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Bruno de Carvalho : « Rui Pinto a apporté les preuves à tout ce que je dénonçais depuis des années »

Propos recueillis par Alexandre Aflalo et Vincent Bresson, à Lisbonne
Bruno de Carvalho : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Rui Pinto a apporté les preuves à tout ce que je dénonçais depuis des années<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Dans l'affaire des Football Leaks, Bruno de Carvalho est un personnage ambivalent : en tant que président du Sporting CP, il a été l'un des premiers « hackés » par Rui Pinto et l'un des premiers à porter plainte, mais surtout l'un des rares à avoir retiré sa plainte. Trois ans après avoir été destitué de la présidence des Lions, Bruno de Carvalho, fervent opposant de longue date aux TPO, fait partie des soutiens du lanceur d'alerte portugais. Entretien tout en folie sur les dessous de la plus grande fuite de données de l’histoire.

Bruno de Carvalho n’est pas un type ordinaire. Et il le sait. À la fin d’un entretien de plus d’une heure et demie mené dans le cadre de l’enquête sur Rui Pinto, à retrouver dans le dernier numéro de SO FOOT, l’ancien président du Sporting Portugal lance en souriant : « Vous me trouvez fou ? » Sur la forme, Bruno de Carvalho est bel et bien un doux dingue. De ceux qui font des grands gestes en parlant et qui, dans chacun de leurs propos, sont animés par la passion. Mais dans le fond, rien de tout ça : Bruno de Carvalho a beau avoir ce grain de folie dans la voix, ses idées sont très claires. Et il prend les Football Leaks très au sérieux.


Le Sporting a été le premier club visé par le blog Football Leaks, à sa création en septembre 2015, et le premier à porter plainte dans ce dossier. Est-ce que vous pouvez nous raconter comment vous avez vécu les débuts de cette histoire ? Au départ, on n’avait même pas de notion de « Football Leaks » . On a juste vu des documents qui ont commencé à fuiter. Et sur 50 documents, 49 concernaient le Sporting. C’était surtout des contrats passés avec Doyen pour certains joueurs, comme Rojo ou Labyad, qui avaient été signés par la précédente administration (Bruno de Carvalho a été président du SCP de 2013 à 2018, et les contrats en question avaient été signés entre 2011 et 2013 par l’équipe du précédent président, Godinho Lopes, NDLR). Je n’étais pas malheureux de voir ces documents fuiter, parce que ces contrats étaient si mauvais, si étranges… Je ne dirais pas que j’étais heureux, mais ce n’était pas une sensation désagréable. En fait, c’est comme si tu rentres chez toi et que tu te rends compte que tu as été cambriolé. Bon, ce n’est pas agréable. Puis, tu te rends compte que les voleurs n’ont pris que des mauvaises choses. Donc tu es triste et en colère que quelqu’un ait pénétré chez toi, mais d’un autre côté, ils n’ont embarqué que les meubles encombrants que tu voulais balancer depuis cinq ans, donc ce n’est pas si mal. Bon, ensuite, certains documents sur notre restructuration financière ont commencé à sortir, et ça c’était déjà un peu plus gênant pour nous.

Il ne faut pas oublier qu’avant d’apparaître sur le blog, certains documents avaient été divulgués à la télévision par Pedro Guerra et António Simões, des proches du Benfica. Ça ne vous semble pas bizarre ? Ce serait quand même hilarant qu’on découvre que Rui Pinto, qui vient de Porto, aurait pu envoyer des documents à Benfica en premier lieu.

Qui pensez-vous être à l’origine des fuites, à ce moment-là ? Est-ce que vous cherchiez une taupe dans vos rangs ?La première chose que l’on s’est dite, c’est que c’était l’un de nos rivaux. Parce que ça ne concernait que le Sporting ! « Sporting » , « Sporting » , « Sporting » , c’est quoi ce truc ? Surtout qu’il ne faut pas oublier qu’avant d’apparaître sur le blog, certains documents avaient été divulgués à la télévision par Pedro Guerra et António Simões, des proches du Benfica. Ça ne vous semble pas bizarre ? Comment ont-ils pu avoir connaissance de ces documents avant qu’ils n’apparaissent sur le blog ? Et puis, il y a eu une rumeur qui disait que c’était un collectif de journalistes. Ils avaient l’air très heureux de ces révélations. Personne n’imaginait que ça allait se développer en Football Leaks tels qu’on les connaît aujourd’hui. Ce n’est qu’après des années, quand ils ont arrêté Rui Pinto et qu’ils l’ont identifié comme « John » , que je me suis dit : « Ok, c’était sans doute lui. » À un moment, j’ai effectivement pensé qu’on avait une taupe au sein du Sporting et qu’elle envoyait les documents directement aux journalistes. Quand on a porté plainte, j’ai dit aux policiers qu’ils devaient également m’entendre comme suspect. Pourquoi ? Parce que je faisais partie des personnes qui avaient accès aux documents qui ont fuité. J’aurais très bien pu être la taupe !

Vous avez mené une enquête en interne pour identifier l’origine des attaques ? Savoir comment vous avez pu être hacké ?Oui, bien sûr qu’il y a eu une enquête ! Les informations qui se trouvent dans le dossier du procès, ce sont des informations que l’on avait aussi au Sporting. Mais je ne sais pas si tout est 100% exact. Certaines choses demeurent assez floues pour moi, notamment au niveau des timings. Par exemple, dans l’accusation, il est marqué que les attaques de Rui Pinto ont causé une panne informatique pendant trois jours au niveau des boîtes mails du Sporting, le 22 septembre 2015, et qu’il a tenté de pénétrer la première fois notre système à 18h55. Mais nous, on a signalé un problème ce jour-là dès 9h06 du matin ! Donc que s’est-il passé ? Ce n’est pas clair pour moi que ce soit lui. S’il est entré en fin de journée, pourquoi nos employés ont-ils signalé ça à 9 heures ?

Ça aurait pu être lui, mais quelques heures plus tôt…Qui serait passée totalement inaperçue aux yeux de la police ? Ils ont des pages et des pages détaillées de toutes ses tentatives de connexion à notre système, mais ils seraient passés à côté de celle-là ? Je l’ai dit au procès : pour moi, ce serait quand même hilarant qu’on découvre que ce gamin, qui vient de Porto, aurait pu envoyer des documents à Benfica en premier lieu. Il faudrait lui demander… Ce serait intéressant. Est-ce que j’y crois ? Si j’écoute mon instinct, non. Et dans ce cas, peut-être qu’il y a quelque chose de caché, autre que les attaques de Rui Pinto. Peut-être que plusieurs personnes nous ont hackés, mais que c’est lui qui s’est fait prendre.

Instagram vs Reality

Dans cette histoire, on a l’impression que Rui Pinto est pris au milieu d’une guerre entre les différents grands clubs portugais, non ?C’est pour ça que je trouverais ça fascinant qu’il ait donné des documents à Benfica ! Parce que Benfica sont les premiers à avoir porté de sérieuses accusations contre Rui Pinto et que ce sont les plus farouchement opposés à lui. Au Portugal, la rivalité entre les clubs peut être très étrange. À la fois normale et étrange. Normale parce que c’est normal pour les gros clubs de ne pas s’apprécier. Mais étrange parce que je ne pense pas que les clubs soient motivés par des valeurs, mais par leurs petits intérêts. Ils ne font que ce qu’ils pensent être le meilleur pour eux. Moi, je suis très honnête avec vous. Quand je vous ai dit que j’étais heureux de la fuite des contrats de Doyen Sports (fonds d’investissement également concerné par les Football Leaks, NDLR), c’était vrai. Parce que j’aurais dû sortir le discours institutionnel : « J’étais en colère, bla bla bla… » Mais non. J’ai toujours combattu Doyen et toutes les mauvaises pratiques qu’ils représentent. Sauf que les autres clubs qui soutiennent aujourd’hui Rui Pinto – et j’en suis heureux pour lui – n’étaient pas de son côté à l’époque. J’étais seul dans mon combat contre Doyen. Certaines positions ont évolué et tant mieux, mais est-ce parce que les clubs suivent leurs valeurs, ou le sens du vent ? Moi, je me bats pour mes valeurs. Si soutenir Rui Pinto donne aux autres clubs une bonne image, ils le feront, peu importe s’ils pensent qu’il a bien ou mal agi.

Si je tue quelqu’un, je suis libre parce que tu m’as démasqué en hackant ma boîte mail ? Non. Toi, tu vas au tribunal pour hacking, et moi pour meurtre.

Et vous, vous pensez qu’il a bien agi ?Non. Non, non, non ! Je ne peux pas vous dire que je soutiens le fait d’avoir pénétré les adresses e-mail de personnes sans leur consentement, le hacking, etc. Mais ce que j’ai dit au tribunal c’est que parfois, le résultat est tellement important, mais tellement important (il insiste), qu’il faut remettre les choses dans leur contexte. Ok, je n’aime pas que tu sois entré par effraction chez moi. Mais si en le faisant tu as trouvé des preuves d’autres crimes, je ne voudrais pas qu’on dise que ces crimes ne seront pas jugés parce qu’ils ont été découverts illégalement. Non ! Si tu juges un crime, tu juges tous les crimes. Si je tue quelqu’un, je suis libre parce que tu m’as démasqué en hackant ma boîte mail ? Non. Toi, tu vas au tribunal pour hacking, et moi pour meurtre.

Il y a ce dicton au Portugal qui dit « celui qui vole le voleur a cent ans de pardon ». Pour vous, ça devrait s’appliquer à Rui Pinto ? C’est vrai qu’aujourd’hui, le principal débat autour de Rui Pinto se résume à savoir s’il est un voleur ou un héros. La majorité des gens ne comprennent pas les mécanismes et la complexité des lois, et c’est comme si on voulait les garder dans cet état d’ignorance. Rui Pinto a découvert beaucoup de crimes et de criminels potentiels, est-ce qu’il est possible de dire aux gens qu’on ne peut rien faire parce que ça a été découvert par hacking ? D’un autre côté, est-ce que j’estime que n’importe qui doit pouvoir hacker n’importe qui ? Non, parce que je tiens à ma vie privée. Mais je veux que tous les crimes soient jugés de la même façon. Et c’est le cœur du débat au Portugal, parce que vous avez de nombreux avocats qui sont terrifiés par Rui Pinto. Pourquoi est-ce qu’ils se battent autant contre Rui, pourquoi estiment-ils que ce qu’il a fait est si mal et pourquoi essaient-ils à tout prix de le faire condamner pour qu’on oublie ce qu’il a découvert ? Parce que, et c’est mon sentiment, ce sont eux qui rendent ces pratiques frauduleuses possibles. Je pense que quasiment tout l’argent des TPO (pourThird Party Ownership, tierce propriété en français, un système permettant aux clubs de céder une partie des droits de leurs joueurs à des fonds privés, NDLR) passait par des cabinets d’avocats. J’ai eu plusieurs rendez-vous avec Jorge Mendes. À chaque fois, il me donnait rendez-vous dans son « bureau » . Où ça ? Dans un cabinet d’avocats ! Il est d’usage pour ces gens d’avoir leurs bureaux dans des cabinets d’avocats ! Je pense que les avocats ont très peur parce qu’ils ont été des facilitateurs. Ils ne diront jamais qu’ils sont inquiets, évidemment. Ce sont des avocats, vous comprenez… ils travaillent avec les lois. Mais ça ne veut pas dire qu’ils les respectent pour autant.

Si tu voulais prolonger le contrat du joueur, tu devais d’abord demander l’autorisation de Doyen. Si tu ne le faisais pas ? Il fallait leur payer tant. À ce stade, ce sont eux qui prennent les décisions, plus moi. Tu possèdes le joueur, donc tu me possèdes aussi.

Parlez-nous de votre relation avec Doyen : comment était-elle lorsque vous étiez président du Sporting ?Très mauvaise. Il y a une loi sacrée dans le milieu du football : personne, PERSONNE, ne peut interférer avec ton management. C’est une règle qui est très claire aux yeux de la FIFA et de l’UEFA. Et puis, il y a eu la TPO. Sur le papier, il n’y a aucune raison que la TPO n’interfère avec ton management : tu détiens 60% du joueur, moi 40%, donc si je vends on partage. Tu recevras ta part, mais la décision reste la mienne. Avec Doyen, c’était différent. Si tu voulais prolonger le contrat du joueur, tu devais d’abord demander l’autorisation de Doyen. Si tu ne le faisais pas ? Il fallait leur payer tant. Si tu veux prêter le joueur, il faut demander avant. Si tu prêtes le joueur sans le consentement de Doyen, tu leur dois tant. À ce stade, ce sont eux qui prennent les décisions, plus moi. Tu possèdes le joueur, donc tu me possèdes aussi. Comme je vous ai dit, les contrats avec Doyen avaient été signés par l’administration précédente du Sporting. Quand je les ai découverts, je me suis dit : « Mais comment est-ce possible ? » ! Le club avait d’autres contrats de TPO, avec d’autres fonds d’investissement, mais aucun de la sorte. C’est allé très loin, avec Doyen. Des gens m’ont appelé, au téléphone, disant qu’ils venaient de la part de Doyen, ils m’ont menacé et ils ont menacé mes enfants. S’ils avaient voulu trouver une solution amiable avec moi, peut-être que je n’aurais jamais engagé cette guerre contre eux.

Cette guerre était-elle contre Doyen ou contre la TPO en général ?Pourquoi la TPO est apparue, au départ ? Pour donner des solutions financières aux clubs. Rien de plus, juste du business. Vous voulez acheter un joueur, vous n’avez pas les fonds ? « Moi, j’en ai. » Tu n’as pas d’argent ? « Ne demande pas à Dieu, demande moi. » Au Sporting, vous savez ce qu’il s’est passé ? Le Sporting n’avait pas d’argent. Doyen s’est présenté à l’administration avant moi en proposant son aide. Le résultat, vous pouvez le vérifier, c’est 100 millions d’euros de dette supplémentaire. On est passés de 400 à 500 millions d’euros de dette. Qu’est-ce que c’est que cette solution financière miracle où les joueurs ne t’appartiennent plus et tu perds encore plus d’argent ? C’était un miracle pour eux, ça c’est sûr. Si tu mets ton argent dans une banque, tu ne recevras jamais des millions en un ou deux ans. Dans le football, si ! Moi, je ne viens pas du football, je viens de la finance. Et tu peux me dire : « Bruno, tu as eu une mauvaise expérience au Sporting, mais d’autres clubs s’en sont bien sortis avec le TPO. » Ce à quoi je répondrai : cite m’en un seul. Un seul ! Et c’est pour ça que j’apprécie Rui Pinto, pas par rapport au hacking, mais par rapport au fait qu’il a apporté les preuves à tout ce que je dénonçais depuis des années ! Moi, j’étais les briques, et il m’a apporté le ciment. Il a montré au monde entier que ce que je combattais, ce que je dénonçais, c’était réel. Et je serais très en colère si rien ne changeait, juste parce qu’il a prouvé tout ça avec du hacking. Je serais très en colère parce que ce qu’il a trouvé, c’est réel, ce sont des crimes, des millions et des millions d’euros qui sont volés et détournés.

Vous avez porté le combat contre la TPO auprès de la FIFA, est-ce que vous êtes satisfait de la façon dont cela s’est déroulé ?C’est vrai. J’ai dit à la FIFA et à l’UEFA : « Vous avez un gros problème. Voilà ma suggestion : 1) Vous y mettez fin. Quand vous avez un membre qui gangrène, vous coupez, vous n’essayez plus de soigner. 2) Vous mettez en place de bonnes lois et de bons règlements pour encadrer l’entrée dans le football des fonds d’investissement et des entreprises financières comme celles-là ! Encadrez pour que les bons fonds d’investissement puissent entrer librement, parce que si vous ne le faites pas, les mauvais vont trouver des moyens de contourner l’interdiction et notamment en achetant les clubs. » Qu’ont fait la FIFA et l’UEFA ? Le plus facile, ils ont prononcé l’interdiction (de la TPO) et basta. Et qu’ont fait les fonds d’investissement ? Ils ont commencé à acheter les clubs.

Les clubs sont heureux parce que dans leur bilan, la valeur de l’équipe sur le marché dépasse leurs dettes. Pour quelqu’un qui vient du secteur de la finance, c’est complètement fou.

Avec le recul, pensez-vous malgré tout que l’interdiction de la TPO a été bénéfique ?Oui, à 100% ! Mais je n’ai pas aimé qu’ils s’arrêtent à cette décision, qui devait être la première étape. Ne pas faire l’étape suivante en même temps était une erreur. Regardez ce qu’il s’est passé avec le CD Aves (racheté par un fonds d’investissement en 2015, le club a été en proie à de très graves problèmes financiers en 2020, le contraignant à se retirer du championnat portugais cette saison, NDLR). N’importe qui peut acheter un club, et ça, c’est très très mal. Mais en règle générale oui, cette décision a été positive. Mais j’ai une question aujourd’hui : pourquoi le football est-il dans un si mauvais état financièrement ? Quasiment tous les clubs ont de graves problèmes financiers. Vous allez voir les grands clubs, ils ont 600 millions d’euros de dette, ils ne sont pas inquiets. Pourquoi ? Parce qu’ils ont des actifs. Ok, combien en actifs ? Quelle est ta vraie valeur ? Tu possèdes ton stade ? La plupart ne le possèdent pas et pour ceux qui le possèdent, ça vaut quoi, 200 millions ? Ok, quoi d’autre ? Les joueurs ! Ah, les joueurs… « Oui sur le marché des transferts, nos joueurs sont évalués à 800 millions d’euros ! » Donc tu as 800 millions d’euros fictifs sur un marché et 200 millions du stade, s’il t’appartient. Tout ça, comparé aux véritables 600 millions que tu dois. Et si quelque chose arrive aux joueurs ? Si le marché des transferts s’effondre et que tes joueurs qui valent 100 millions d’euros n’en valent plus que 2 ? Tu n’as plus rien. Donc en vrai, tu es fauché. L’économie du football, c’est prendre les vraies dettes des clubs et jouer avec les chiffres dans le bilan comptable pour équilibrer le tout. Les clubs sont heureux parce que dans leur bilan, la valeur de l’équipe dépasse leurs dettes. Pour quelqu’un qui vient du secteur de la finance, c’est complètement fou. Ces gens sont fous. Si je vais dans une vraie entreprise et que je dis à mes actionnaires que l’entreprise est viable parce qu’on a quelques mecs au 6e étage qui travaillent super bien, ils me tuent sur place ! C’est ça, le problème du football. Et c’est pourquoi Rui Pinto peut être si intéressant parce qu’il va falloir choisir quoi mettre au cœur de ce sport. Les joueurs ? Les entraîneurs ? Non, ce sont les clubs ! S’il n’y a pas de clubs, il n’y a pas de joueurs, pas d’entraîneurs, rien. Il faut arrêter les conneries. Bien sûr que les joueurs sont importants, bien sûr que ce sont des artistes. Mais sans club, ils ne sont pas grand-chose. Dans les médias, on ne parle que des joueurs, de Messi, de Ronaldo… Mettez en avant les clubs ! Ils sont en train de mourir ! Il faut remettre les clubs au centre du débat.

Toujours important, de bien s’étirer

Donc le problème du football aujourd’hui, ce sont les dirigeants qui prennent les mauvaises décisions financières ?Pas seulement. Regardez : quand je suis parti du Sporting en 2018, on devait exactement zéro euro à Jorge Mendes et à Gestifute (la société de l’agent portugais, NDLR). Quelques mois après mon départ, ça a commencé à grimper, grimper, grimper. Je crois qu’aujourd’hui, c’est quasiment 20 millions. (Il éclate de rire.) Ça n’a aucun sens ! 20 millions en deux ans, pour faire quoi ? Les clubs sont trop bêtes pour vendre des joueurs tout seuls, ils ont besoin des agents ? Mais les agents sont pour les joueurs ! C’est eux qui en ont besoin, pour gérer leurs affaires, pas nous ! Pourquoi moi j’aurais besoin de quelqu’un qui me dise comment acheter et vendre des joueurs ? Vous avez vu à quel point le business des agents a explosé ces dernières années ? Et à l’inverse, les clubs crèvent. Depuis le fair-play financier, les revenus des agents ont explosé. Comment est-ce possible ? C’est un non-sens économique total ! Rui Pinto peut être le point de départ d’un changement important dans le football, pour empêcher la disparition des clubs. Aujourd’hui, les clubs deviennent de plus en plus des marionnettes, impuissantes. On parle d’eux, on prend les décisions pour eux, comme s’ils n’existaient pas. Alors qu’ils sont encore en vie, pour l’instant.

C’est comme si on était dans un film où un type braque une banque et qu’il se rend compte que c’est la banque que possède la mafia. Donc il a deux problèmes : la police, et la mafia… Je pense que Rui Pinto a dû flipper, mais vraiment !

Pour revenir sur Rui Pinto, vous l’avez rencontré pour la première fois à son procès, comment l’avez-vous trouvé ? Il était calme, mais en même temps nerveux. Je ne pense pas qu’il avait idée de ce dans quoi il mettait le nez au début. Il a dû se rendre compte à un moment qu’il serait dans une situation très, très dangereuse. C’est comme si on était dans un film où un type braque une banque et qu’il se rend compte que c’est la banque que possède la mafia. Donc il a deux problèmes : la police, et la mafia. Je pense qu’il a dû flipper, mais vraiment ! C’est un gamin. Moi, je sais de quoi ces gens sont capables, et j’ai presque 50 ans. Il a dû se dire que c’était marrant, de voir l’envers du décor, de comprendre comment les clubs fonctionnent… Comme je vous l’ai dit, j’aimerais un jour pouvoir lui parler pour essayer de comprendre certaines choses qui ne sont toujours pas claires pour moi. J’espère que les gens comprendront qu’en réalité, ce qu’il a trouvé, ça peut être la fin du football tel qu’on le connaît aujourd’hui. Je ne suis pas Nostradamus, le fou qui crie partout que la fin du monde approche. Mais, croyez-moi, je ne comprends pas comment on peut survivre dans cette situation. Quand je suis arrivé au Sporting, on avait 500 millions de dettes. Je l’ai fait baisser à 350, et là elle est déjà remontée à 450, plus ou moins.

Pourquoi Bartomeu a été écarté du Barça ? Parce qu’il s’en serait pris aux joueurs. Qui possède les joueurs ? Les agents. Qui fait la loi dans le football ? Les agents. C’est ça, la réalité du football aujourd’hui.

Et encore, ce n’est presque pas grand-chose comparé au milliard d’euros de dettes annoncés pour le FC Barcelone, par exemple…Je ne connaissais pas les chiffres du Barça, je pensais que c’était moins que ça. Mais en parlant du Barça, vous avez vu qui est le nouveau président ? Laporta… Il n’était pas président avant Rosell et Bartomeu ? Ah si… Et Bartomeu qui va en prison parce qu’il aurait payé une entreprise pour dire du mal des joueurs. Vous y croyez ? N’importe qui peut se faire éjecter, maintenant. Pourquoi Bartomeu a été écarté du Barça ? Parce qu’il s’en serait pris aux joueurs. Qui possède les joueurs ? Les agents. Qui fait la loi dans le football ? Les agents. C’est ça, la réalité du football aujourd’hui. Regardez bien maintenant quels agents vont tenter de vendre des joueurs au Barça. Je le connais, Bartomeu. Il aime ce club à la folie, il a tout gagné là-bas. Et du jour au lendemain, il se retrouve en prison pour cette histoire ? Intéressant. Je connais des tas de présidents qui auraient pu se retrouver en prison pour des choses beaucoup plus graves que ça. Si quelqu’un me disait aujourd’hui qu’il voulait devenir président, je lui conseillerais d’aller dans une église et de faire exorciser ce démon qui est en lui. C’est quoi être président aujourd’hui ? « Oui, monsieur le joueur. Tout va bien ? Vous avez perdu 5-0, mais je suis très très heureux. Vous jouez si bien. Tout va bien. » Parce que si je commence à dire du mal des joueurs, peut-être que demain, ce ne sera plus moi le président. Donc j’espère que toute cette histoire avec Rui Pinto pourra apporter quelque chose. Parce que c’est beaucoup plus qu’une simple histoire de hacking, ou de football, c’est aussi à propos du nouvel ordre du football et de la place des agents dans ce nouvel ordre et de toutes les nouvelles façons de brasser de l’argent qu’ils ont amenées avec eux. Je n’aime pas trop Jorge Mendes, mais je lui tire mon chapeau. Le mec vendait des chapeaux à la plage, et aujourd’hui c’est le patron du football en Europe. Et ce sont les gens comme lui qui décident qui reste et qui part. Mais ils ne vont plus se débarrasser de toi en te zigouillant comme dans les années 1950 : ils vont te tuer socialement, ils vont tuer ta réputation. Ils vont te tuer, mais tu seras toujours en vie pour le constater. Ils ont quand même foutu Bartomeu en prison ! C’est dingue.

Copains d’avant

Pour aller plus loin, ça se passe dans le dernier numéro de SO FOOT, actuellement en kiosque et sur notre boutique en ligne.
Veretout, leader à tout faire

Propos recueillis par Alexandre Aflalo et Vincent Bresson, à Lisbonne

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