Le patient brésilien
Cela ne pose aucun souci lorsqu'on possède un certain Renato Gaúcho dans son carnet d'adresse. Raposo rejoint son pote à Flamengo. Évidemment, il passera la saison sans vêtir le maillot du club. Cette fois-ci, Gaúcho témoigne : « Je savais que Kaiser n'aimait pas le ballon. À l'entraînement, il s'arrangeait avec un coéquipier pour qu'il le blesse. Il se dirigeait ainsi vers l'infirmerie. » Le mytho brésilien y jouait l'un de ses tours les plus savoureux : Raposo se pointait à l'entraînement avec un énorme téléphone mobile et s'inventait une conversation en anglais, racontant à ses coéquipiers que des clubs européens voulaient le recruter. Une combine démasquée un jour par un médecin de club qui avait vécu en Angleterre. On découvre même que le téléphone est en fait un jouet. Le Brésilien compte aussi un autre allié de taille : la presse.
Conquis par ce joueur qui va de club en club, les médias brésiliens lui consacrent quelques articles. « J'ai des facilités pour me faire des amis. Beaucoup de journalistes m'appréciaient. Je n'ai jamais été incorrect avec quelqu'un » , explique le joueur aussi passé par Independiente (où il disputera six rencontres officielles), ou encore Fluminense (quinze matchs joués). Un autre de ses fidèles serviteurs se nomme Ricardo Rocha. « C'est un grand ami, un super gars. Mais il avait un problème avec le ballon. Je ne l'ai jamais vu jouer. Dans un duel de mytho, Pinocchio perdrait face à Kaiser » , affirmait l'ancien joueur du Real Madrid. Son voyage se poursuivra au Mexique, au Puebla FC. Idem, le bilan sera de zéro match disputé. Le routard se dirige vers l'eldorado américain, pour signer un contrat de trois mois avec le club d'El Paso. La suite est déjà connue. « Je signais à chaque fois un contrat très court, qui ne dépassait pas quelques mois. Je recevais les primes, et je restais lors de la période déterminée » , raconte Raposo. Une méthode qui lui évite tout ennui avec les dirigeants.
La retraite à Ajaccio
En 1989, Raposo retourne au Brésil et signe pour le Bangu AC. Autre club, autre anecdote juteuse. L'entraîneur décide de le convoquer pour un match et l'envoie même à l'échauffement. La peur d'être découvert envahit le Brésilien. Mais son ingéniosité prendra comme souvent le dessus. Raposo provoque un supporter adverse et lui assène une immense droite au bord du terrain. L'arbitre l'exclut et sauve la réputation de l'embrouilleur du siècle. Au vestiaire, l'entraîneur s'énerve et lui demande des explications : « Dieu m'a donné un père et me l'a enlevé. Maintenant que Dieu m'a donné un second père (faisant référence au coach de Bangu, ndlr), je ne laisserai aucun supporter l'insulter. » Un ancien coéquipier racontera plus tard que l'entraîneur l'a embrassé et l'a fait prolonger pour six mois. L'imposture ne s'arrête jamais.
Le goût de la nuit toujours aussi présent pendant sa « carrière » , Raposo raconte : « Lors des mises au vert, je venais deux ou trois jours avant à l'hôtel, et je louais des chambres à l'étage du dessous. J'emmenais une dizaine de femmes. On avait même pas à s'échapper, juste à descendre les escaliers » racontera le globe-trotteur. Après avoir côtoyé les clubs de Guaraní et de Palmeiras, Raposo franchit l'océan Atlantique et se dirige vers le Gazélec Ajaccio. Lors de sa présentation en grande pompe organisée par le club corse, le joueur panique : « Le stade était petit, mais plein de supporters. Je pensais que j'allais seulement entrer sur la pelouse et saluer. Mais ils avaient mis des ballons sur le terrain. Je ne savais pas quoi faire, alors je les ai tous dégagés dans les tribunes et je me suis mis à embrasser l'écusson du club. Les fans étaient hystériques. Je n'allais pas me faire griller le premier jour… » se rappelle-t-il. Après vingt ans de ruses et de tromperie, Carlos Henrique Raposo se retire en Corse, à l'âge de 39 ans. Et ne regrette absolument rien : « Les clubs ont arnaqué et arnaquent encore beaucoup de footballeurs. Il fallait bien que quelqu'un se venge pour eux. »
Par Ruben Curiel
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