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Buvette : « J’ai écrit plusieurs lettres à Stéphane Chapuisat »

Propos recueillis par Félix Barbé
8 minutes
Buvette : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J&rsquo;ai écrit plusieurs lettres à Stéphane Chapuisat »

Pas forcément évident de se passionner pour le football quand on naît à Leysin, une station de ski de 3 000 habitants, qui vous oblige à vous entraîner en salle tout l’hiver en raison d’un terrain recouvert de 30 centimètres de neige. C’est pourtant le cas de Cédric Streuli, plus connu sous le nom de Buvette, un artiste suisse de 34 ans, qui a sorti le 31 janvier dernier son album 4Ever. Rencontre avec un homme à part, fan inconditionnel de Stéphane Chapuisat.

Où as-tu grandi et en quoi cela a affecté ton style musical ?J’ai grandi à Leysin, un village des montagnes suisses, où il y avait un seul endroit assez plat pour qu’il y ait un terrain de foot. Je fais de la musique qu’on qualifiera d’électro-pop. Je suis toujours intéressé par le relief, et j’essaie donc d’avoir une grosse marque de contraste dans tous mes sons. L’idée est de pouvoir exprimer beaucoup d’énergie à travers des mélodies un peu plus tranquilles.

As-tu toujours eu l’idée de percer dans la musique ou est-ce venu plutôt sur le tard ?C’est venu très progressivement.

Au départ, je voulais vraiment percer dans le foot. Ça a occupé une énorme place dans mon enfance. Gamin, je jouais six ou sept heures par jour le samedi et le dimanche avec mes potes.

Au départ, je voulais vraiment percer dans le foot. Ça a occupé une énorme place dans mon enfance. Gamin, je jouais six ou sept heures par jour le samedi et le dimanche avec mes potes. On était dans un tout petit village, donc on était hyper contents quand il y avait d’autres gens qui venaient de villes aux alentours. Ensuite, quand j’ai commencé la musique à l’adolescence, le but premier n’était pas de percer. J’ai étudié la photographie, et je jouais de la batterie en loisir dans différents groupes. Le projet Buvette a commencé il y a dix ans. Il n’y avait pas forcément la volonté d’en vivre, car mon style de musique n’est pas vraiment commercial, comme ce qu’on peut écouter habituellement à la radio. Ça fait un peu plus de six ans que je me dis que j’aimerais vivre de ma musique et ne faire que ça dans la vie.

Ce nom de Buvette, il vient d’où ?En Suisse, il y a des buvettes un peu partout. Ce sont des endroits où tu restes debout et où tu peux boire un coup, avec des gens qui kiffent la même chose que toi. Si c’est en montagne, ce sont des gens qui aiment marcher. Si c’est au stade, ce sont des gens qui aiment le foot. J’aime cette idée du rassemblement. À l’époque où j’ai commencé ce projet, je travaillais comme barman dans mon village. Quand je rentrais tard chez moi, vers deux heures du matin, je me mettais à faire un peu de musique tous les soirs. Et puis, petit à petit, j’ai commencé à mettre des paroles sur ces mélodies, et elles parlaient toutes du bar et de ses clients. Dans le même temps, on se faisait un délire avec un pote sur le fait de savoir quel était le pire mot de la langue française. Pour lui, c’était « buvette » . Et donc, un peu à contre-pied, je me suis appelé comme ça dès que j’ai eu mon premier concert.

Tu penses qu’il y a des points communs entre une carrière d’artiste et une carrière de footballeur ?Il y a des similitudes. Regarde, dans certains groupes de six personnes, il y a deux personnes que tu connais. Cite-moi les autres Rolling Stones que Mick Jagger et Keith Richards… Dans le foot, c’est pareil avec certaines stars qui ont des ego plus forts que d’autres. En revanche, la carrière de musicien est plus longue : tu peux encore sortir des titres à 90 ans. Après, il faut le dire, le footballeur qui réussit aujourd’hui va se faire beaucoup plus d’argent que le musicien qui réussit. Il y a 40 ans, c’était complètement l’inverse. Les musiciens se faisaient des couilles en or, alors que dans le foot, il n’y avait pas l’argent qu’il y a maintenant.

Personnellement, d’où te vient ta passion pour le foot ?De mon père, comme la musique d’ailleurs. Il jouait au foot et faisait partie du FC Leysin.

Le footballeur qui réussit aujourd’hui va se faire beaucoup plus d’argent que le musicien qui réussit. Il y a 40 ans, c’était complètement l’inverse. Les musiciens se faisaient des couilles en or, alors que dans le foot, il n’y avait pas l’argent qu’il y a maintenant.

J’allais avec lui le samedi aux matchs, dès que j’avais quatre ans, et je restais au bord du terrain à papillonner autour de tout le monde. C’était des matchs de quatrième ligue suisse. J’ai toujours aimé être au bord du terrain. Ensuite, mon père, qui était supporter du FC Zurich, a commencé à m’emmener voir les matchs, et m’a transmis la fibre de ce club.

Ta relation avec le foot a-t-elle un lien avec celle que tu peux avoir avec la musique ?Je pense. Ce que j’aime dans le foot, c’est le beau jeu. Je peux être en train de voyager en Amérique du Sud et voir un super match entre deux équipes dont j’apprends presque à la fin du match qui elles sont. C’est exactement pareil dans la musique. Je suis plus intéressé par le fait de voir un concert avec 40 personnes dans une salle paumée, complètement fascinées par ce qui se passe. Selon moi, on passe un moment d’intensité émotionnelle et de partage beaucoup plus fort que d’aller voir une superstar dans un stade. J’avoue que, dans le football, j’aime bien quand David gagne contre Goliath. J’en ai un peu marre des Manchester, Real Madrid, Bayern… J’adore quand une petite ville sortie de nulle part vient se mêler à la lutte pour le titre, par exemple. Malheureusement, c’est quelque chose qui appartient plutôt à l’ancien foot, quand il y avait un peu moins de fric.

Ton idole, c’était qui ?Petit, j’étais hyper fan de Stéphane Chapuisat, bien qu’il ne jouait pas au FC Zurich. C’était le joueur du pays qui réussissait super bien, lorsqu’il évoluait au Borussia Dortmund. D’ailleurs, je lui ai écrit plusieurs lettres. Et à l’époque où la Suisse partait jouer la Coupe du monde 1994 aux États-Unis, je me souviens que les joueurs étaient en stage à Ollon, pas très loin de chez moi. J’étais allé les voir et ils m’avaient tous dédicacés mon album Panini, dont lui. J’avais huit ans, c’était un super moment.

Le championnat suisse est depuis plusieurs années dominé par les Young Boys Berne et Bâle. C’est plus compliqué pour Zurich, qui est d’ailleurs descendu en deuxième division en 2016. Comment tu l’avais vécu ?C’était dur. Surtout pour moi qui ai déjà vu Zurich gagner le championnat. Il y avait un truc à changer, dans l’entraînement, le management, les joueurs…

Et justement, l’année suivante, Zurich est directement remonté en première division, puis a remporté la Coupe de Suisse…C’est le propre de la Suisse ! Malgré la domination des Young Boys et de Bâle, il y a régulièrement des surprises. Tu vois, cette année, Saint-Gall est leader du championnat, alors que ça a toujours été une équipe qui oscillait entre la cinquième et la neuvième place. C’est cool pour eux, c’est une des rares villes en Suisse qui respire le foot. Les gens aiment leur club.

Qu’est-ce qui manque à la Suisse pour devenir vraiment un pays de foot ?On a beaucoup de disciplines alors que nous ne sommes que 7 millions de personnes. Les jeunes ne savent pas s’ils veulent faire du ski alpin, du hockey, du foot, du tennis… Il y a un peu trop de possibilités sur un petit territoire.

L’Euro arrive bientôt, et pour la première fois, il va se dérouler un peu partout en Europe. La Suisse jouera d’abord à Bakou, puis à Rome, avant de revenir jouer son troisième match à Bakou. Ça t’inspire quoi ?(Il soupire.) C’est comme la Coupe du monde au Qatar, je trouve ça insensé. Ça amène énormément de gens loin de là où le foot se joue historiquement. Si tu organises une Coupe du monde au Brésil, il y aura certes des Européens qui vont traverser l’Atlantique pour aller la voir, mais tu vas aussi avoir des Uruguayens, des Chiliens, des Argentins, qui vont faire le court déplacement. Ça, ce sont des pays de foot ! Pourquoi y a-t-il des matchs en Azerbaïdjan ? Comme le Qatar, ce n’est pas un pays réputé pour le foot. À ce moment-là, pourquoi ne pas organiser une compétition de ski alpin en Afrique du Sud ? Et puis, à une époque où on nous parle de conscience écologique, des centaines d’avions vont être affrétés pour que les fans puissent suivre leur équipe… C’est attristant.

La Suisse sera dans le groupe de l’Italie, du pays de Galles et de la Turquie. Un pronostic sur le parcours de la Nati ?Ça va être chaud… Heureusement, l’Italie n’est plus dans cette époque où si tu l’avais dans ton groupe, c’était forcément elle qui était devant. Allez, je me lance… On va finir deuxième, et pour la première fois depuis longtemps, on ira en quarts de finale. On va perdre contre le Portugal, ce qui sera un petit séisme en Suisse au vu de la forte communauté portugaise. Et pour la victoire finale, il y aura une surprise. La Tchéquie va gagner l’Euro 2020 !

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Propos recueillis par Félix Barbé

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