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Baptiste Reynet : « Je ne suis pas qu’un gardien, mais le onzième joueur »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
11 minutes
Baptiste Reynet : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je ne suis pas qu’un gardien, mais le onzième joueur<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Régulièrement cité comme un des tout meilleurs gardiens du championnat de France, Baptiste Reynet réalise cette saison ses exploits du côté de Toulouse, après avoir colmaté les brèches de la défense dijonnaise durant six saisons. Et avant d'accueillir son ancien club dimanche au Stadium, le Drômois de 28 ans disserte sur la confrérie des portiers de Ligue 1, son rôle de premier relanceur au Téfécé, mais aussi de survie et d'ovalie.

De nombreux joueurs de MPG (Mon Petit Gazon) peuvent te remercier : tu leur as régulièrement sauvé la mise… (Rires.) On m’en parle souvent de ça ! Sur Twitter, les gens me mentionnent souvent parce que je suis dans leur équipe, et qu’ils m’encouragent à faire un gros match. J’ai créé une ligue avec des copains et forcément j’ai voulu m’acheter. Sauf qu’un de mes potes m’a acheté 70 millions d’euros. Je n’avais pas pu rivaliser sur le coup et je ne m’attendais pas à ce quelqu’un mette autant. Mais je pense que lui n’avait vraiment rien compris au foot.

Au début, j’étais vu comme une révélation qui venait de Ligue 2, un peu sur le tard et sans grande expérience. Mais cet été, je me sentais estimé comme un vrai gardien de Ligue 1.

Sens-tu que ton statut a évolué en quelques saisons de Ligue 1 ? La première à Dijon, tu étais une surprise, la seconde un gardien sous-coté et aujourd’hui l’un des meilleurs gardiens du championnat.Ça, ce n’est pas à moi de le dire. J’essaye toujours de faire mon maximum et progresser. Cela dit, je sens qu’on me considère différemment. Au début, j’étais vu comme une révélation qui venait de Ligue 2, un peu sur le tard et sans grande expérience. Mais cet été, quand il y avait des discussions avec des clubs, je me sentais estimé comme un vrai gardien de Ligue 1.

Le souci, c’est qu’en parallèle, tu gardes les cages de défenses assez friables. Toulouse est la quinzième défense de Ligue 1 quand Dijon était l’avant-dernière la saison dernière. Est-ce forcément paradoxal ?Paradoxal, je ne sais pas. Mais désagréable, ça c’est sûr. En début de saison, on encaissait assez peu de buts, en dehors d’un 4-0 à Marseille. On a eu ensuite une période compliquée, mais on est un peu mieux ces derniers temps.


Il y a ce match Montpellier (3-0, le 27 octobre) où tu avais sorti une prestation énorme, pour finalement encaisser trois buts, dont un qui a été attribué contre ton camp. Dans quel état d’esprit on sort d’un tel match ?On sort frustré, énervé. En plus, c’était la veille de mon anniversaire. J’aurais préféré un meilleur cadeau. J’avais des amis qui étaient descendus pour voir le match. J’ai mis du temps à digérer et je n’étais pas vraiment moi-même. C’était un jour sans à tous les points de vue.

Comment mesure-t-on l’efficacité d’un gardien ?Tout dépend du club dans lequel tu joues. Au PSG, Areola ou Buffon doivent avoir un ou deux arrêts à faire par match, c’est là qu’ils doivent être décisifs. Pour moi, c’est ça le plus dur parce que tu n’es pas forcément chaud quand tu es sollicité. Mais pour être général, ça se mesure par le ratio de but encaissé par frappes.

La Ligue 1 présente tout de même une grosse densité de bons gardiens. C’est quelque chose dont tu as conscience ?On est bien servis en France. Franchement, je ne vois dans aucun club de gardien qui serait en dessous ou défaillant. Celui qui m’impressionne en ce moment, c’est Anthony Lopes. Je trouve qu’il est décisif en championnat et en Ligue des champions. Et j’ai toujours trouvé Stéphane Ruffier énorme, très fort sur sa ligne.

Je regarde très rarement les championnats étrangers. Par manque de temps, mais aussi parce qu’il faut avoir cinq chaînes pour tous les suivre.

Gardes-tu un œil sur ce qui se passe à l’étranger, en matière de gardiens ?Je regarde très rarement les championnats étrangers. Par manque de temps, mais aussi parce qu’il faut avoir cinq chaînes pour tous les suivre. Quand j’en ai l’occasion, je me penche vraiment sur la prestation du gardien. Je pars du principe que même en étant téléspectateur, ça peut m’aider à progresser. Analyser ce qui se passe, savoir ce que le gardien aurait dû faire pour éviter d’encaisser un but ou savoir comment il a fait un arrêt…

Avec toute cette concurrence, penses-tu avoir une chance de goûter un jour à la sélection ? Tu as dit récemment vouloir « taper dans l’œil de Didier Deschamps » . On est dans une période compliquée avec Toulouse, mais j’ai envie de donner le meilleur de moi-même, progresser. Recevoir une pré-convocation ferait déjà plaisir, car ça fait rêver de pouvoir jouer pour son pays. J’espère surtout ne pas avoir de regrets à la fin de ma carrière, en me disant : « Ah ben merde si j’avais pu faire plus, j’aurais pu y être. »

Il y en a un qui a eu cette chance, c’est Benjamin Lecomte…Nos destins sont plus ou moins liés. On est de la même génération, avec un an d’écart et quand je me blesse en équipe de France espoirs (2013), c’est lui qui prend ma place. Quand je vais de Dijon à Lorient (2013-2014), lui va de Lorient à Dijon et inversement à la fin de la saison. Quand je devais signer à Montpellier, c’est lui qui y va (2017)… Ça nous fait rire quand on en parle parce que ce n’est pas commun.

À propos de cette pige à Lorient, où tu as disputé sept matchs, tu as dit : « Je repartais presque de zéro, il fallait que je prouve ma valeur. C’était une remise en question permanente. » Qu’en est-il aujourd’hui, pour ta deuxième expérience hors Dijon ? En fait, on a toujours des choses à prouver. Aujourd’hui, si je suis venu à Toulouse, c’est aussi parce que j’avais besoin de me remettre en question et me prouver à moi-même que j’étais capable de réussir ailleurs qu’à Dijon. Je ne regrette pas du tout d’avoir signé ici cette année.

Toulouse était pourtant dans une situation sportive moins confortable que Dijon la saison dernière. Mais tu as avancé l’argument de la stabilité et de « l’assise dans l’élite » . En quoi ce paramètre est important ? C’est un club qui enchaîne sa seizième saison en Ligue 1, un club structuré, qui a un très beau stade. C’est rassurant. Lorsque j’ai appris l’intérêt de Toulouse, je ne savais pas trop où j’allais. Je ne savais pas comment le club allait réagir après sa saison difficile. Mais ce qui a fait la différence, c’est le discours d’Alain Casanova. Il m’a expliqué son plan de jeu, ce qu’il comptait faire et quel type de joueurs il comptait recruter. Forcément, ça a pesé dans la balance et je ne m’en suis jamais caché.

Je ne suis pas qu’un gardien, mais le onzième joueur. Je fais partie intégrante du jeu.

Qu’attend-il de toi, exactement ?Je ne suis pas qu’un gardien, mais le onzième joueur. Je fais partie intégrante du jeu. Aujourd’hui, on est un peu dans le doute, mais quand on jouait avec plus de confiance, j’étais le premier relanceur. J’ai pour consigne de relancer court, faire vivre le ballon, trouver une solution efficace pour permettre à l’équipe de progresser. Un peu comme un libéro. C’est tout ce que Laurent Weber (entraîneur des gardiens du DFCO, N.D.L.R.) m’avait appris à Dijon, que je dois remettre en pratique à Toulouse. Alain Casanova a insisté pour que je ne change pas ma philosophie de jeu. Ça a compté parce que je n’avais pas forcément envie d’en changer une nouvelle fois, alors que je me sentais bien en jouant comme ça.

Pourquoi dis-tu « changer une nouvelle fois » ? Lorsque je suis arrivé à Dijon, je jouais moins haut, je jouais moins court. Mais quand Olivier Dall’Oglio a repris les commandes du club (en 2012, N.D.L.R.), il a eu une philosophie de jeu qui était basée sur la possession. Le gardien faisait partie intégrante du jeu, je devais jouer haut, chose que je ne faisais pas du tout avant. J’ai dû adapter mon jeu aux besoins de l’équipe et avec le temps j’ai fini par me sentir vraiment bien dans ces conditions-là.

Que ça soit avec Olivier Dall’Oglio à Dijon ou avec Alain Casanova à Toulouse, tu évolues souvent dans une équipe qui aime créer le jeu. Est-ce que le gardien, dans ces conditions, vit son match de manière différente que si ton équipe avait un jeu plus direct ?Oui, car je dois être sans arrêt en alerte. Même si le ballon est à 70 mètres de mes buts, je dois être prêt à anticiper en profondeur, replacer mes coéquipiers. Je suis vraiment concentré de la première à la dernière minute pour ne pas être pris à défaut.

Contre Paris – même si c’est un cas particulier –, lorsque Toulouse a été le plus dangereux, c’est sur tes longues relances vers tes attaquants. Pourquoi jouer contre nature ?On a choisi de faire un bloc bas pour s’appuyer sur le fait que j’avais la capacité de lancer des attaques rapides. Mais ce plan ne va pas à l’encontre de nos principes, parce que ce n’était pas des ballons balancés au hasard. Je savais que lorsque j’allais récupérer le ballon, Aaron (Leya Iseka) allait partir en profondeur et que c’était à moi de la lui mettre au bon endroit, au bon moment, pour se créer des occasions.

Je n’ai pas spécialement eu le temps de discuter avec lui, mais j’ai senti beaucoup de respect à mon égard.

Tu as croisé Gianluigi Buffon. As-tu pu échanger avec lui ?Il dégage vraiment une très grande classe. C’est impressionnant. Rien que le fait de le voir, c’est… (Il souffle.) Je ne dirais pas que j’en ai pris plein les yeux, mais ça reste un monument et la référence au poste de gardien de but sur les 20 dernières années. Je n’ai pas spécialement eu le temps de discuter avec lui, mais j’ai senti beaucoup de respect à mon égard.

Dimanche, tu retrouveras ton ancien club au Stadium. Il va ressembler à quoi ce match ?Je pense que ça aurait été un match agréable à suivre si les deux équipes n’étaient pas sous pression. J’imagine que Dijon va venir pour récupérer le point du match nul. Ça sera à nous de faire le jeu, et eux vont jouer en contre. Il va falloir être intelligent et patient.

La ville de Dijon ne te manque pas trop ?Honnêtement, j’en avais fait le tour. J’y suis resté six ans et je connaissais à peu près tout là-bas. Le fait de découvrir une nouvelle ville, c’était une perspective qui me plaisait. Je me suis bien acclimaté à la région, à l’équipe, et j’ai même pu me faire des collègues en dehors du foot. Je me sens épanoui ici.

De fil en aiguille, je me suis trouvé un petit cercle d’amis qui permet de couper complètement avec le foot, penser à autre chose et profiter de choses simples.

Ce n’est pas trop compliqué de se faire des nouveaux amis, en dehors du cadre du boulot, quand on a 28 ans et qu’on débarque dans une nouvelle ville ?Je connaissais déjà Benoît, qui avait fait Koh-Lanta il y a trois ans, et qui par le passé jouait à Lorient. On s’était connus là-bas. On s’est revus quand je suis arrivé à Toulouse, il m’a présenté à sa copine (Jesta, elle aussi ancienne candidate du jeu de TF1, N.D.L.R.) et à certains de ses amis qui suivaient le foot. De fil en aiguille, je me suis trouvé un petit cercle d’amis qui permet de couper complètement avec le foot, penser à autre chose et profiter de choses simples.

Ils t’ont appris à faire du feu et à pêcher, tes nouveaux amis ?Je ne leur ai jamais demandé, mais c’est vrai que ça pourrait être utile.

Participer à Koh-Lanta ou faire de la survie sur une île, c’est quelque chose qui pourrait t’intéresser ? J’aime bien l’émission, mais je ne pourrais pas le faire. De une, j’ai un métier ; et de deux, je ne supporterais pas de ne pas pouvoir manger à ma faim. En plus, on doit finir par s’ennuyer à la longue. Déjà que je n’arrive pas à rester très longtemps sur une plage…

Tu es aussi un dingue de rugby. Venir à Toulouse, ça a dû réveiller cette passion, non ?J’adore ça. J’ai eu la chance d’aller voir le Stade toulousain contre le Leinster en Coupe d’Europe. C’était un gros match, avec une grosse ambiance, et Toulouse avait fini par gagner contre le champion d’Europe en titre. Dès que j’aurai la possibilité d’y aller, j’y retournerai. Je me suis fait aussi des potes au Stade toulousain.

Avec tes qualités de gardien de foot, tu serais plus à l’aise à quel poste au rugby ?3/4 centre. Les numéros 12 ou 13 se servent pas mal de leurs pieds, mettent du contact, tout en ayant un peu de recul… J’ai l’impression que ce sont des sensations assez proches de celles d’un gardien de foot.

Au fait, pourquoi le choix de ce blond platine il y a quelques semaines ? Un pari perdu ?On va dire que c’était un test capillaire… Des fois, il faut surprendre.

Dans cet article :
National : La chute des gros, la rébellion des mals-classés
Dans cet article :

Propos recueillis par Mathieu Rollinger

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