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Billy Beane, des A’s à l’AZ

Par Matthieu Rostac
5 minutes
Billy Beane, des A’s à l’AZ

Jeudi dernier, l'AZ Alkmaar a annoncé la nomination au titre de consultant de Billy Beane, légende moderne du baseball popularisée par le film Moneyball. Le but ? Appliquer la super efficacité qui sauva les Oakland Athletics des années 2000 en Eredivisie. Si l'affaire semble un poil compliqué, c'est néanmoins l'occasion de découvrir un vrai fan de football et pas de soccer.

« Je suis vraiment très enthousiaste à l’idée de faire partie de l’AZ Alkmaar dans un rôle de consultant. Malgré sa riche histoire et son statut de grand club de football, l’AZ fait face à de nombreux challenges que nous connaissons aux Oakland A’s. » Ces mots, prononcés cette semaine, sont ceux de Billy Beane. Billy qui ? Un Américain de 52 ans qui, s’il partage le même patronyme que le personnage inventé par Rowan Atkinson, n’en a pas l’incroyable gaucherie. Entraîneur depuis dix-sept ans de la franchise de baseball Oakland Athletics, l’homme est avant tout connu pour avoir révolutionné son sport à l’orée des années 2000. Une aventure immortalisée dans le film de Bennett Miller, Moneyball (Le Stratège, en français), sorti en 2011 et dans lequel Brad Pitt et Jonah Hill se partageaient l’affiche. En appliquant les préceptes de la Sabermétrie – une nouvelle méthode empirique pour comptabiliser les performances des joueurs de baseball –, Billy Beane a fait d’une troupe de bras cassés en surface une équipe capable de rivaliser avec les mastodontes de la batte que sont les Yankees ou les Red Sox. Reste à savoir si la méthode, développée pour le baseball, peut également s’appliquer au football. Dans tous les cas, ce choix en dit long sur l’amour que Beane porte au ballon rond et sur la mutation amorcée par l’AZ.

Cap sur l’Amérique pour l’AZ

Une route vers les Amériques ouverte par Earnie Stewart il y a de ça cinq ans lorsqu’il est nommé directeur sportif du club en remplacement de Marcel Brands. L’ancien milieu de terrain, 101 sélections et quatorze ans passés avec le maillot des Stars and Stripes sur le dos, connaît bien les Pays-Bas pour y avoir passé la quasi-totalité de sa carrière, entre Willem II et NAC Breda. Sur le terrain, c’est Aron Johansson et ses vingt-cinq buts en deux ans qui représente les US of Alkmaar après le passage remarqué de Jozy Altidore entre 2011 et 2013. Mais depuis quelques mois, le club des Kassboeren a mis un peu plus de bleu et d’étoile dans le rouge et le blanc qui composent ses couleurs : en octobre 2014, Robert Eenhoorn est nommé directeur général de l’AZ. Dans le football néerlandais, personne ne connaît ce Rotterdamois de naissance. Et pour cause : le bonhomme œuvre dans le baseball. Ancien joueur des New York Yankees et des Anaheim Angels, Eenhoorn fut également entraîneur de la sélection nationale hollandaise entre 2001 et 2008. On n’avait plus vu un Américain aussi bien planqué dans un corps de Néerlandais depuis Paul Verhoeven. C’est d’ailleurs lui qui a décidé de ramener Beane au club. Parce que les États-Unis, c’est le culte de l’optimisation, de la performance, et Billy Beane n’en est que le plus bel exemple. Ce dernier aura pour mission de livrer les clés d’un succès à bas coût et à long terme, tandis que l’AZ Alkmaar et ses 22 millions de budget font figure de petit poucet à côté de l’Ajax et du PSV, jouissant respectivement de 65 et 60 millions d’euros cette année en Eredivisie.

Pote avec Damien Comolli et fan d’Arsène Wenger

Mais Billy Beane n’est pas seulement venu au pays d’Érasme pour jouer les Prométhée de l’efficacité. Il est venu pour voir du ballon. De prime abord, ça paraît difficile à croire : grand copain de Damien Comolli, qu’il rencontre alors qu’il est encore recruteur pour Arsenal, et de l’actionnaire majoritaire des Gunners, Stan Kroenke, Beane ressemble à un énième Yankee qui se pointe à l’Emirates Stadium avec une écharpe autour du cou, mais sans rien piper au soccer. Pourtant, celui qui a influencé une génération entière de coachs de baseball n’a jamais caché que l’une de ses influences principales provenait du… football. D’Arsène Wenger, plus précisément. En 2011, le natif d’Orlando, Floride, avouait au Daily Telegraph tout le bien qu’il pensait du technicien alsacien : « J’adorais le style de Wenger et j’admire la façon dont il injecte de la jeunesse dans son équipe. Il a cette volonté de garder son équipe jeune tout en maintenant une certaine compétitivité. En plus de ça, Arsenal est une affaire rondement menée. Les clubs peuvent très vite sortir du rang donc avoir quelqu’un qui équilibre les affaires avec la plus-value faite sur des joueurs, c’est une bonne chose sur le long terme. Pour ça, j’admire Wenger. » Plus récemment, celui qui fut classé 29e personne la plus fascinante du baseball par le New York Post affirmait qu’il « ne se lassait pas du football. Aux États-Unis, je dis à mes amis chauvins que si le football est le sport numéro un dans le monde, c’est qu’il y a une raison. Le reste de la planète ne peut pas avoir tort. » D’ailleurs, son rôle de consultant ne fait pas office de première fois dans le foot pour Beane. Lorsque les Oakland Athletics font l’acquisition des San Jose Earthquakes en MLS, le technicien s’engage à développer un outil permettant de détecter avec objectivité le potentiel des joueurs dans un championnat soumis au salary cap.

Un Moneyball applicable au foot ?

Mais techniquement, la méthode Moneyball de Billy Beane peut-elle s’appliquer à un sport qui ne partage aucune caractéristique avec le baseball ? Il est vrai que le football s’en remet de plus en plus à l’analyse de données, mais la majorité des grands coachs considèrent qu’il ne s’agit là que d’un outil améliorant la performance à défaut d’être le centre d’une stratégie sportive à part entière. D’abord, le baseball ressemble énormément à un sport individuel masqué derrière un simulacre d’équipe, ce qui permet de se focaliser et de se fier plus facilement aux performances de chaque joueur, alors qu’une équipe de football bouge son bloc à onze contre onze. Ensuite, le football a quelque chose de profond qu’il est difficile de retrouver dans le baseball : l’aléatoire. Généralement, un lanceur sait comment un batteur a l’habitude de frapper ses balles et vice versa. Un gardien, lui, n’aura jamais l’assurance certaine de l’endroit où le tireur placera son tir. Notamment parce que l’équipe qui attaque à un périmètre de 100 mètres sur 50 plutôt qu’une base de 50 centimètres de circonférence et qu’elle doit mettre la balle dans un but de 18m². Mais avouons qu’au fond de nous, on aimerait que cette méthode marche et que l’AZ Alkmaar remporte le championnat. Parce que voir Jonah Hill incarner Marco van Basten, ce serait cadeau.

Par Matthieu Rostac

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