C’est quoi le problème avec les claquettes ?

L’Équipe a sorti l’information mardi, Paul Pogba se serait attiré la colère de Deschamps pour avoir pris l’habitude de se pointer aux repas communs avec quelques minutes de retard, claquettes aux pieds. Un attirail que le sélectionneur des Bleus semble ne pas tolérer, lui qui a explicitement demandé à ses joueurs de respecter un code vestimentaire précis au sein de Clairefontaine qui comprend donc une venue aux repas en baskets. Pourquoi ? Mystère. Toujours est-il que la claquette n’a pas bonne presse au sein de l’équipe de France. En 2010, déjà, Franck Ribéry devenait la risée de tout le pays pour son intervention surprise dans Téléfoot, avec le formidable combo chaussettes-claquettes. Mais pourquoi ces bonnes vieilles claquettes sont-elles devenues si gênantes, alors que les footballeurs semblent ne pas pouvoir s’en séparer ? Une question d’hygiène, de confort et de règle de vie.

C’est l’une des choses les plus frappantes du documentaire Les Yeux dans les Bleus : les joueurs de l’équipe se promènent constamment dans les couloirs du château de Clairefontaine vêtus de chaussettes de récupération fourrées dans des claquettes. Un style que la plupart des footballeurs d’aujourd’hui semblent avoir adopté. Pour mieux récupérer ? Pas forcément, selon Arnaud Ducret, podologue sportif dans le 12^e arrondissement de Paris : « Je pense qu’il s’agit avant tout d’une question d’hygiène. Dans un milieu humide, comme les vestiaires, les bactéries, comme les verrues ou les mycoses, ont tendance à proliférer, et le port de claquettes permet de protéger les footballeurs à ce niveau-là. » Pour ce professionnel du pied de sportif, l’hygiène est d’ailleurs la seule véritable raison à ce look d’Allemand en vacances, tant l’aspect « récupération » appartient au domaine du psychologique : « À part le fait de libérer un peu le pied, techniquement, la claquette n’a pas réellement un grand intérêt

chez les footballeurs en matière de récupération. Même la claquette de piscine, avec ses petits coussinets, n’a pas réellement d’effet sur le pied, même si elle peut créer un petit massage, ça reste dérisoire comme action. » Si son impact sur la récup’ est donc inexistant, la claquette a au moins l’avantage d’être pratique pour nos amis les footeux, comme le souligne Arnaud Ducret : « Il y a également une question pratique, les footballeurs enchaînent souvent les soins, que ce soit avec les kinés, les masseurs, et c’est clairement plus rapide d’enlever des claquettes que de devoir défaire des lacets et des chaussures à chaque fois. » Mais outre les questions d’hygiène ou pratique, les footballeurs donnent également dans la claquette pour son côté confortable, tout simplement. Adrien Regattin : « Les claquettes, c’est juste que t’es mieux dedans. Franchement, c’est quand même vachement plus confortable de traîner en claquettes que compressé dans des baskets. » Après tout, lorsqu’ils squattent les locaux de Clairefontaine pendant un mois, les joueurs de l’équipe de France sont un peu chez eux au sein du Château. Et chez soi, on aime bien se sentir à l’aise, comme l’explique si bien l’ancien Toulousain : « Quand t’es chez toi, t’es quand même plus à l’aise en chaussons. Bah là, c’est pareil, c’est une question de confort. »

Si le côté confortable reste indéniable, il n’empêche que dans le cas de Paul Pogba, le problème n’est pas la claquette, il est même beaucoup plus important que ça pour Robert Nouzaret qui reste intransigeant à ce sujet : « Si vous demandez à tout le monde de venir en baskets et qu’un mec se pointe en claquettes, c’est que quelque chose ne va pas. Si vous ne dites rien et qu’ils font ce qu’ils veulent, il n’y a aucun problème. Mais s’il y a une rigueur qui est mise en place, il faut la respecter, c’est tout. » Et même si selon l’ancien entraîneur de l’ASSE,

il y a également un petit aspect mode à prendre en compte – « quand tout le monde est habillé pareil, c’est classe » –, le principal problème reste que tout le monde soit fidèle aux règles de vie du groupe, pour ne pas qu’une fracture ne se crée pas au sein de celui-ci : « À partir du moment où il y en a un qui ne fait pas ce que tout le monde fait, c’est dangereux pour le groupe. La rigueur qu’on retrouvera sur le terrain, elle commence par ce genre de petits détails, et du moment qu’une règle est établie, on la respecte, point barre. » L’affaire soulevée par L’Équipe s’inscrit donc dans une logique disciplinaire plutôt qu’un véritable combat mené par Deschamps contre la claquette. Un combat qu’Adrien Regattin ne mènera jamais : « Dès que j’arrive à l’hôtel, j’enlève mes baskets et tu ne me vois plus avec, je ne suis qu’en claquettes, avec ou sans chaussettes. Comme ça, mes pieds, ils sont bien, ils respirent. » Et c’est important de laisser respirer ses pieds.