver. On y trouvera toujours le Brésil, l’Italie, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Argentine. Le Brésil y sera toujours favori, l’Allemagne fera toujours peur, l’Italie inspirera toujours le respect, l’Angleterre sera toujours décevante et l’Argentine toujours insupportable. De l’autre côté de la ligne, notez ensuite les équipes que vous voulez voir gagner. Leur nombre sera sans doute plus restreint. Parfois il n’y en aura qu’une. Souvent, ce sera la France (et l’Espagne, pour votre serviteur).

De l’autre côté de l’Équateur

Ces deux colonnes sont la représentation simple de la personnalité en réalité très complexe du spectateur de Mondial. À l’intérieur de lui vivent deux personnages aux caractéristiques bien définies et souvent opposées. Ernesto Lazzati, ancien entraîneur de Boca Juniors, connaissait bien ces deux êtres aux destins contradictoires : « Celui qui va voir son équipe, vient la voir gagner. Celui qui vient voir un match, vient voir jouer. » D’un côté vit un être boulimique et obsessionnel qui connaît tous les remplaçants de toutes les équipes. Il a vu la Copa Libertadores du début à la fin, il pense que les entraîneurs argentins sont les plus intéressants et que l’avenir du football s’écrit de l’autre côté de l’Équateur. En face de lui l’observe le deuxième monstre qui vit à l’intérieur de son âme. Il regarde souvent son voisin avec mépris et le traite de romantique quand celui-ci lui parle de jeu, d’amour et de cuir. Lui, il préfère le mot qui paie, le match qui se gagne. Celui-là, c’est le fameux compétiteur dont la grande presse nous a abreuvé les tympans en dessinant le portrait de Didier Deschamps. Le compétiteur est capable de gagner n’importe quel match avec n’importe quel joueur. Son schéma tactique se résume en quelques mots et le destin de son groupe dépend du talent de deux ou trois et de l’abnégation de tous les autres. Être compétiteur, c’est vouloir absolument tout gagner, ne jamais abandonner. Le principe de plaisir est issu strictement de l’axiome suivant : seule la victoire est belle.

La fin du romantisme

Pourtant, on s’extasia bien devant les transitions offensives de la Hollande de Van Gaal contre l’Espagne, sa capacité à traverser une équipe et un terrain en deux passes laser, on goûta aussi la classe du milieu de terrain italien De Rossi-Pirlo-Veratti qui dégoulinait sur toute l’Amazonie samedi soir. L’opinion générale voulut même qu’on saluât les soucis esthétiques et le génie dont firent preuve ces deux formations. Devant ces deux équipes, nous étions tous devenus romantiques. Mais alors comment interpréter ce France-Honduras ? Y a-t-il des gens dans le monde qui aient regardé ce match uniquement pour le plaisir du jeu ? Il est difficile quand on est français de se prononcer clairement sur le potentiel d’épopée que contient l’équipe de France. On aura toujours tendance à préférer une équipe sans charme qui nous emmènera loin à une équipe ambitieuse qui nous laissera au port. Le compétiteur prendra toujours le dessus sur le romantique. Mais est-il raisonnable d’être ambitieux quand les transitions françaises sont aussi lentes, quand on hésite a ce point à trente mètres des buts adverses ? Quand un match sans beauté ni style est remporté 3-0, le compétiteur se marre et tape tendrement la joue du romantique en lui parlant de réalisme. Deux barres et trois buts. Voilà le bilan de ce match.

Le retour de Safet Sušić

En vrai, la seule beauté de cette rencontre fut ce but dont on ne saura jamais vraiment s’il était entré ou non. L’arbitre, nous dit-on, avait autour du poignet un bracelet vibrant assurant que le ballon était bien entré. Même si les ralentis semblent dirent encore le contraire, la machine avait parlé, il fallait s’y soumettre. Mais au fond peut-être aurait-il mieux valu que le ballon n’entrât point. La colère, l’esprit de révolution et l’ambition qu’il aurait alors suscités auraient sans doute réveiller les esprits français. On aurait vu Cabaye, Pogba, Benzema et Griezmann faire tourner la gonfle comme ils en sont capables, comme Platini, Giresse, Tigana et Genghini. On les aurait vus prendre des risques sur des relances courtes de Varane, on n’aurait certainement pas vu Lloris balancer tous les six-mètres dans le rond central. Non, pour être ému hier soir, il aura fallu attendre minuit et voir la Bosnie du grand Safet Sušić. Dieu que ce joueur était immense dans les années 80. À l’époque où il était encore yougoslave, il avait fait danser la Juve de Platini et de Gentile en 1983 au Parc des Princes à force d’intelligence, de finesse et d’amour du ballon. Hier soir, la Bosnie a perdu par malchance, mais si vous aviez vu sa deuxième mi-temps, cet amour du jeu, cette façon de faire circuler la gonfle, ce milieu Pjanić-Misimović-Ibišević, cette obstination à créer à tout prix qui força même Sabella à faire entrer Gago pour maîtriser le raz-de-marée au milieu, vous auriez vibré, et pas à cause d’un simple bracelet électronique. Tandis que le compétiteur avait mis son pyjama pour ne pas prendre froid et dormait profondément pour bien démarrer sa semaine le lundi matin, la Bosnie de Safet perdait 2-1 (un but contre son camp et un but de Messi), mais rendit hommage au romantique, celui qui aime prolonger les soirées d’été du bord de l’Adriatique et se coucher tard.

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Par Thibaud Leplat

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