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Bonjour, bienvenue, bonne chance

Par Matthieu Pécot
4 minutes
Bonjour, bienvenue, bonne chance

Neymar débarque à Paris. L’heure est enfin venue de lui souhaiter la bienvenue. Ce que la France a parfois eu du mal à faire ces dernières années.

Le soleil a prévu de se coucher à 20h24, ce soir à Paris. Avant ça, pas mal de nuages. La pluie fera quant à elle son apparition vers 22 h et s’intensifiera sur le coup de 23 h, avant de tomber sans discontinuer jusqu’à 3 h du matin. Puis il sera 5h29, le soleil se lèvera et tout rentrera dans l’ordre. Mais qu’importe, après tout. Car quand elle ouvrira les portes de sa petite affaire demain matin, la boulangère n’aura pas à étaler son expertise météorologique pour entretenir un lien social puissant avec son client. Une phrase – n’importe laquelle – sur l’arrivée de Neymar au Paris Saint-Germain fera l’affaire. Si les choses se passent comme elles doivent se passer, d’ici dix jours, cette dame aura un bagage assez étoffé pour bluffer son fils autour du gigot dominical.

Que les choses soient claires : la boulangère (cela est également valable pour le marchand de fruits et légumes) a tout à fait le droit d’accaparer le sujet Neymar. Celui qui s’intéresse au football en dehors des périodes de fièvre (mercato, Coupe du Monde, oubli des paroles de La Marseillaise, débat sur une sextape) n’a pas plus le monopole sur ce dossier que Laurent Romejko ne l’a sur le crachin et les arcs-en-ciel. Reste que cette petite dame ne risque pas de se faire mal à l’épaule en enfonçant les portes ouvertes qui se présentent sur son chemin. Mais au fond, son argumentaire sera-t-il si éloigné des tirades moralisatrices qui se trouvent déjà à peu près partout : médias, réseaux sociaux, machine à café du boulot, machine à café de la maison ?

On a tout à fait le droit de trouver que ce monde fait d’injustices et de billets violets est une belle saloperie, de calculer combien d’euros par minute tombent sur le compte en banque de Neymar, de convertir ça en SMIC et de dépoussiérer sa Texas Instruments pour obtenir une estimation du nombre de bouches qui pourraient être nourries avec ce paquet d’oseille. On a aussi le droit de s’en foutre, de penser que le business est le business et de se servir de son BTS Compta’ Gestion pour expliquer en quoi les 222 millions d’euros de Neymar ne sont pas si choquants. Et si on veut frimer devant son interlocuteur moins bien armé sur le sujet, on peut agir comme dans la cour de récré en CE2 : en dégainant une grosse bulle de sa bouche, au détail près que celle-ci ne sera pas le fruit d’un Malabar mâchouillé depuis trois minutes mais simplement spéculative.

Neymar est arrivé à Paris et rares sont ceux qui n’ont pas d’avis sur son déménagement. L’ancien Barcelonais n’est certainement pas un être humain à plaindre, quoi que le fait de voir chacune de ses respirations décortiquées est une torture comme une autre. Alors oui, Neymar est peut-être la marionnette de son père, de Nike, du Qatar et de Jeff Panacloc. Tout ça, le géopoliticien le plus fatigant et le tenancier de bar PMU le plus fatigué sont capables de le prouver par A+B. Le mal est fait, toutes ces étapes ont déjà été franchies. Il est toutefois encore temps de se rattraper et de ne pas oublier une phase qui s’appelle l’hospitalité. De rappeler une banalité qui veut que Neymar, tout multimillionnaire qu’il est, débarque dans un nouveau pays et mérite un « bonjour, bienvenue, bonne chance » et pas grand-chose d’autre. La bienveillance, le respect et la politesse n’ont jamais été incompatibles avec le fait d’avoir une opinion sur un sujet. Or, la France et ses passionnés de foot n’ont pas toujours été irréprochables ces derniers temps lorsqu’il s’agissait d’accueillir un étranger. La défiance à l’égard de Zlatan Ibrahimović – dont le « pays de merde » était autant une défense qu’une attaque – en est un beau symbole, mais pas le seul. Quand Marcelo Bielsa ne dégaine pas un mot de français par peur de trahir ce qu’il veut dire, on lui reproche de ne pas faire d’effort. Quand Unai Emery s’installe pour la première fois de sa vie en France à 44 ans et décide d’abandonner la langue espagnole dès ses premières conférences de presse, on l’écoute à peine et préfère rire de son accent et de ses maladresses linguistiques. Même refrain pour Leonardo Jardim. Au mieux, ces attitudes ne sont pas méchantes. Dans tous les cas, elles ne sont jamais bienveillantes.

Et si, au lieu de préparer un tapis rouge ou de glisser des bâtons dans les roues de Neymar, ce gamin de 25 ans presque comme un autre, la France pouvait sobrement lui promettre une colocation saine ? Réservons les engueulades pour la boulangerie, quand le client de derrière tentera de nous doubler pour arracher le dernier éclair au café.

Dans cet article :
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Par Matthieu Pécot

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