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Quand Corinne Diacre était la « Attila » de Clermont

Par Maxime Brigand, avec Théo Denmat
Quand Corinne Diacre était la «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Attila<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>» de Clermont

Pointée du doigt par de nombreuses cadres en équipe de France après la non-sélection d’Amandine Henry, ce qui a fait remonter plusieurs tensions enfouies sous le tapis, Corinne Diacre est de nouveau placée face à sa méthode : un management par la terreur qui a déjà fait des dégâts lors de sa première expérience chez les pros, à Clermont.

C’est l’histoire d’un vestiaire transformé en saloon, en plusieurs temps. Il y a d’abord eu cette préparation au Mondial 2019 et une conférence de presse organisée un jour de mai, au Palais des congrès de Perros-Guirec, à quelques semaines du début d’une Coupe du monde organisée en France. Armée de cernes fournies et d’une paire d’yeux transformés en revolvers, Corinne Diacre était alors venue déplier le programme des semaines à venir et affirmer que l’objectif était « de se faire mal » et que son plan de bataille était « bien cadré, sans place pour l’émotionnel ». Quelques jours plus tard, la sélectionneuse des Bleues avait réuni ses joueuses à sept heures du matin pour effectuer une série de tests physiques à jeun. Chose promise, chose due. La promesse en question : « Sur les trois premières semaines, les organismes vont énormément souffrir, donc les filles n’auront pas le temps de penser. Je vous le dis : elles vont souffrir. » La suite ? Après un Mondial fragile dans le jeu, bouclé par une élimination en quarts de finale face aux États-Unis (1-2), Corinne Diacre avait à nouveau tiré et visé l’une de ses cadres, Eugénie Le Sommer, lors d’un entretien donné à Téléfoot. Il faut ajouter à cet épisode le fait qu’un an plus tôt, Wendie Renard avait perdu son brassard, et que dans la foulée de la Coupe du monde, l’adjoint de Diacre, Philippe Joly, avait cherché à se carapater, usé par sa collaboration avec celle qui a récupéré la barre du bateau France lors de l’été 2017.

Refusé dans un premier temps, le départ de Joly a finalement été acté au début du mois de janvier 2020 après une grosse discussion avec Corinne Diacre. Des discussions, il y en aussi eu, beaucoup, lors des derniers mois. Diacre a notamment dû s’expliquer auprès de Jean-Michel Aulas, agacé par le comportement de la sélectionneuse avec les joueuses de l’OL. En janvier, elle a également été reçue au siège de la FFF par Noël Le Graët afin de participer à une réunion de conciliation avec Wendie Renard, à l’issue de laquelle le boss avait été clair avec les deux femmes, leur demandant, selon des propos rapportés par RMC, de « travailler ensemble pour le bien et l’avenir de l’équipe de France, sans pour autant être amies ». La semaine dernière, à la suite de la non-sélection d’Amandine Henry, Renard a pourtant choisi d’allumer de nouveau sur Canal + : « Il faut ramener un peu plus de sérénité et surtout une énergie positive pour pouvoir se trouver complètement sur le terrain. Il est important d’avoir la confiance pour s’exprimer. » En d’autres mots, la question est désormais sur la table : est-il encore possible d’imaginer un avenir pour Corinne Diacre sur le banc de l’équipe de France ?

« Elle essayait de nous faire craquer »

Cette situation amène surtout d’autres interrogations, plus profondes, et ressort sur la table la question d’un management par la terreur choisi par Diacre depuis le début de sa carrière de coach. Interrogée au printemps 2019, Corinne Petit, son ancienne joueuse à Soyaux, avait prévenu : « Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’elle n’est pas là pour essayer de plaire aux gens. C’est soit on colle avec elle, soit on ne colle pas, mais elle avance. » Parfois tête baissée, souvent sans faire de sentiments. Corinne Diacre est souvent dépeinte comme « rigide », comparée à un mur et cela s’explique d’abord par le fait qu’elle a toujours avancé seule, qu’elle s’est fait sa place seule et qu’elle s’est toujours fait respecter seule. Ce qui a pu la pousser par le passé à en faire trop, comme lors de sa première apparition dans le vestiaire de l’équipe première de Clermont, lors de l’été 2014. Présent, le gardien Franck L’Hostis a ainsi vu arriver une femme qui a « déballé son CV. J’ai fait ci, j’ai fait ça, comme ci, comme ça… Elle a voulu en imposer. Nous, on était curieux, c’était nouveau, on était ouverts. Mais avoir un caractère fort, ça ne veut pas dire agir en dictateur. » Pour ceux qui connaissent bien l’ancienne capitaine de l’équipe de France, il s’agit là d’une « phase de test » classique de son management.

Problème, en voulant imposer son cadre à Clermont, d’où l’adjoint historique du club, Jean-Noël Cabezas, a été rapidement éjecté, Corinne Diacre a aussi mis un sacré bordel. Pêle-mêle, la presse locale s’est soudainement vue refuser l’accès aux bureaux du club, les huis clos ont été multipliés, la communication a été verrouillée et la coach a commencé à taper sur le système de certains joueurs. « À l’entraînement, il fallait que l’on ait tous les mêmes chaussettes assorties, explique par exemple Anthony Lippini. Longues ou courtes, d’habitude, chacun fait ce qu’il veut. Là, ce n’était plus le cas et il y a des types que ça a saoulé. » En parallèle, les débardeurs ont également été interdits, et Diacre a refusé que certains de ses joueurs restent dans leur chambre en plein ramadan au nom de l’unité collective. L’histoire raconte même que les glaçons dans les verres d’eau ont été proscrits. Si Claude Michy, le président clermontois, affirme que Corinne Diacre a fait « grandir le club dans son monde de fonctionnement », certains employés ont surtout peiné face au « marche ou crève » d’une future sélectionneuse qui n’a que rarement pris la peine de justifier ses choix. L’Hostis, toujours : « La première année, elle a mis sept ou huit joueurs de côté en nous disant : « Moi, je suis la coach. Toi, tu es le joueur, tu n’as pas à comprendre. » Elle avait réussi à instaurer la peur. » Un proche du club parlera plus tard d’un management « à la Attila », où « chaque oreille qui dépassait était coupée ». « Elle essayait de nous faire craquer », souffle un autre ancien de l’effectif. Anthony Lippini, lui, englobe la chose : « Quand tu vas dans son sens, tu as sa confiance. Mais dès que tu commences à te placer entre elle et ses objectifs, elle n’hésitera pas à te virer pour le bien de son groupe. » La preuve : en mars 2015, le joueur a été écarté du groupe pour un déplacement à Ajaccio, sous prétexte que Lippini entretenait de bons rapports avec Oliver Pantaloni, le coach de l’ACA. Ce qu’il faut mettre au crédit de Diacre, c’est que ce management a porté ses fruits, Clermont réalisant sa meilleure saison depuis 2012 d’abord, puis terminant ensuite à une belle septième place de Ligue 2 avec de bonnes pioches, avant que la native de Croix ne soit nommée dans les quatre meilleurs entraîneurs de l’année lors des trophées UNFP 2016.

La tentative de putsch et les larmes

En interne, pourtant, la situation était bouillante entre un staff médical un temps proche de la démission et des capitaines avec qui Corinne Diacre s’est quasiment toujours embrouillée, comme Karim Djellabi, dont voilà la vision de l’aventure : « J’ai essayé de faire le tampon, comme mes prédécesseurs. Elle ne mesurait pas la taille du fossé qu’elle avait creusé entre elle et l’effectif. Dans mon coin, j’ai tout fait pour que le groupe n’explose pas, parce que beaucoup de personnes voulaient l’entarter. Il faut qu’elle comprenne qu’elle n’a pas la science infuse. Les coachs qui réussissent sont ceux qui sont proches de leurs joueurs, qui écoutent les retours. Finalement, je pense qu’elle met de côté le côté humain du métier d’entraîneur et qu’elle surjoue un personnage. » C’est aussi ce qui lui est reproché chez les Bleues : Diacre ne serait pas réceptive aux états d’âme, militaire dans son approche, et a dû faire face à une tentative de putsch après le Mondial organisée par plusieurs joueuses. En réponse, la sélectionneuse avait alors organisé plusieurs entretiens individuels, deux joueuses en seraient ressorties en pleurant selon L’Équipe. Plus d’un an plus tard et alors que l’Euro 2022, le Mondial 2023 et les JO 2024 se profilent, est-il encore possible de créer un climat serein ? Bonne question. Cette semaine, Noël Le Graët est de nouveau venu à Clairefontaine pour tenter d’apaiser les tensions. Bon courage.

Dans cet article :
Jonathan Clauss sera absent pour trois à quatre semaines
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Par Maxime Brigand, avec Théo Denmat

Tous propos issus de l'article "La Corinne a des yeux", issu du SO FOOT #167, sauf mentions.

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