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Clichy, de l’indifférence à l’oubli

Par Romain Duchâteau
Clichy, de l’indifférence à l’oubli

Avec son palmarès et son parcours sans fausse note en Angleterre, il devrait être parmi les Français dont on suit l'actualité avec assiduité. Mais le nom de Gaël Clichy ne marque pas les esprits, ne retient pas particulièrement l'attention et laisse même, souvent, indifférent. Joueur discret et taciturne, le latéral gauche trace sa route sans se soucier d'être oublié. Et se satisfait de ce qu'on lui offre, après avoir failli quitter ce monde alors qu'il n'était qu'un adolescent.

Peu de gens le savent. Peu de personnes ont, un jour, entendu son histoire. Celle d’un homme qui n’en était pas encore un et qui a vécu un entre-deux incertain entre la vie et la mort. Quinze secondes où la lumière de la vie avait laissé place à un vide noir insondable. Quinze secondes où Gaël Clichy, alors gamin, n’était plus vraiment de ce monde. « J’étais à Cannes, j’avais quinze ans et mes parents venaient me voir jouer pour la première fois. J’étais tout excité. Et en grimpant un portail, ma bague s’est prise dans un clou qui m’a arraché toute la peau, se remémorait-il d’un ton monocorde en 2008. J’ai été hospitalisé pendant sept heures, microchirurgie, et j’ai fait un œdème pulmonaire. Mon cœur s’est arrêté de battre pendant quinze secondes. C’est un tournant de ma vie. On se dit que tout peut changer du jour au lendemain. » En des temps révolus, Henri Béraud, romancier et journaliste français, posait ces quelques mots par écrit : « On juge entièrement un homme sur sa façon de braver la mort » . C’est peut-être une formule existentielle vraie. Or, le parcours du latéral de 29 ans reste largement méconnu. Comme l’homme, d’ailleurs. Parce que le nom de Clichy ne soulève pas les foules et suscite même l’indifférence. Parce qu’il cultive la discrétion, la simplicité loin des projecteurs.

De National à Arsenal… à dix-sept ans

L’itinéraire de Gaël Clichy, c’est avant tout une ascension. Soudaine, fulgurante, mais pas programmée. C’est d’abord sous la houlette d’un père exigeant qu’il apprivoise le ballon rond. Droitier de nature, son paternel l’oblige très tôt à utiliser son pied gauche pour le mettre dans les meilleures dispositions. « C’est comme apprendre une autre langue aux enfants, ils peuvent le faire rapidement parce qu’ils sont encore petits. Alors, lorsqu’il m’a demandé de jouer du pied gauche, j’ai vite appris. Serais-je ici aujourd’hui si j’avais continué à jouer du pied droit ? » s’interrogeait-il en 2012. À l’AS Cannes, il effectue sa formation avant de se voir ouvrir les portes de l’équipe première, en National. Et, déjà, les qualités apparaissent évidentes. « On pouvait voir qu’il avait tout de suite les qualités pour évoluer au-dessus, certifie Christian Lopez, son coach pendant quelques mois à l’époque. Lors de son année passée à Cannes, il s’est affirmé au fur et à mesure. J’étais persuadé qu’il avait les moyens de faire quelque chose. Avec Julien Faubert, il faisait partie des gamins qui étaient au-dessus des autres. »

Le latéral gauche n’est alors qu’un inconnu. Un jeune joueur de dix-sept piges parmi tant d’autres qui fait ses gammes discrètement en troisième division française. Mais pas pour Damien Comolli, scout pour Arsenal de 1998 à 2004, qui a rapidement été séduit par son profil. Tout comme Arsène Wenger. « La première fois que je l’ai vu jouer, c’était avec l’équipe de France des moins de 17 ans au championnat d’Europe, explique Comolli, qui entretient toujours d’excellents rapports avec le Toulousain. À l’époque, on cherchait une doublure pour Ashley Cole. Quand on l’a rencontré à Cannes avec ses parents, Arsène Wenger lui a dit qu’il voulait qu’il vienne à Arsenal. Et Gaël lui a répondu qu’il n’avait pas le niveau pour y jouer. On a passé tout le repas à essayer de le convaincre qu’il était assez bon pour jouer avec Arsenal. Arsène lui a certifié que, trois après sa venue au club, il jouerait, puis connaîtrait la Champions League d’ici la fin de la saison. » D’abord sceptique, Clichy finit par être convaincu par le discours du manager alsacien et sa faculté à révéler de jeunes talents. Il rejoint donc les Gunners à l’été 2003 pour 345 000 euros. Et, dans les mois qui suivent, Tonton Arsène honore sa promesse. « Trois mois après, il a fait ses débuts à Birmingham City. Et huit mois après, il a joué en C1 face au Celta Vigo » , relate Comolli.

Amoureux du pays de Sa Majesté

À dix-huit piges, le défenseur va déjà vivre une épopée hors du commun à peine arrivé. Celle des « Invincibles » lors de l’exercice 2003/2004, avec lesquels il soulève la couronne nationale. Avec 21 matchs toutes compétitions confondues au cours de sa première saison, il apprend vite dans l’ombre d’Ashley Cole. « À son arrivée, il était tout fin, tout maigrichon. Mais il avait une qualité d’appui et était rapide, martèle Comolli. Arsène me disait notamment qu’il avait des « pieds électriques ». La seule chose qui lui manquait était de faire un travail tactique sur le plan défensif. » Le départ du latéral gauche anglais au mercato estival 2006 marque un tournant majeur. À vingt et un ans, Clichy devient titulaire de l’un des poids lourds du Royaume. Une mise en lumière express pour un gamin qui, avant de rallier Londres, ne facturait qu’une quinzaine de rencontres en National. Au terme de la saison 2007-08, sa plus aboutie en Premier League avec 38 matchs, il est élu meilleur latéral gauche par ses pairs. Sa progression se révèle manifeste. Mais frustré par le manque de titre avec les Gunners au fil des années, il sent, en 2011, que le moment est venu de partir.

L’Italie lui fait une cour assidue, l’Espagne les yeux doux et l’Allemagne dégaine ses plus beaux arguments. En vain. À l’instar de son compatriote Samir Nasri, il choisit Manchester City. Pour son salaire confortable, assurément. Pour ses ambitions démesurées, sans doute. Mais, surtout, parce que le Français reste profondément attaché à l’Angleterre. À tel point que cinq ans après sa venue dans le pays de Sa Majesté, il avait un temps envisagé d’évoluer sous la tunique des Three Lions. « Je me sens vraiment chez moi en Angleterre, même si j’adore le maillot tricolore. Au bout de quinze jours d’éloignement, ce pays me manque ! J’aime sa mentalité et sa philosophie bien au-delà du football. Les gens sont des bosseurs avec un côté famille qui me va bien. On se respecte et on n’envie pas le voisin, clamait, sans détour, le Frenchy en février 2013. C’est là aussi que je suis devenu un homme. J’ai vécu seul à mon arrivée. J’ai été obligé d’y payer mes premières factures, de me prendre en main, d’apprendre à cuisiner ou d’y passer mon permis. C’est en Angleterre que j’ai véritablement grandi dans ma vie de footballeur, mais surtout d’adulte. Je me suis imprégné de cette culture. Maintenant, je raisonne plus comme un Anglais que comme un Français. Après ma carrière, je reviendrai probablement à Londres. Et je m’y installerai définitivement. »

Trop lisse pour les Bleus ?

Chez les Citizens, celui qui a pour référence Roberto Carlos a pris le temps d’étoffer son palmarès avec deux titres de champion (2012 et 2014) et une League Cup (2014). En revanche, il n’a pas diffusé l’impression de se rendre indispensable. Même s’il a plus joué que son concurrent direct Aleksandar Kolářov depuis son arrivée (95 matchs de Premier League contre 58 pour le Serbe) et qu’il offre plus de garanties défensives, l’ancien Cannois souffre d’un manque de crédibilité. La faute, selon certains, à son refus de se mettre en avant. « C’était un jeune joueur discret, sérieux et à l’écoute de tout ce qu’on pouvait lui dire. Il avait ce côté timide, introverti, étaye Pascal Cygan, son ex-coéquipier à Arsenal. D’après les échos que j’ai pu avoir à Manchester City, je n’ai pas l’impression qu’il ait beaucoup changé en ce qui concerne son caractère. C’est resté quelqu’un de sympa et simple. Peut-être qu’il lui manque de vrais moments forts dans ses saisons plutôt que d’être régulier. »

Avec 286 matchs de Premier League depuis 2003, le Toulousain affiche une expérience certaine. Non négligeable. Qui devrait logiquement lui offrir une place de choix en équipe de France. Mais non. Jamais sous le maillot des Bleus, l’international tricolore (20 sélections) n’a pas marqué de son empreinte. Même lorsque Laurent Blanc avait tenté timidement de l’installer au poste d’arrière gauche à l’Euro 2012. L’intronisation de Didier Deschamps aurait pu lui offrir un nouvel élan, une opportunité de s’affirmer. C’est finalement tout le contraire puisqu’il n’a pas saisi sa chance, et son avenir tricolore s’est depuis considérablement assombri. Préférant le soldat chevronné et le leader de vestiaire Patrice Évra, ainsi que Lucas Digne, pourtant simple doublure au PSG, le Citizen, dont la dernière sélection remonte à octobre 2013, n’a pas été du voyage pour la Coupe du monde au Brésil. Une incompréhension, une anomalie pour ceux qui l’ont côtoyé. « C’est difficile à expliquer. On reproche au football français d’avoir de mauvais garçons et qu’on ne veut plus voir ça, souligne Cygan. Avec Gaël, il n’y a pas de soucis sur et en dehors du terrain. Mais même à niveau égal, il n’est pas retenu. J’ai l’impression que sa discrétion le dessert. Qu’il soit trop lisse, trop simple, sans soucis fait sans doute qu’on peut se passer de lui plus facilement lors des listes et compositions d’équipe. C’est dommage, car je pense qu’il ferait du bien à l’équipe de France. » Une éclipse dont le public français ne semble pas s’offusquer. Parti très tôt en Angleterre, le latéral gauche ne s’est pas construit en Ligue 1 et ne figure pas parmi les visages les plus familiers auprès des spectateurs. « Je ne sais pas pourquoi je suis encore là. Sûrement parce que j’ai quelque chose à faire dans la vie » , assurait-il, il y a quelques années, à propos de l’accident auquel il avait survécu. Peut-être que l’accomplissement de Gaël Clichy devait être de faire une carrière respectable. Sans éclat, sans fioritures. Ni plus ni moins.

Par Romain Duchâteau

Tous propos recueillis par RD, sauf ceux de Gaël Clichy tirés du Guardian, de L'Équipe et de France Football

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