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Bayan Mahmud : « En Argentine, c’est très difficile pour les noirs »

Propos recueillis par Paul Piquard
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À 19 ans, Bayan Mahmud a déjà eu plusieurs vies. Il a vu ses parents assassinés, perdu son frère en fuyant leur orphelinat attaqué avant d'embarquer dans la cale d'un cargo direction l'Europe, mais débarqué finalement à Buenos Aires. Repéré par une bande de footballeurs du dimanche, Mahmud intègre ensuite le centre de formation de Boca Juniors et s'entraîne même avec Riquelme. Une histoire incroyable qu'il raconte dans un livre, Le Jeu du Destin. Aujourd'hui sans contrat, Mahmud tenait à parler foot, racisme, et frères Ayew.

Tu n’as que 19 ans, et on a l’impression que tu as déjà vécu 9 vies. C’est quoi la prochaine étape ?

J’espère venir jouer en Europe, c’est mon rêve. Peut-être en France, au PSG ! Mais aussi Marseille, avec les frères Ayew, Lyon ou Montpellier !

Tu as désormais la double nationalité, argentine et ghanéenne. Tu vas supporter qui à la Coupe du monde ?

C’est une bonne question ! Les deux ? Si les deux équipes s’affrontent, je ne saurais pas laquelle choisir. Mais si je pouvais participer, j’aimerais jouer pour le Ghana.

Quand tu es arrivé en Argentine, c’était un tout nouveau monde. Tu dis dans ton livre que tu étais, après ton incroyable parcours, un peu différent des autres jeunes joueurs de Boca, bien plus mature. Tu te sens encore différent aujourd’hui ?

Aujourd’hui, cela va mieux. Je parle leur langue, je les comprends tous, et cela fait une grande différence. Au début, c’était très difficile. Au centre de formation, par exemple, lorsque je rangeais ma djellaba après la prière, mes coéquipiers me la volaient pour se faire des blagues. En Argentine, il n’y a pas beaucoup de musulmans. C’était quelque chose de tout nouveau pour eux. Ici, en France, vous voyez plus de gens qui en portent. Je l’ai bien pris, on était très jeunes, et ils voulaient seulement rire un peu. Il l’enfilaient pour faire peur aux autres.

Tu as reçu beaucoup d’attention de la part des médias. Comment réagissaient tes coéquipiers ?

C’est assez compliqué. J’ai de très bons amis qui sont toujours contents pour moi, mais d’autres étaient jaloux. C’était très difficile d’évoluer et de jouer avec ces personnes-là. Je veux juste jouer au football. J’aimerais que certains des autres joueurs ne soient pas envieux, et que je puisse juste me concentrer sur le football. Cela fait quatre ans que je suis à Boca, mais je n’ai pas pu jouer pendant deux ans à cause de la FIFA, qui enquêtait sur mon cas.

Tu préférerais pouvoir te concentrer sur le football, au lieu de répondre à toutes ces sollicitations ?

C’est mon problème. J’ai dit à mon agent, Luis, que je veux seulement jouer au football. Je veux me concentrer sur ma carrière. Je suis jeune, et le football est le plus important. Je dois jouer. Les éléments extérieurs peuvent vous aider, mais la célébrité ne m’intéresse pas, je veux juste me concentrer sur le jeu. J’ai confiance en moi. Après avoir joué à Boca, on peut jouer dans n’importe quelle équipe : Barcelone, le Real Madrid, n’importe où.

Tu t’es déjà entraîné avec l’équipe première ?

Oui, avec Riquelme, Clemente Rodriguez, Orion. C’était très impressionnant. Ils me surnommaient « Ibarra » parce que je joue au même poste qu’Hugo, un joueur que j’adore, au même titre que Dani Alves, mais aussi Xavi et Iniesta.

En parlant de Dani Alves, tu as dû voir l’épisode de la banane. Tu évoques le racisme dans le livre, que tu as découvert en Argentine. Cela t’est déjà arrivé durant un match ?

Il y a beaucoup de racisme, mais pas comme ce qui est arrivé à Dani Alves. Le racisme est très présent en Amérique du Sud. C’est très difficile de jouer là-bas lorsque vous êtes noir. Parfois les gens n’acceptent pas qu’un noir passe à la télé. Je ne dis pas que le pays ou ses habitants sont mauvais, mais c’est très difficile. C’est pour cela que je veux venir en Europe. Je suis le premier Ghanéen à jouer pour Boca Juniors, le deuxième Africain, après Tchami. Je pense pouvoir mieux développer mes capacités dans une équipe européenne.
J’étais caché dans la cale, je n’avais aucune idée du temps

Après des années de séparation, tu as retrouvé ton frère grâce à Facebook. Vous vivez désormais ensemble, à Buenos Aires. Il joue toujours au foot, lui qui était meilleur que toi ?

Il est toujours le meilleur (rires) ! Je vais essayer de lui trouver un club, à partir de juillet, mais il est encore jeune lui aussi, il n’a que vingt ans. Mon rêve est que nous devenions les nouveaux frères Ayew.

Combien de temps s’est-il passé entre ta fuite de l’orphelinat et ton arrivée à Buenos Aires ?

C’est très compliqué pour moi de me souvenir. J’étais caché dans la cale, je n’avais aucune idée du temps. Je pense que cela a duré deux ou trois semaines, peut-être un mois. Je remercie Dieu tous les jours. C’est très difficile de partir d’un endroit comme le Ghana pour s’installer dans un nouveau pays. Aujourd’hui, tout le monde m’apprécie, énormément de gens m’ont aidé. Les dockers qui m’ont caché sur le bateau, le marin qui m’a nourri… J’aimerais les revoir un jour, j’espère vraiment les revoir.

Tu n’es jamais retourné au Ghana ?

Non. J’irai peut-être un jour, en vacances, à Accra, mais pas à Bawku. Mon frère a vécu à Accra pendant trois ans, il s’y est fait des amis et a vécu avec une famille. Si un jour, il souhaite retourner les voir, je l’accompagnerai.

C’est la première fois que tu viens en Europe, après toutes ces péripéties ?

Oui, je ne veux pas retourner en Argentine, je veux rester en Europe ! Je suis enfin arrivé à destination, je vais aller échanger mon passeport (rires) ! J’aime beaucoup la France. Il y a beaucoup d’Africains, de musulmans. J’espère pouvoir jouer ici un jour. J’ai 19 ans, il est peut-être temps pour moi de penser à venir jouer en Europe, pour faire carrière. C’est très agréable de jouer en Argentine, mais la vie de tous les jours est plus difficile.

Tu as beaucoup d’amis dans l’équipe ?

Oui, mais pas que. Je ne sais pas si c’est la même chose en Europe, mais j’imagine que c’est assez différent, notamment au niveau des mentalités. Là-bas, on te dit « Tu es noir, tu viens du Ghana, pourquoi est-ce que tu passes à la télé? » Ce genre de chose te sape ta confiance. Pour bien jouer au football, tu dois être bien dans ta tête, en paix. Si ce genre de choses arrive, cela devient très compliqué. J’y pense la plupart du temps. À l’entraînement, j’oublie tout, mais après, je recommence à y penser. C’est très dur. En foot, vous devez vous trouvez au bon moment, au bon endroit, en fonction de qui vous êtes.

Tu as signé un contrat avec Boca Juniors ?

Non, et c’est mon problème. Ils ne m’en ont pas donné. Je suis resté quatre ans, j’ai besoin d’un contrat. Même les joueurs plus jeunes que moi ont déjà un contrat. Aujourd’hui, je suis un agent libre. J’espère trouver quelque chose. Maintenant que je vis avec mon frère, je dois gagner de l’argent.

Tu te considères au niveau des autres sur le terrain ?

Au moins, et parfois meilleur que d’autres. En Amérique du Sud, c’est très compliqué, mais il y a aussi des garçons plus âgés que moi qui n’ont pas de contrat.
En France, vous voyez des Africains et cela vous paraît normal

Tu penses que certaines personnes dans le club ne veulent pas que tu aies un contrat ?

Peut-être. Ils m’aiment bien, mais il y a peut-être quelqu’un dans l’équipe, ou un responsable des jeunes, qui ne souhaite pas me voir intégrer l’équipe… Je dois réfléchir à mon avenir. J’ai toujours un an de contrat avec Nike, qui paye pour mes chaussures, mes équipements, mais c’est très difficile de se concentrer sur le jeu lorsque l’on a des problèmes d’argent. J’ai déjà eu envie de baisser les bras. Un jour, j’ai dit à mon frère : « Je ne veux plus y aller. » Je n’ai pas l’impression de faire partie intégrante de Boca Juniors.

Tu penses que c’est parce que tu n’es pas né argentin ?

En Argentine, c’est très difficile pour les noirs. Tous les noirs. Combien d’Africains ont joué en Argentine ? Peut-être cinq, en tout cas très peu. Comme je l’ai dit, je suis le premier Ghanéen à Boca Juniors, le deuxième Africain. Il y a quelque chose qui cloche.

Cela doit te rendre tout de même fier, d’être justement le seul joueur africain d’Argentine ?

Très fier. Tous les Africains qui travaillent en Argentine sont très fiers de moi. Ils disent parfois aux Argentins : « Vous croyez être les seuls à savoir jouer ? Maintenant, nous avons un Ghanéen qui joue à Boca Juniors. C’est notre frère ! » Cela me rend très heureux, de savoir que les Africains en Argentine ont de quoi être fiers. Ce n’est pas comme ici, en France. Vous voyez des Africains et cela vous paraît normal. Là-bas, être noir fait de vous quelqu’un de différent.

Si tu rencontrais un joueur africain qui te disait vouloir jouer en Argentine, que lui dirais-tu ?

Je ne dirais absolument jamais à un Africain que je considère comme mon frère d’y aller. Si je ne l’aime pas, je lui dirais d’y aller. Si tu veux apprendre à jouer au foot, tu peux aller en Argentine, si tu veux en faire ta profession, n’y va pas. Reste dans ton pays.

Tactiquement, c’est très différent des championnats européens ?

De moins en moins. À Boca, nous apprenons les mêmes schémas qu’au Barça, le tiki taka. Le coordinateur de Boca est passé par Barcelone. J’ai vu des équipes de jeunes battre Barcelone en tournoi. Le niveau est bon. En Europe, les clubs sont plus perfectionnistes. J’ai l’impression que les jeunes ici se développent à tous les niveaux, notamment physique, mais l’entraînement est le même. Je pense qu’après avoir joué à Boca, on peut jouer n’importe où.

Tu voudrais jouer au moins un match à La Bombonera ?

Oui, mais dans le football, il faut avoir un plan B. C’est comme cela que je vois les choses. Ce n’est pas comme si je ne pouvais pas jouer, mais on ne me laisse pas jouer.

Retrouvez le récit de la folle histoire de Bayan dans le numéro 113 de SO FOOT, publié en février 2014

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Propos recueillis par Paul Piquard

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