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Comment j’ai battu le Brésil

Par Drillo Olsen, avec Arthur Jeanne
Comment j’ai battu le Brésil

Entraîneur lunaire, mais aussi tacticien de génie, Drillo Olsen a fait de la Norvège une des meilleures équipes d’Europe, le temps d’une décennie. Son principal fait d'armes ? Sa victoire sur le grand Brésil de Ronaldo, Rivaldo and co un soir de juin 1998 au Vélodrome. Un chef-d’œuvre tactique préparé minutieusement et raconté par Olsen himself.

Le 23 juin 1998, nous affrontons le Brésil lors du dernier match de la poule A. Pour assurer notre qualification, la victoire est impérative à cause du match nul décevant contre l’Écosse quelques jours plus tôt. Avant le match j’ai fait deux constats. Le premier était que nous pouvions battre le Brésil et que les joueurs le savaient. Un an auparavant, nous avions battu le Brésil 4-2 en amical à Oslo. Certes, le contexte était différent, à l’Ullevaal, le terrain était en mauvais état et le Brésil avait fait un long voyage en avion pour nous affronter. Les hommes de Zagallo étaient émoussés, je n’avais pas été surpris par notre victoire, mais cela a été important pour la confiance de mes joueurs. Les jours précédant ce match décisif à Marseille, ils étaient optimistes, convaincus qu’il était possible de gagner. Je n’ai pas eu besoin de faire de long discours de motivation. Le second constat, c’est qu’il était impossible de battre le Brésil à son propre jeu, de jouer comme le Brésil. Individuellement, mes onze joueurs étaient inférieurs à leur vis-à-vis, moins doués, moins techniques. Si on jouait comme eux, le match était perdu d’avance.

« Sans Interplay, nous n’aurions jamais battu le Brésil »

Armés de ces deux constats, nous avons énormément travaillé. Nous avons passé des heures ensemble à décortiquer leur jeu sur Interplay, un logiciel révolutionnaire à l’époque. Un outil formidable d’analyse « scientifique » des données du match. Ce sont des experts norvégiens en data technology qui ont développé ce système, en relation permanente avec moi. On a passé tellement d’heures sur Interplay a les analyser, notre préparation était parfaite, sans Interplay on ne les aurait jamais battus. À l’entraînement, nous avions des exercices, où les remplaçants devaient reproduire les mouvements effectués par les Brésiliens, les mouvements que l’on avait décortiqués à l’écran, c’était une sorte de répétition si l’on veut. Au niveau du tableau noir, nous avons joué en 4-5-1 comme la plupart du temps. Un 4-5-1 où les milieux excentrés se comportaient comme des ailiers en phase offensive. Les 3 principes fondateurs étaient défense de zone, pressing bas et contre-attaque. Trois principes qui m’ont toujours suivi et que les joueurs comprenaient déjà parfaitement. Ce système, ils le connaissaient sur le bout des doigts.

Quand Bebeto a marqué, Dunga a couru vers moi et m’a fait signe de me taire, il était mécontent car j’avais dit les jours précédant le match que le Brésil obtiendrait de meilleurs résultats si j’étais sur le banc.

Notre premier objectif était la défense : Le Brésil ne devait pas marquer. Pour cela, l’idée essentielle était de réduire les espaces, de brimer leurs joueurs, casser leur esprit créatif. Il fallait énormément de discipline, opposer notre discipline à leur talent, à leur génie même. Il était important de jouer bas, de ne jamais presser dans leur camp, cela aurait été contre-productif. Le porteur du ballon était pressé à partir du moment où il était à 42 mètres de notre but, pas avant. Quand il franchissait cette ligne symbolique, le porteur du ballon était attaqué, avant cette ligne nous reculions, aucun joueur ne devait presser plus haut qu’à 42 mètres de notre but. À partir de ce point-là, le milieu devait harceler l’adversaire de sorte que la défense n’ait plus qu’à récupérer les miettes et puisse relancer rapidement.

Tore André Flo seul face à lui-même

Cela avait une raison particulière, la distance entre notre back four et nos milieux ne pouvait pas être importante, il fallait que nos défenseurs soient au maximum à 10 mètres de la ligne de 5 au milieu, il fallait que cette distance soit constante. 10 mètres, c’est la distance parfaite pour que l’adversaire ne puisse pas jouer entre les lignes. Cela permet d’arriver toujours très vite et d’être près du joueur qui a la balle, sans pour autant faire de l’individuel. S’il y a trop d’espaces, alors on court le risque d’être pris de vitesse ou d’avoir face à nous un joueur plus fort, un bon dribbleur, qui arrive lancé. À ce pressing bas, il fallait ajouter le marquage de zone. On ne devait pas suivre les joueurs, il fallait juste s’occuper du joueur qui avait le ballon, l’adversaire en possession du ballon est le seul qui importe, les autres joueurs devaient être placés en fonction de leurs partenaires, pas en fonction de l’adversaire. Même s’il s’agit de Ronaldo. J’insiste là-dessus, car ce qui est important, c’est notre position sur le terrain, pas celle de l’adversaire. Les quatre de derrière doivent bouger comme une seule personne. Monter et descendre de manière unie. L’objectif est de réduire au maximum les possibilités de passe du porteur de ballon, en se concentrant autour de lui. Un joueur va le serrer de très près et les autres à quelques mètres, réduisant son champ d’action. Nos ailiers, eux, avaient pour mission d’annihiler les velléités offensives de Roberto Carlos et Cafu, ils ont très bien fait leur travail, puisque les latéraux brésiliens ont très peu créé pendant ce match.

Dunga, Drillo, le milieu brésilien et la décharge publique

Offensivement, l’idée était de jouer en contre-attaque, de manière directe, afin de profiter du moment où l’équipe brésilienne était déséquilibrée. En pointe, Tore André Flo était le seul joueur à n’avoir aucune consigne défensive. En fait il ne devait pas défendre du tout, sa seule mission, c’était de faire des appels et d’attaquer. Le plan de jeu a bien fonctionné, puisque nous avons eu plus d’occasions que le Brésil. Pourtant, à 10 minutes de la fin, Bebeto a marqué. Le Brésil était déjà qualifié, mais je peux assurer qu’ils voulaient absolument gagner. Ils voulaient prendre leur revanche d’Oslo. Quand Bebeto a marqué, Dunga a couru vers moi et m’a fait signe de me taire, il était mécontent, car j’avais dit les jours précédant le match que le Brésil obtiendrait de meilleurs résultats si j’étais sur le banc. J’avais critiqué le fait qu’ils aient trop la possession du ballon et que c’était une possession stérile. Je n’aime pas la possession de balle. J’avais aussi dit quand nous les avions battus à l’Ullevaal que leur milieu était aussi organisé qu’une décharge. Je ne l’avais pas dit pour faire de la provocation, mais parce que je le pensais.

Tu devrais jouer au basket, je ne comprends pas qu’un joueur aussi limité techniquement puisse être ailier.

Éliminés à 1-0 à 10 minutes de la fin, nous devions faire quelque chose, donc j’ai fait rentrer Jostein Flo. Jostein n’était pas un bon joueur de football, il était plutôt mauvais, mais c’est le meilleur joueur de tête que j’ai eu l’occasion de voir. Avec lui, nous avions élaboré des années plus tôt une stratégie. Le Flo Pass. Notre arrière gauche Bjornebye faisait de très belles transversales, il avait pour consigne d’en envoyer le plus possible sur Jostein sur l’aile droite. Quand il est entré, on a visé Jostein, presque systématiquement. Il était face à Roberto Carlos qui fait 1m70. Jostein mesure 1m92, il a tout pris dans le jeu aérien. Avec le recul, je me suis dit que peut-être, j’aurais dû le faire jouer dès le coup d’envoi, mais c’est toujours facile après coup. En tout cas, son entrée a fait changer le match. Lors du contrôle anti-dopage d’après-match, Roberto Carlos est venu voir Jostein, et lui a dit : « Tu devrais jouer au basket, je ne comprends pas qu’un joueur aussi limité techniquement puisse être ailier. » Mais le fait est que Jostein Flo l’avait battu dans tous les duels.

« La victoire était méritée, elle ne devait rien au hasard »

3 minutes après l’entrée de Jostein, c’est son frère Tore André qui nous remet dans le match. Il a marqué l’un des plus beaux buts de sa carrière sur une contre-attaque que nous avions travaillée à l’entraînement : Bjornebye le lance dans la profondeur, il prend Junior Baiano de vitesse, le crochète et marque. Et puis 5 minutes plus tard, alors que nous dominions, Tore André est à nouveau décisif. Sur un centre, il est déséquilibré dans la surface. Nous avons eu un brin de chance bien sûr, car la faute est réelle, mais ce genre de fautes n’est pas toujours sifflé. Kjetil Rekdal transforme et c’est une joie intense, le match le plus marquant de ma carrière.

Pourquoi ? Parce que le plan avait fonctionné. La victoire était méritée, elle ne devait rien au hasard. J’analyse toujours les matchs en fonction des occasions de but, c’est quelque chose de fondamental. À part le résultat, c’est la chose la plus importante. Mon travail, c’est de faire en sorte qu’on ait le plus d’occasions de buts, et contre le Brésil, on a gagné 6-4 en matière d’occasions. L’autre conclusion marquante, c’est que contre le Brésil, nous avons joué 65% de nos ballons vers l’avant, le football le plus efficace selon moi. C’est une donnée essentielle, bien plus que la possession de balle qui était largement à l’avantage des Brésiliens. Ce soir-là, le Brésil a joué 35% de ses ballons vers l’avant. C’est une différence dramatique. Si le Brésil avait joué 65% de ses ballons vers l’avant, ils nous auraient battus largement. Bien sûr, ce n’est qu’une hypothèse que je ne peux pas prouver, mais j’en suis convaincu.

C’est fait : Johan Cruyff à Barcelone !

Par Drillo Olsen, avec Arthur Jeanne

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