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Ritsu DĆan, supersub accompli

Buteur face Ă lâAllemagne puis lâEspagne, Ritsu DĆan a Ă©tĂ© lâun des artisans de la qualification japonaise en huitiĂšmes de finale de la Coupe du monde. Portrait dâun talent gĂątĂ©.
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En tentant un anagramme hasardeux, «âRitsuâ» donnerait presque «âsouritâ» . Cela tombe bien, ce terme dĂ©crit idĂ©alement le caractĂšre de Ritsu DĆan. Un garçon joyeux, ambianceur attitrĂ© de la sĂ©lection japonaise, et accessoirement douĂ© balle au pied. Câest en tout cas ce quâil a dĂ©montrĂ© en cette entame de Coupe du monde, au sortir dâun but crucial face Ă lâAllemagne et dâun bijou inscrit contre lâEspagne. Suffisant pour confirmer la renaissance de celui que lâon a longtemps placĂ© trop haut.
Joker de luxe
Il nâaura suffi que de 90 minutes pour que le monde sâentiche de Ritsu DĆan. Une heure et demie disputĂ©e en fractionnĂ© contre lâAllemagne et lâEspagne (entrĂ© en jeu dans le second acte), largement suffisante pour mettre le Japon sur les bons rails. MenĂ©s Ă deux reprises, les Samurai Blue se sont effectivement appuyĂ©s sur le rĂ©alisme froid de leur meneur de jeu pour Ă©galiser Ă chaque fois, avant de renverser la vapeur. Face Ă la Mannschaft, DĆan sâest ainsi illustrĂ© en renard, au rebond dâun ballon repoussĂ© par Manuel Neuer, avant de rĂ©cidiver trois jours plus tard devant la Roja, dâun missile puissant et soudain, pour faire plier les poignets dâUnai Simon. «âQuand je marque contre lâAllemagne, jâai indirectement remerciĂ© Manuel Neuer au moment de frapper dans le ballon. Cela fait trois ou quatre ans que je galĂšre Ă marquer en sĂ©lection, alors quand lâoccasion sâest prĂ©sentĂ©e, je me suis dit :« Il faut que je la mette »â», sâamusera dâailleurs le gamin de 24 ans en zone mixte.
Lâinsouciance caractĂ©ristique, au service dâune palette technique tout aussi aĂ©rienne. Car ce rĂŽle de supersub dĂ©complexĂ©, Ritsu DĆan lâa chevillĂ© au corps. Comme un compromis tacite avec Hajime Moriyasu, son sĂ©lectionneur, prĂ©fĂ©rant jeter son protĂ©gĂ© dans lâarĂšne pour achever les adversaires, malgrĂ© les critiques existantes au pays. «âJe gĂšre mon groupe comme une Ă©quipe de base-ball, relevait le placide tacticien en confĂ©rence de presse, dans une comparaison sportive : dans ma sĂ©lection, il y a les lanceurs partants, qui commencent le match, les lanceurs de relĂšve, qui apportent un second souffle et les stoppeurs, pour verrouiller la fin de partie.â» Et force est de constater que les faits lui donnent Ă©minemment raison. Titulaire face au Costa Rica, DĆan a en effet livrĂ© une prestation mĂ©diocre â Ă lâimage de ses coĂ©quipiers â conclue par une dĂ©faite amĂšre (0-1). «âĂvidemment, je ne suis pas content quand je dĂ©bute sur le banc, racontait lâintĂ©ressĂ© Ă Japan Today. Mais je suis conscient que câest dans ce rĂŽle dâentrant que je fais le plus la diffĂ©rence. Au PSV, jâai marquĂ© la moitiĂ© de mes buts en entrant en jeu. Je sais donc dans quel mode me mettre, quand le coach me demande de me prĂ©parer.â»
Revanche et renaissance
IdĂ©alement analysĂ© par Moriyasu, celui qui a commencĂ© prĂšs de la moitiĂ© de ses sĂ©lections sur le banc (douze entrĂ©es en jeu en 32 capes) semble donc avoir trouvĂ© son rythme de croisiĂšre, dans cette Coupe du monde de tous les possibles. Des certitudes que le Japon a cru ne jamais pouvoir trouver. Car au Pays du Soleil levant, Ritsu DĆan reste encore une petite Ă©nigme. Originaire dâAmagasaki, fournaise industrielle du Kansai, le bonhomme Ă la teinture blonde a en effet longtemps «âsouffertâ» de lâĂ©tiquette dâespoir du football local. La faute Ă une prĂ©cocitĂ© certaine et Ă une suffisance pas en reste. FormĂ© au Gamba Osaka, il sâoffre ainsi le luxe dâintĂ©grer les entraĂźnements du groupe professionnel Ă seulement 14 ans, de signer son contrat Ă 15 et faire ses dĂ©buts Ă 16. Trois ans de folie, ne tardant pas â comme bien trop souvent â Ă lui offrir le surnom de «âMessi dâOsakaâ». Un clin dâĆil populaire, pour lâadolescent ayant dĂ©couvert le ballon rond sur une improbable compilation de Diego Maradona. «âLe premier objet liĂ© au football que jâai eu, câest un DVD des plus beaux buts de Diego Maradona. Il mâa Ă©tĂ© offert pour mon anniversaire, par mon instituteur de primaire. Et cela a changĂ© ma vie.â»
Des dĂ©buts prometteurs, confirmĂ©s par son transfert Ă lâĂ©tĂ© 2017 pour Groningen, aux Pays-Bas, au sortir dâun Mondial U17 achevĂ© avec trois buts en quatre matchs. Son histoire avec lâĂ©quipe nationale prend alors forme, puisquâen juillet 2019, câest donc au tour du PSV de cĂ©der, charmĂ© Ă lâhiver prĂ©cĂ©dent par les prestations du dribbleur en Coupe dâAsie. La marche sâavĂ©rera cependant trop haute pour un DĆan victime de son propre talent, de blessures multiples, et nâayant pas tardĂ© Ă basculer dans la catĂ©gorie des manieurs de ballon inefficaces. Une pĂ©riode de flou, venue lasser une partie de sa fanbasenippone et le priver de sĂ©lection pendant deux ans (il nâest convoquĂ© quâĂ six reprises sur dix-huit possibles, entre octobre 2020 et juin 2022). Cette absence de visibilitĂ© servira finalement de bouĂ©e de sauvetage pour un garçon en manque de quiĂ©tude, broyĂ© par la machine mĂ©diatique. RelancĂ© Ă Bielefeld lâan dernier, et aujourdâhui Ă©panoui Ă Fribourg, câest donc dâun Ritsu DĆan (de nouveau) tout sourire que peut profiter le Japon. Et le monde dĂ©sormais.
Dans cet article :
Par Adel Bentaha