De Ghirardi à Taçi
Selon Ghirardi, c'est Rezart Taçi qui s'est planté. Il s'agit du pétrolier albanais à qui il a revendu le club début novembre, avec dans le package les salaires impayés des joueurs depuis juillet. Taçi, c'est un nom que l'on connaît en Italie pour avoir souvent été associé à celui du Milan qu'il voulait s'offrir. Ce sera finalement Parme. Pour l'acheter, il fonde la Dastraso Holdings Limited basée à Chypre et avec un capital de… 1000 €. En quelques semaines, pas moins de trois présidents se succèdent, d'abord son ami d'enfance et joaillier Pietro Doca, puis l'avocat italien Fabio Giordano, puis le jeune Ermir Kodra. Ce dernier se met - enfin - à étudier les bilans financiers de fond en comble et se rend alors compte que Taçi a mis les pieds dans un beau pétrin. Entre-temps, le roi du pétrole rencontre Paolo Signifredi, rapidement arrêté par la brigade antimafia, et Eugenio De Paolini Del Vecchio, ex-condamné à perpétuité dans les années 70 pour avoir assassiné son beau-père et deux cousins, coupables de lui reprocher de dilapider le patrimoine familial. Ces deux personnages sortis tout droit d'un Tarantino étaient chargés de convaincre Taçi d'investir définitivement dans le club.
De Taçi à Manenti
Le mercato d'hiver passé (avec peu de recrues et beaucoup de joueurs ayant mis les voiles), Taçi se débarrasse de Parme en le vendant à Giampietro Manenti, titulaire de la Mapi Grup, dont le siège est en Slovénie, avec un capital de 7500 €. Montant de la transaction ? 1 €. Motif officiel ? « Il n'était plus amoureux du foot » , selon Pietro Leonardi, le directeur général, qui posera d'ailleurs vite sa démission, suspecté lui aussi d'avoir participé à tout ce boxon. Mal rasé, mal habillé, Manenti promet de payer. Au fil des semaines, les doutes se multiplient sur son compte et sur ses comptes. Le maire de Parme, Federico Pizzarotti (du parti « 5 stelle » du comique Beppe Grillo), prend les choses en mains et opte pour la faillite afin d'opérer un vrai nettoyage. Un mois passe, durant lequel les huissiers effectuent plusieurs saisies, la cantine et la laverie du club ferment. Puis la nouvelle tombe mercredi dernier. Manenti est arrêté par la Guardia di Finanza avec 21 personnes dans le cadre d'une vaste opération. Les chefs d'accusation vont de cartes bleues clonées, piratage de comptes bancaires, à détournements de fonds, blanchissement d'argent et tout le toutim. Le président du club était visiblement le « finisseur » de ce système. Il est actuellement en cabane au sud de Milan. Étrange personnage qui ne payait pourtant pas de mine.
De Manenti à la faillite
Jeudi 19 mars devient alors le jour paradoxalement tant attendu. Le FC Parme a officiellement fait faillite et le tribunal confie deux missions à deux mandataires liquidateurs : finir la saison avec l'ouverture du bilan provisoire et les 5 millions d'euros que la Ligue de football a mis à disposition pour payer les différents frais et trouver un repreneur. La dette totale s'élève à 218 millions d'euros. Pour racheter le club, il faudra prendre en charge « seulement » les casseroles sportives, soit 74 millions, plus la valeur du club (ou ce qu'il en reste). Un bon 100 millions en tout. Parme a beau être un ex-grand d'Europe, pas sûr que le jeu en vaille la chandelle… mais il y aurait déjà des intéressés, voire des inconscients. En cas de rachat, ce sera la Serie B (désormais inévitable). Dans le cas contraire, la Serie D (4e niveau) avec un nouveau blaze. Quoi qu'il en soit, le club finira bien le championnat. C'est un classique en Italie. Bari a vécu la même situation l'an passé avant d'être racheté par un riche fonds d'investissements en l'espace de quelques semaines.
Jamais deux sans trois
En fait, Parme en est déjà à sa troisième faillite. La première fois, c'était à la toute fin des années 60. Le Parma FC disparaît et doit remercier l'AC Parmense qui rachète les droits du club six mois plus tard et devient l'AC Parma. Concrètement, le premier vrai Parme - qui n'était jamais allé bien haut - a déjà cessé d'exister en 1968. Cet AC Parma subira le même sort suite au célèbre crack financier de la Parmalat. Veron, Crespo, Chiesa, Ortega et les briques de lait, ça a un coût. C'était il y a 11 ans. Le club se maintient et vit une période de transition sous tutelle. C'est là tout l'intérêt de faire faillite en cours de saison. Reste une interrogation et pas des moindres : comment les institutions sportives italiennes ont-elles pu assister passivement à cette mascarade ? La Covisoc (équivalent de la DNCG) s'était contentée de tirer la sonnette d'alarme un peu mollement. Au prochain conseil fédéral, une modification des normes fédérales sur les changements de propriétaire va être proposée. Objectif : plus de transparence et de contrôle. Un bon timing à l'italienne. Mieux vaut guérir que prévenir. Mieux vaut Parme que jamais.
Par Valentin Pauluzzi
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