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« Ben Arfa est dix fois meilleur que Messi »

Propos recueillis par Giuliano Depasquale
13 minutes
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« Ben Arfa est dix fois meilleur que Messi »

Entre les matchs contre Schneiderlin, ses années en foot-études, son amour pour Ben Arfa et sa carrière sur scène, Hakim Jemili, mec le plus footeux de la troupe du Woop, a déjà réalisé un bon bout de chemin à 26 ans.

Avant d’être l’humoriste que l’on connaît aujourd’hui, tu as été footballeur. Tu nous expliques un peu ta brève carrière ?J’ai commencé très très tôt, vers 5-6 ans. J’avais beaucoup de références par rapport à Maradona, tout ça, parce que mon oncle me parlait beaucoup de lui à l’époque. Du coup, je regardais beaucoup de ses vidéos et je m’inspirais de ses gestes pour essayer de les reproduire en match. Mais bon, c’était compliqué. Au début, je jouais dans ma ville, à Sélestat, en Alsace. Puis, on m’a fait intégrer un centre de préformation à 12 ans, près de Colmar, où je m’entraînais en plus de mes autres entraînements. Ensuite, on m’a proposé de passer les essais pour faire sport-études. Et, cette année, c’était la première fois que j’ai été pris en équipe d’Alsace à 13 ans. Je me souviens, il y avait aussi Morgan Schneiderlin à cette époque-là, contre qui j’ai joué maintes et maintes fois. Et, au sport-études de Colmar, j’étais avec Ryad Boudebouz notamment. Il était vraiment très puissant. Puis, on avait un peu tous l’objectif d’intégrer le sport-études qui était lié au centre de formation de Strasbourg. Moi, j’ai eu la chance d’être pris, on avait une belle équipe. Aujourd’hui, ça m’étonne qu’il n’y en ait pas beaucoup qui aient fini pros. Ils sont presque tous en CFA, à part Magaye Gueye.

Tu jouais à quel poste ?J’étais un dix et, d’ailleurs, j’ai toujours joué dix. Je voulais le numéro dix, sinon je ne jouais pas, ça ne servait à rien. Il me fallait absolument mon petit numéro dix.

À partir de là, on peut dire que tu es bien lancé dans le monde du foot.Ouais, à partir de là, ça commençait à aller pour moi dans le foot. Je commençais à avoir des contacts un peu plus intéressants avec d’autres clubs. Puis il s’avère que la Tunisie m’a sélectionné pour un match. À ce moment-là, j’ai 16 ans et je suis toujours à Colmar.

Avec Amine Chermiti, je me souviens, une fois, on avait séché, un soir, pendant un stage de sélection avec la Tunisie. On était allés manger une spécialité tunisienne parce qu’on en avait marre de la bouffe du stage.

Comment s’est passée cette convocation avec la Tunisie ?J’ai d’abord reçu un coup de fil. J’étais chez le kiné parce que je m’étais blessé et j’ai une dame qui m’appelle et qui me parle en arabe. Là, je me demande « Quoi ? Putain, il y a un décès dans la famille ou quoi que ce soit ? » Et là, elle me dit que c’est la Tunisie et que les entraîneurs voudraient venir me voir à Strasbourg pour discuter. J’ai pensé que c’était un canular jusqu’au moment où ils débarquent à l’aéroport. Donc je suis parti en Tunisie, dans l’équivalent du Clairefontaine tunisien.

Et c’est comment par rapport au vrai Clairefontaine ?Eh ben, tu sais quoi, c’est super ! Franchement, c’est très classe, très cool. Il y a tout ce qu’il faut pour s’entraîner correctement, avec tous les équipements dont on a besoin. Tout est vraiment correct. Les terrains n’étaient pas mystiques ou autre, non c’était bon délire. J’étais avec Amine Chermiti, je me souviens, une fois, on avait séché pendant un stage de sélection. Un soir, on est allés manger une spécialité tunisienne parce qu’on en avait marre de la bouffe de là-bas.

Malheureusement, une blessure est venue tout gâcher…Ouais, je suis rentré en Alsace et je me suis gravement blessé pendant un match à la con. En fait, au début, je me suis un peu blessé à l’entraînement avec mon entraîneur sport-études. Mais bon, c’était rien, je n’étais resté qu’une semaine out. Et puis, en fait, il s’avère que je me suis fait les ligaments croisés et, mentalement, je n’ai pas réussi à revenir au niveau. Si tu veux, tu mets six mois pour revenir d’une blessure comme ça. Moi, j’ai mis dix-onze mois. Parce que, en fait, j’avais peur. Ce qui fait que, quand je reprenais l’entraînement, je n’arrivais pas à courir. Je boitais tout le temps et ça a duré comme ça pendant deux-trois mois. Du coup, dans ma tête, c’était horrible, je pétais les plombs. Pourtant, je n’avais pas mal, mais je n’osais pas courir normalement. Ce qui a fait que ça m’a ralenti dans ma rééducation.

Mais, donc, tu t’en es tout de même remis ?Eh bien, j’ai perdu beaucoup de temps. Et puis, je suis revenu, mais je n’ai pas tout de suite rejoué à mon poste. J’ai commencé en tant que stoppeur. Puis, à partir de ce moment-là, j’ai un peu perdu la confiance de mon staff, que ce soit à Strasbourg ou à Colmar. J’ai quand même joué quelques matchs en CFA2. Puis, à un moment donné, j’en ai eu marre, j’ai abandonné parce que je n’étais plus au niveau. Cette blessure est survenue à 16 ans et demi.

Mon joueur préféré de tous les temps, c’est Ben Arfa. Il est trop imprévisible, trop vif dans sa tête. Je défie les gens de me donner un joueur plus complet que lui.

Tu aurais préféré devenir footballeur professionnel, plutôt qu’humoriste ?Oui, largement. Parfois, je rentre chez moi et je pleure, hein. Sans déconner, ça m’est déjà arrivé de pleurer à cause de ça. Je te jure, c’est vrai. Quelle tristesse quand même, tu sais. Mais, même, j’aurais préféré jouer en Ligue 2, descendre et remonter chaque année, parce que c’est vraiment ma passion.

Pourtant, ce n’est pas mal du tout d’être humoriste.Ah non, attention, c’est super, hein ! C’est un métier qui est extraordinaire. Moi, j’ai toujours voulu donner du kiff aux gens. Parce que, dans tout ce que j’ai fait, j’ai toujours voulu prendre énormément de plaisir. Quand je jouais au foot, c’était pour vraiment kiffer avec mes poteaux et me faire plaisir aussi à moi sur des gestes. Et l’humour, c’est pareil. Je n’ai pas envie de faire d’humour « commercial » , qui fasse rire les gens. Quand j’étais plus jeune, on me reprochait d’être un joueur beaucoup trop esthétique, parce que je voulais toujours réussir le beau geste, la belle performance. C’est un peu pareil dans l’humour. Je veux privilégier le truc que je veux faire. Je sais qu’il y a des vannes sur scène qui pourraient très bien marcher, mais je ne pourrais jamais faire ça. C’est comme si je me trahissais, je ne veux pas faire ce que les gens veulent entendre. Ça ne sert à rien, il faut que tu parles de ce dont toi t’as envie de parler, pas de ce qu’on te dit. Ce beau geste, tu le prenais de qui, à part Maradona ?Ronaldo, évidemment, le vrai. À ce moment-là, quand je regardais ses vidéos, je pense qu’il était à l’Inter. C’était au moment où il pétait tout. Puis, comme tout le monde, je regardais ce qu’il faisait et j’essayais de reproduire ses gestes.

Et ton joueur préféré ?Alors, mon joueur préféré de tous les temps, c’est Ben Arfa. Je trouve que ce mec-là, c’est un génie du football. Je trouve qu’il n’y a pas mieux que lui en ce moment. Pour moi, il est même meilleur que Messi, hein. Il est dix fois meilleur que Messi, pas un peu, mais dix fois ! Mais je ne sais pas ce qui lui a manqué pour que tout le monde soit d’accord vis-à-vis de ça. Parce qu’aujourd’hui, il n’y en a pas beaucoup qui sont d’accord avec ça. Il suffit de voir ce qu’il fait dans le foot, personne ne fait ça. Il faut dire la vérité, c’est dingue. En fait, c’est que tu ne sais pas ce qu’il va faire. Il est trop imprévisible, il est trop vif dans sa tête. C’est le joueur référence et je défie les gens de me donner un joueur plus complet que Ben Arfa. S’il a été si irrégulier dans ses matchs, c’est qu’il a dû y avoir quelque chose. Voilà, pour moi, Ben Arfa, c’est ma référence footballistique.
Tu es né en France, mais tu as joué pour la Tunisie. Au final, tu supportes qui ?De manière évidente, je supporte la France quand même, vu que j’y suis né. Mais, s’il y a France-Tunisie, je serai neutre, forcément. Je serai content si une des deux équipes gagne et, si elles font match nul, je serai encore plus heureux. Mais, globalement, je suis plus amené à supporter la France dans le sens où elle est présente plus souvent dans les grandes compétitions.

Et niveau club ?Eh bien, tu sais, je n’ai pas vraiment de club de cœur. Donc je dis que je supporte l’équipe de France. Voilà, pour moi, c’est mon club. On peut dire que c’en est un, mine de rien, en plus fort. D’ailleurs, pour l’Euro, on a une équipe de fou. Je n’aimerais tellement pas être à la place de Deschamps, parce que, cette année, ça va être compliqué de faire un choix. Avec Coman, Pogba, Ben Arfa et même Gignac maintenant qui se met à marquer des buts de fou.

Justement, mets-toi à la place de Deschamps et donne-nous ton onze de base.Alors, mon onze de base… (il réfléchit longuement, ndlr) Au but, je mets Lloris. Non, attends. En vrai de vrai, je mettrais Douchez. Mais je trouve que ce gars-là a gâché sa carrière. Ou on lui a gâché sa carrière, je ne sais pas trop pourquoi. Pour moi, il est meilleur que Trapp et Sirigu, hein ! Pour moi, Douchez, c’est le meilleur gardien français. Puis, à droite, je mettrais Jallet parce que c’est mon poteau, mais aussi parce qu’il est très fort. Dans l’axe, là, ça se complique. Je mettrais Koscielny, c’est une valeur sûre cette année. À côté, j’hésite à mettre Varane. Je ne sais plus trop, je lui fais confiance, mais je ne sais pas si c’est une valeur sûre à 100%. Bref, on va dire Varane. À gauche, Clichy. Au milieu de terrain, ratisseur, Lass forcément. Juste devant, en ratisseur qui peut se porter vers l’attaque, mais pas trop, Matuidi. Juste devant, qui mène un peu le jeu, Pogba. À droite, Ben Arfa. À gauche, Coman. Et en pointe, vu que Karim n’est pas là, Griezmann.

Je suis tous les matchs à domicile du PSG quand je ne suis pas en tournée. C’est devenu mon équipe préférée depuis Jay-Jay Okocha.

Tu mettrais Griezmann en pointe, toi ?Oui, pas le choix, je ne mettrais jamais Gignac ou Giroud. Pourtant, oui Gignac marque, mais je le garde en remplaçant. Mais pas titulaire dans une compétition importante. Non, on ne va pas se foutre de la gueule des gens non plus. Et Giroud encore moins. Je ne veux pas voir Giroud en équipe de France, personnellement. Parce qu’on a des qualités en attaque. On a Lacazette et, à la rigueur, même Rémy à l’avant, ça me va. Mais, Giroud, c’est compliqué franchement. Puis y a Payet qui est très dangereux, putain, mais je ne sais pas où le foutre. T’as vu, on a trop une bonne équipe.

Donc l’Euro est déjà dans la poche ?Ah, mais on gagne l’Euro. Si on ne gagne pas cette année, on ne gagne plus. C’est sûr, l’Euro est pour nous. Et en plus, c’est chez nous, putain ! Si on ne gagne pas cette année, qu’est-ce qu’on va foutre ?

Et tu suis la CAN aussi ?Alors, là, j’ai un petit coup de gueule à pousser. Je ne regarderai plus jamais la CAN de toute ma vie. J’ai juré que je ne regarderais que les résultats, mais plus jamais un match. C’est terminé, parce que c’est n’importe quoi. Ce sont des tricheurs, j’ai l’impression qu’ils nous prennent un peu pour des cons. Le dernier truc en date, c’était justement la Tunisie contre la Guinée équatoriale, le pays organisateur. On gagnait 1-0, donc on allait en demi-finales, et là, déjà, il y a sept minutes d’arrêts de jeu. À la dernière seconde, un joueur de la Guinée tombe tout seul dans la surface de réparation tunisienne, il n’y avait personne à proximité, et c’est penalty. À ce moment-là, j’ai dit stop.

Tu supportes la Tunisie, tu dis que ton club favori est la France, mais t’aimes aussi le PSG, non ?Ah oui, on peut dire que c’est mon club préféré et depuis longtemps, pas depuis l’arrivée des Qataris. Je suis tous les matchs à domicile quand je ne suis pas en tournée. C’est devenu mon équipe préférée depuis l’arrivée de Jay-Jay Okocha. Rien que son fameux but du milieu de terrain avec le PSG et le maillot blanc. Du pied gauche, en plus, cet enfoiré. Il était extraordinaire. Je me souviens, à la Coupe du monde 98, il tentait des gestes de fou à chaque fois et c’est de ça dont je te parlais. En match, il privilégiait la beauté du geste, plutôt que l’efficacité. Il faisait ce qu’il voulait et c’est ce qui me plaisait.

C’est simple, je fais du théâtre en parallèle du foot depuis tout petit. Dans chaque classe, depuis les primaires, la prof m’envoyait faire un sketch devant tout le monde.

Et à part via le PSG et les équipes nationales, quel lien gardes-tu avec le foot ?J’aime bien tâter le ballon avec d’autres potes humoristes et même des footballeurs. Malheureusement, avec le métier que je fais aujourd’hui, je n’ai plus le temps. Parfois, je vais jouer dans des five, mais c’est tout.
C’est qui le plus fort du Woop au foot ? Ah ben, c’est moi. C’est incomparable, les autres sont nuls. Il y a Mike qui se débrouille quand même bien. Moi, j’ai gardé ma technique, ça ne se perd pas. C’est la condition qui se perd.

Et le plus mauvais ?Alors, là, j’hésite entre Hugo et Malcolm. Mais, franchement, je ne sais pas. Ils sont tous les deux très très mauvais, mais vraiment abusé. Ils ne savent pas faire de passe. Déjà, ça, c’est grave.

Comment passe-t-on du foot au théâtre ?C’est simple, depuis tout petit, je fais du théâtre en parallèle du foot. Dans ma cité, à l’époque, il y avait un local où il y avait des cours d’improvisation. Puis, dans chaque classe, depuis les primaires, la prof m’envoyait faire un sketch devant tout le monde. J’ai toujours été à l’aise, on peut dire que j’ai toujours été le petit con qui fait un peu chier les gens, qui fout un peu la merde.
Tu seras le 27 avril au Grand Rex avec la troupe, mais tu prépares aussi un spectacle seul ?Oui. Là, je le rode, j’écris de nouvelles vannes, je les teste, j’essaie d’avancer un peu avec mon équipe. Mais il n’est pas encore prêt.
Tu y as déjà inséré des vannes sur le foot ?Bien sûr, il y a des vannes sur la sélection tunisienne, sur ma blessure. Même si j’ai du mal à en parler, je voulais vraiment le faire. Je n’avais pas les « couilles » , parce que ça me blessait quand même. Jusque-là, c’est comme si c’était un secret et que je n’osais pas me l’avouer. Aujourd’hui, j’ai trop de choses à dire, j’ai besoin de m’exprimer. Il y a plein de trucs qui m’énervent et j’ai envie d’en parler. Mais il y a aussi plein de trucs qui me font rire et que j’ai envie de faire partager aux gens. Je ne fais pas un spectacle pour gagner de l’oseille, pour être une re-sta ou pour coucher avec des filles. Je fais un spectacle parce que j’ai vraiment besoin de ça. Quand t’es sur scène, t’es avec des gens qui t’écoutent pendant une heure. C’est magnifique.

==> Retrouvez le Woop ce mercredi 27 avril au Grand Rex

Propos recueillis par Giuliano Depasquale

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