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Buts de légende (1er) : Dennis Bergkamp, et même le temps s’arrête

Par Simon Capelli-Welter
Buts de légende (1er) : Dennis Bergkamp, et même le temps s’arrête

Il suffit d'un contrôle, d'une frappe, d'un but. Ou quand, l'espace d'un enchaînement contre Newcastle (ou l'Argentine), l'attaquant hollandais défit les lois de la pesanteur, pour mieux redéfinir le foot.

Finalement un but, c’est quoi ? Un peu de tout et parfois même un peu n’importe quoi. Une reprise de volée parfaite de son pied faible. Une chevauchée folle en éliminant tout un pays et son histoire. Une talonnade aérienne sur un corner. Une combinaison inoubliable entre des joueurs qui donnent l’impression de se trouver les yeux fermés. Un retourné digne d’Olive et Tom qui qualifie son club en Ligue des champions à la dernière seconde. Des feintes de corps, un gardien cloué au sol et un ballon poussé dans des filets qui n’attendent que ça. Un toque tout en contrôle, des redoublements de passe, puis la faille, et enfin le but. Le but, ou le but même du football.

Et le but, au fond, c’est quand même souvent le même enchaînement de gestes, qui se décline en trois temps : un contrôle pour enrhumer son défenseur, un mouvement du bassin pour se replacer avant de placer un tir (ou plutôt une passe au filet) pour mettre le ballon hors de portée du portier. De là, à partir de ces trois gestes, des milliards de combinaisons sont possibles. Plus ou moins belles. Précises, inventives, rares. Exceptionnelles. De toutes, c’est celle de Dennis Bergkamp la plus belle. Sous le maillot d’Arsenal, contre Newcastle, le 2 mars 2002, à la 13e minute.

Ou, comme l’explique Wikipedia : « Sur une passe de Pires à environ 30 mètres de la surface, Dennis Bergkamp, dos au but, réalise à l’entrée de la surface, pour réceptionner la passe de son coéquipier, un contrôle de l’intérieur du pied gauche lui permettant de faire passer la balle derrière lui, la balle contournant son adversaire direct (grand pont) et lui-même pivotant dans le sens contraire, dans le but d’éviter ce défenseur trop proche, Níkos Dabízas. Après avoir esquivé le tacle de ce dernier, il enchaîne sur une frappe du plat du pied allant s’enfoncer dans le petit filet. »

Maintenant, si l’on remplace Wikipedia par l’auteur du chef-d’œuvre, Dennis Bergkamp en personne, les explications se font encore plus savoureuses : « Ce n’est pas forcément facile à expliquer, mais pour le coup, ça a sans doute à voir avec le fait que tout ce qu’un attaquant souhaite, c’est marquer. Si la première pensée qui m’était passée par la tête avait été :« Je vais contrôler et passer », je n’aurais jamais fait ce truc. Mais le premier truc auquel j’ai pensé sur cette action, c’est :« Je veux marquer, peu importe comment je récupère ce ballon. »Trois mètres avant que le ballon n’arrive dans mes pieds, j’avais déjà pris ma décision :« Je vais le retourner. »Je n’avais pas forcément réfléchi à l’endroit où était Dabízas, mais je savais où il était. Je le savais. Dans ces situations, tu sais d’instinct où le défenseur va être, tu sais que ses genoux vont s’écarter un peu et qu’il ne pourra pas se retourner. Et surtout qu’il ne s’y attendra pas. L’idée, c’était juste :« Récupère le ballon et on verra. »Peut-être que le défenseur le bloquera, ou que ma pichenette ne sera pas assez longue, ou peut être qu’il réussira à l’anticiper et sera en avance. Mais peut-être aussi qu’il sera surpris et que ce sera moi qui aurai de l’avance. C’est assez instinctif, c’est quelque chose que tu acquiers au fur et à mesure que tu empiles les matchs et les entraînements. Tu sais que la balle va rebondir, tu sais comment le défenseur va se placer, tu sais où le ballon va aller quand tu le pousses, et tu sais où est le gardien. C’est pas comme si tu faisais ça pour la première fois. Ensuite, lorsque je me retrouve avec la balle en plein milieu de la surface, je dois prendre une décision. Si je tire du gauche, il va falloir plus qu’un bon tir, parce que l’angle est fermé, je ne peux pas vraiment orienter la balle comme je veux. Mais si j’arrive à me mettre sur mon pied droit… »

La suite est connue de tous. Un but tellement sublime que même le temps s’est arrêté pour le contempler. Pourtant, ce but n’est même pas le préféré de son auteur. L’astre hollandais reconnaissant ainsi que « le facteur chance est capital. Si le défenseur recule d’un seul pas, c’est fini. Ce n’est pas un but si pur que ça. Le buts que j’ai pu mettre contre Leicester ou l’Argentine, eux, étaient purs : quand la passe arrive, je sais ce que je veux faire : contrôle, balle à l’intérieur, but. » Contre Leicester, le 27 août 1997, Dennis va ainsi coller un triplé que certains qualifient tout simplement de plus beau de l’histoire. Il faut voir la tronche des buts.

Et il faut surtout écouter parler le maître, d’abord à propos du premier de ces trois buts. Celui du corner. « Au corner précédent, j’avais vu que j’avais de la place à cet endroit, donc j’ai dit à Marc Overmars :« Au prochain, cherche-moi là. »Ensuite, tu as juste à essayer. Mais j’ai le sentiment que n’importe qui peut marquer comme ça. Enfin, peut-être pas n’importe qui, mais tu n’as qu’à viser le but. » Tu n’as qu’à viser le but… Facile à dire. « Mais en fait, mon préféré, c’est le troisième but. Il est mieux, plus technique. Tu dois faire beaucoup de mouvements pour te sentir libre, pour contrôler la balle, pour marquer le but. Ça a commencé un peu avant, par un échange de regards avec David Platt.« Je la veux là ! »David Platt était un joueur qui pouvait voir les espaces, il pouvait donner la balle où tu la voulais. Ensuite, tu te lâches et tu y vas : tu t’éloignes un peu du défenseur. Puis la balle arrive, et c’est parti : la première pensée va pour le contrôle du ballon. Il faut le contrôler de telle façon qu’au second contact, je puisse faire quelque chose d’utile avec. Donc, en gros, le ballon doit être calé après le contact. Mort. Pas un mètre plus loin. Raide mort ! Une fois que j’ai fait ça, je peux penser à :« OK, j’ai la balle ici et je veux aller là. »Ça, c’est sur le deuxième contact. À ce moment-là, le ballon est encore en l’air. Le défenseur ne peut pas s’adapter. Parce qu’on va tous les deux dans un sens, mais de nous deux, je suis le seul qui sais où il veut aller. On peut penser que je vais aller vers le côté gauche, mais si je fais ça, j’aurai un pas de plus à faire. Moi, je pense à aller le plus vite possible. Donc j’utilise mon pied droit. Et j’ouvre mon pied tout de suite. Je suis en un contre un avec le gardien, mais il y a des joueurs qui reviennent. Mon troisième contact doit donc être un tir au but. Et il doit être précis. » Et le Hollandais n’est pas emmerdé par le concept de précision.

Reste que le but le plus célèbre de Dennis Bergkamp reste sans doute celui marqué lors de Hollande-Argentine à la dernière minute du quart de finale de la Coupe du monde 98, à Marseille, le 4 juillet 1998. Ce but, que Dennis lui-même considère comme son plus beau. « Pour le geste, mais aussi pour tout ce que ça représente. C’est un but qui nous emmène en demi-finale de la Coupe du monde, un stade énorme, une foule fantastique qui regarde et nous supporte… J’aime le beau football, mais ça doit avoir un sens. Cela doit m’emmener quelque part. C’est ce qui s’est passé avec ce but. »

« Encore une fois, quand la balle arrive sur moi, je n’ai qu’une idée en tête : créer ce petit espace qui me permettra d’aller au bout. D’abord tu récupères le ballon. Ensuite… Bon, Frank(de Boer, ndlr)sait exactement ce qu’il va faire. On s’était vus. Juste un instant. Je le regarde, il me regarde, et je saisis qu’il va me donner le ballon. Alors je cours aussi vite que je peux. J’ai dû mettre cinq ou six mètres au défenseur sur cet appel. Ensuite le ballon arrive au-dessus de moi. Là, deux options. La première : je le laisse rebondir et je le contrôle au sol. C’est le plus facile, mais je risque de me retrouver au niveau du poteau de corner. La seconde : sauter et essayer de le récupérer en l’air. Ce qui implique aussi de contrôler la balle en l’air. La contrôler complètement. Et après, c’est comme le but contre Leicester : je dois la prendre de l’intérieur parce que le défenseur se dirige vers moi. Je ne m’inquiète pas de l’angle de mon pied, parce que c’est quelque chose que je fais tout le temps : je sais comment contrôler presque n’importe quel ballon. Ce que je veux, c’est être hyper stable. C’est une question d’équilibre. Tu dois rester aussi calme et immobile que possible, comme si tu te tenais debout sans bouger… Mais en l’air, et en contrôlant le ballon. Si je bouge, le défenseur peut le récupérer. Donc il faut que je le garde sur l’intérieur du pied. Voilà. Ensuite, quand je le récupère, je pense juste :« C’est la première étape. »Parce que je sais que la séquence entière, c’est trois touches. Et je sais que je ne peux arriver à la seconde étape que si la première se passe bien. Si la balle était allée plus loin que prévu, j’aurais dû me réajuster. »

Sauf que la balle n’est évidemment pas allée plus loin que prévu. Que tout s’est déroulé à la perfection. Dennis récupère la balle, de l’intérieur, il se débarrasse de Roberto Ayala et s’ouvre l’angle. Et là, au lieu de tirer du gauche, il place un extérieur du droit à vous réveiller les morts. « Parce que c’est ce que je sens le mieux à ce moment-là. C’est au milieu de mon pied et je me dis que ce n’est pas le bon angle pour la prendre du pied gauche. Alors je choisis de la prendre du droit, je vise le poteau opposé et hop. » Et hop… « C’est ce que je voulais. La mettre loin du gardien. Je ne me dis jamais qu’il peut l’arrêter. Je suis dans mon truc… Tu sais comment c’est. Parfois, tu es dans un état d’esprit où tu te dis :« Ça ne peut pas foirer. Pas moyen ! »C’est comme si tout ce que tu avais vécu dans ta vie t’avait conduit à ce moment précis. »

Pourtant, au moment de célébrer ce but, Dennis ne savait pas quoi faire.

« Ouais… C’est marrant, quand on y pense. N’importe qui, môme, rêve un jour de marquer un but décisif dans ce style en Coupe du monde. Et voilà, ça m’est arrivé. Alors sur le coup, j’ai repensé à moi gamin, à moi à sept ou huit ans, à l’époque où je jouais au foot dans mon jardin. C’était ce moment ! »

Un moment précis qui justifie tout le vécu d’une vie ; un rêve de gosse qui s’accomplit. En plus de mettre les plus beaux buts, Dennis Bergkamp a les mots les plus justes pour les définir. Normal pour un mec qui, en fait, leur préfère la passe : « Marquer des buts, c’est génial, bien sûr. Mais faire la passe décisive, c’est vraiment ce que je préférais. Dans une époque comme la nôtre où il n’y a pas beaucoup d’espaces, tu sais que ces ballons vont faire la différence. Et moi, c’est tout ce que j’ai toujours voulu faire dans ma vie : la différence. »

Et quelle différence, au fond, qu’elle se fasse avec le plus beau des buts ou les plus belles des passes ?

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