- Affaire des quotas
Blanc comme neige
La polémique sur les quotas dans le foot s'était concentrée ces derniers jours autour du cas de Laurent Blanc, et sur fond de guerre fratricide entre les héros de 1998. Pourtant il ne fut quasiment pas question de lui lors de deux conférences de presse qui viennent de se tenir successivement à l'INSEP (pour madame la Ministre des sports) et au siège de la FFF (pour la commission d'enquête interne). Car, si tout le monde en a pris pour son grade, surtout la fédération, le sélectionneur national passe globalement à travers les gouttes.
Quels sont donc les résultats si attendus de ces deux commissions d’enquêtes, qui après s’être tirées la bourre pour arriver les premières devant la presse, étaient sensées, du moins partiellement, clore cet épisode douloureux ou du moins permettre au conseil fédéral d’y mettre enfin un terme? D’abord, elles ont validé le verbatim publié par Médiapart et globalement la chronologie qui avait été progressivement révélée par la presse (par exemple que ce fut lors du séminaire de Ouestream post-mondial que les premières salves contre les joueurs « de couleurs ou musulmans » furent tirées). Surtout elles convergent pour pointer les profonds dysfonctionnements au sein de la Fédération Française de Football, ainsi que les difficultés révélées de la sorte dans sa gouvernance et sa communication. Par exemple, l’enregistrement a bel et bien été transmis par Mohammed Belkacemi à André Prevosto, alors directeur général adjoint, qui, selon son témoignage devant la commission de la FFF, ne l’a juste pas donné au président Duchaussoy, sans fournir aucune raison ou justification !
Sur le fond, la ministre a rappelé que l’idée d’instaurer des quotas basés sur la binationalité s’avérait illégale et que, comme Patrick Braouezec l’a ensuite précisé en début d’après-midi, aucun début d’application n’a été recensé – toutefois, la suite de la réunion du 8 novembre devait se dérouler en juin prochain, et donc impossible de deviner ce qui auraient pu en être les préconisations finales -. Surtout, sans jamais le reconnaître explicitement, François Blaquart se retrouve au cœur du faisceau accusateur pour avoir manqué « d’exemplarité » (dixit Chantal Jouanno ), pour n’avoir pas su gérer, ni arrêter, des discussions qui dérivaient gravement et pour avoir avancer sur la table le concept fatidique de quotas. Laurent Blanc est de son coté présenté comme un candide débarquant au milieu d’une réunion brouillonne dont il ne maitrise pas le sujet, et qui s’affirme en colère « contre lui-même » , d’après Braouezec, pour les propos qu’il a fini par y proférer.
Les deux commissions se rejoignent aussi pour expliquer qu’elles ne veulent ou ne peuvent finalement rien faire en terme de sanction (pas matière à des poursuites judiciaires pour la Ministre, et en outre Monsieur est l’un des rares DTN non-payé par l’état). Seul Monsieur Belkacemi a eu droit à un rappel à la règle (pas d’enregistrement sans accord des personnes concernées) et devra surement renoncer à son poste, même si la ministre espère qu’il restera, avec ses compétences spécifiques dans le futsal, au service de la FFF. Patrick Braouezec va de son coté apporter les conclusions et recommandations de l’enquête au conseil fédéral qui décidera jeudi prochain de ce qu’il convient ou non de faire. En attendant, la ministre, tout comme le président de la fondation du football, ont préconisé de prodiguer une meilleure formation aux cadres, d’accentuer dans la fédération la lutte contre les discriminations et pour Patrick Braouezec de relier davantage la réflexion de la FFF aux débats de société. Courage !
Les seules distinctions notables se jouent sur des nuances et le vocabulaire, la ministre tentant malgré tout de minimiser la portée de propos, tandis que la commission FFF en reconnaît davantage la gravité. Enfin, face à la presse, leur réaction diffère sensiblement. Patrick Braouezec rend à demi-mot presque hommage à Mediapart, et le co-meneur de la commission, Laurent Devenas, signale qu’ils n’ont pas particulièrement recherché l’identité de la « fuite » car la protection des sources journalistiques s’avère indispensable dans une démocratie. En face, madame la ministre souligne dès l’introduction de sa présentation de ce matin que la polémique a finalement fait autant de mal que les faits reprochés. Laurent Blanc doit se dire la même chose.
Nicolas Kssis-Martov
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