De Caldogno au pénalty contre le Brésil
Il est néanmoins vrai que Roberto Baggio manque au football italien. Le 16 mai 2004, l’un des plus grands talents que le Calcio n’ait jamais connu, voire le plus grand pour certains, quitte la scène. Le théâtre est San Siro, pour un match entre le Milan AC et Brescia. Le stade tout entier se lève pour ce joueur qui a tant fait rêver les foules pendant vingt ans et qui a endossé les maillots des trois plus grands clubs italiens, la Juve, le Milan AC et l’Inter. Beaucoup auraient souhaité que Baggio ne parte jamais. Non pas qu’il continue à jouer jusqu’à 50 balais, mais qu’il reste près du terrain. Entraîneur adjoint, consultant, quelque chose dans le genre. Mais non. Roby a décidé de s’éloigner, de prendre du recul sur un sport qu’il avait embrassé en 1974, lors de ses débuts avec les poussins de Caldogno, le club de sa ville natale. Puis la carrière que l’on connaît… Vicenza, Fiorentina, Juventus, Milan, Bologne, Inter, Brescia, et bien sûr les exploits avec la Nazionale, et cette Coupe du monde 1994 qu’il a failli remporter à lui seul. À un pénalty près...
Comment un joueur qui a tant fait vibrer les tifosi pouvait-il disparaître, comme ça, du jour au lendemain, pour aller se consacrer à la chasse, son autre passion ? C’était impossible. Et même si Baggio s’est mis volontairement de côté pendant plusieurs années, il n’a jamais caché son envie de revenir un jour et de retrouver un poste digne de sa carrière. Ainsi, en 2010, lors d’une interview donnée à Gazzetta Video, il laissait déjà entrevoir quelques signes de reconversion. « Moi, entraîneur ? Je ne sais pas. Je peux juste dire que j’aime les défis » , affirmait-il un sourire en coin. Puis de préciser : « Guardiola et Prandelli sont des gens que j’ai régulièrement au téléphone, que j’estime beaucoup en tant qu’entraîneurs et en tant qu’hommes. J’aimerais un jour pouvoir avoir des expériences professionnelles avec eux. » Bizarre qu’il n’ait pas cité Pablo Correa et Philippe Montanier.
À la rencontre du philosophe
Alors oui. Imaginer Roberto Baggio venir s’asseoir sur le banc de Modena, c’est une idée qui fascine, et qui va forcément faire croître la cote de popularité d’un club pas très sexy, 12e de deuxième division la saison dernière. Même si, pour certains, « Baggio serait déjà prêt pour un club de Serie A » . C’est en tout cas l’avis de Renzo Ulivieri, président de l’Association italienne des entraîneurs de football, qui a entraîné Baggio lors de la saison 1997-98, à Bologne. Antonio Caliendo, qui va tout faire pour le faire signer à Modena, en remet quant à lui une couche aux micros de Radio Sportiva. « J’essaye par tous les moyens de m’entretenir avec Baggio. Le connaissant, je pense qu’il devrait faire une carrière à la Guardiola. Un champion comme lui peut devenir un grand entraîneur. Modena peut être un tremplin parfait pour le propulser. Roberto est quelqu’un qui peut soulever les foules, mais il n'est pas du genre à prendre une décision comme ça, sur un coup de tête » , a-t-il assuré.
La seule chose qui semble encore être un obstacle à voir Baggio sur un banc de touche, c’est son style de vie. Roberto est un personnage réfléchi, presque philosophe, qui aime pouvoir être en retrait. Tout le contraire de ce que requiert le poste d’entraîneur. Si le côté philosophe peut éventuellement lui servir à analyser les prestations, il lui faudra également se faire violence pour aller répondre aux questions pas toujours pertinentes des journalistes à la fin des rencontres ( « Déçu par cette défaite ? » ). Bref. Roberto Baggio n’est pas encore sur le banc de Modena, mais il a en tout cas les cartes en règle pour aspirer à ce nouveau rôle. Reste à se convaincre lui-même qu’il en est capable. Car convaincre les autres, c’est déjà dans la poche.
Eric Maggiori
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